La navigation, c’est comme la cuisine : il y a des recettes, des ustensiles, des ingrédients, une préparation. mais au final, c’est le « coup de patte » du chef cuistot qui fait qu’un plat est magique, délicieux, réussi, original, appétissant ! Et dans le détroit de Cook, l’explorateur britannique qui découvrit la Nouvelle-Zélande en 1770, le menu était plutôt épicé pour le monocoque leader qui s’est retrouvé « étranglé » dans cet entonnoir par un Eole peu coopératif. Une brise portante musclée qui devient contraire et violente, des îles, du courant, des vents catabatiques : de quoi attraper une indigestion et creuser des sillons pas seulement sur l’océan mais surtout sur les visages.
« Nous avons été chanceux dans le détroit de Cook, car ce n’est pas un endroit facile : le vent passait de 25-30 nouds au portant à 35 nouds au près ! C’était fatiguant, humide et il fallait en plus parer les îles et les côtes. Nous sommes contents d’en être sortis. Maintenant, avec l’arrêt au stand de Hugo Boss, il va falloir gérer différemment la course : entre vitesse et sécurité car il reste tout de même 11 000 milles ! Tout peut encore arriver. » indiquait Damian Foxall ce jeudi matin alors que sa situation était nettement plus confortable à plus de 200 milles de la Nouvelle Zélande.
Gérer la suite
Puisque Alex Thomson et Andrew Cape sont en escale technique à Wellington depuis ce jeudi à 4h00 (heure française), Jean-Pierre Dick et Damian Foxall savent désormais qu’ils ont moins de pression puisque le règlement de la Barcelona World Race précise que dès qu’une équipe technique monte à bord, l’arrêt minimum est de 48 heures. Or, si deux jours de travaux seront suffisants pour fiabiliser Hugo Boss et ses safrans, ce laps de temps est du bonus pour le monocoque leader qui bénéficie en sus, d’excellentes conditions de navigation depuis qu’il est entré « en Pacifique ». Avec au minimum 350 milles quotidiens ces deux prochains jours, Paprec-Virbac devrait accumuler une avance de plus de 900 milles lorsque son dauphin reprendra la mer. Est-ce pour autant important comme marge de manouvre ? Oui et non ! Oui, si les conditions météo pour parer le cap Horn ne sont pas trop rudes (et là, rien d’évident pour la semaine à venir : cf. Francis Joyon !) ; non, car il est impossible de préjuger de la remontée de l’Atlantique (cf. Jean Le Cam vs Vincent Riou lors du Vendée Globe 2004 !). Harassés par un mois et demi de course, le duo leader sait qu’il doit d’abord reprendre des forces et gérer le matériel face à un poursuivant qui sera extrêmement motivé et reposé en disposant d’un bateau entièrement vérifié et fiabilisé.
Cinq jours avant la terre
Pour Temenos II comme pour Veolia Environnement, la prochaine terre est à cinq jours de mer. Dominique Wavre et Michèle Paret sont sortis d’un coup de vent et bénéficient d’une accalmie provisoire jusqu’à la nuit prochaine car ensuite, c’est un courant d’air vent de travers musclé qui va les propulser en plein dans un anticyclone ! « Nous en avons encore pour une dizaine d’heures dans un vent qui a faibli et nous avançons entre 9 et 10 nouds sur la route. Mais après, cela va forcir et nous serons au reaching, ce qui nous imposera de ne pas trop solliciter le bateau car si les problèmes de quille semblent se stabiliser, nous ne voulons pas aggraver les choses avant d’arriver à Wellington. Il est difficile de dire quand nous atterrirons sur la Nouvelle Zélande parce qu’ensuite, il y a des hautes pressions qui vont nous ralentir et dans un anticyclone, on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé ! Probablement le 1er janvier ou le lendemain. »
Et pour Roland Jourdain et Jean-Luc Nélias, c’est par tranche de cent milles que s’égrainent les jours. Or à 500 milles de Fremantle sur la côte Ouest de l’Australie, Veolia Environnement n’est pas sûr de passer le réveillon de fin d’année au port ! « Il fait toujours froid ici et nous avons eu du mal à garder notre route pendant le passage d’une dépression avec seulement notre trinquette pour faire du près ! Maintenant, le soleil est revenu, nous marchons à cinq nouds mais on se fait secouer p arce que l’océan Indien est encore agité. »
Le petit doigt de Servane
Enfin du côté de Educacion sin Fronteras, Albert Barguès et Servane Escoffier ont dû obliquer au Nord-Est pour assurer leur passage de la porte « australienne » : dans le Sud du cap Leeuwin, le couple navigue dans de bonnes conditions météo mais le vent va repasser vendredi au secteur Sud-Ouest en forcissant, soit de la mer formée et du froid antarctique. La navigatrice indiquait aussi qu’elle s’était blessée, mais sans gravité : « Mes mains sont dans un sale état et je pense que je me suis fêlée le petit doigt, mais rien de grave. Ces jours derniers ont été rudes et on s’est fait bien secouer avec plus de 30-35 nouds au portant, mais on avait la bonne vitesse avec entre 15-18 nouds au compteur, sous un ris et foc solent. Le bateau est en bon état et nous aussi finalement puisque nous pouvons faire de l’Est dans une brise qui a molli. »
Classement du 27 décembre à 14h00 GMT
1-PAPREC-VIRBAC 2 à 11 022,7 milles de l’arrivée
2-HUG BOSS à 275,4 milles du premier
3-TEMENOS II à 1 539,2 milles du premier
4-MUTUA MADRILENA à 1 918,2 milles du premier
5-EDUCACION SIN FRONTERAS à 2 950,2 milles du premier
ADB. VEOLIA ENVIRONNEMENT
ADB. ESTRELLA DAMM
ADB. DELTA DORE
ADB. PRB