Sur la ligne d’arrivée, le distingué Fred Duthil a serré les poings, hurlé de joie et mimé un geste rageur des deux bras vers le bas comme pour donner le coup de grâce à cette « étape de psychopathes », selon le mot de Corentin Douguet. Ce n’est pas tous les jours qu’on déflore en vainqueur une ligne d’arrivée de la Solitaire Afflelou Le Figaro devant Nicolas Troussel, Michel Desjoyeaux… et tous les autres. Le skipper de Distinxion se souviendra toute sa vie de cette fin de matinée irlandaise où il entre au panthéon de la course au large. « Pour l’instant, avec le prologue Afflelou et celle là, je suis à 100% de réussite, faudrait que ça dure trois semaines » a-t-il plaisanté.
Seulement voilà, sur les moquettes épaisses du Royal Yacht Club de Crosshaven où depuis trois siècles on compte le temps par poignées de décennies car c’est plus simple, ils ont été nombreux à rejoindre très rapidement le vainqueur du jour. Autrement dit, les écarts sont faibles : le podium tient en moins d’un quart d’heure, la moitié de la flotte en une heure et sa quasi intégralité en trois heures. « Tout ça pour ça ! » rigole Gérald Véniard (Scutum, 16e à 44 minutes). « Après tout ce qu’on a fait, c’est pas cher payé » a abondé un Michel Desjoyeaux aux yeux creusés, ivre de fatigue.
C’est l’heure d’analyser le classement et de n’y trouver qu’une seule certitude, mais non la moindre : rien n’est joué au classement général. Alors qu’on pouvait craindre des retards insurmontables pour les deux tiers de la flotte voila encore une trentaine d’heures, les marins éreintés affichent le sourire de ceux qui savent que chacun garde ses chances pour la suite. Au minimum pour la deuxième étape vers Brest, dont le départ sera donné lundi.
Favoris dans le match
Pour tirer malgré tout quelques conclusions hâtives après cette première et incroyable bagarre à rebondissements, disons que la plupart des grands favoris sont dans le match. En complétant le podium, le tenant du titre Nicolas Troussel (Financo) et l’inévitable Michel Desjoyeaux (Foncia) ont marqué leur territoire. Il faudra compter avec eux. Même chose pour un Thierry Chabagny (Brossard, 4e à 17 minutes) deuxième du général en 2006 et partagé entre la déception de n’avoir pas gagné et la satisfaction d’être parfaitement dans le rythme. Sentiment évoqué aussi par Nicolas Bérenger (Koné Ascenseurs, 5e à 19 minutes). Ces deux-là ne se sont pas quitté aux avant-postes, un peu comme s’ils étaient encore sur le même Figaro Bénéteau qui les a vu gagner ensemble Marseille-Istanbul au printemps. Excellente opération encore pour Etienne Svilarich (Grain de Soleil, 7e) qu’on n’attendait pas forcément à pareille fête, pour Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier, 6e). Ronan Treussart (Groupe Céléos), Jeanne Grégoire (Banque Populaire) et Corentin Douguet (E.Leclerc-Bouygues Telecom) complètent le Top Ten, à un peu plus d’une demi-heure du vainqueur.
Hormis pour Marc Thiercelin (Siemens, 42e à 2h) et Christophe Lebas (Lola La piscine Assemblée, 44e à 2h24), qui auront donc un handicap un peu plus lourd pour la suite, il n’y a pas de grands noms parmi les très relatifs « battus » du jour. Gildas Morvan (Cercle Vert) hérite d’une 22e place inhabituelle pour lui, mais n’a que 58 minutes de retard. Idem pour Eric Drouglazet (Luisina) et Pietro D’Ali (Kappa) aux 29e et 30e places mais avec un débours limité à un peu plus d’une heure et dix minutes dont on reparlera par exemple sur les 762 milles de la troisième étape entre Brest et La Corogne via le Fastnet…
Chez les bizuths, c’est l’excellent Nicolas Lunven (Bostik, 11e à 36 minutes) qui mène la danse devant Frédéric Rivet (Novotel Caen, 17e) et Vincent Biarnes (Côtes d’Armor). Nous reviendrons demain sur ces débutants dans La Solitaire. Pour l’heure, laissons la parole aux skippers. Ce sont encore eux qui parlent le mieux de cette étape de dingues où quinze fois sur le métier il a fallu remettre son ouvrage avant cette arrivée groupée dans la brume irlandaise.
Pas trop d’écarts lors de la première étape
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