Fabrice Amedeo partage avec tous les skippers la même envie de boucler ce Vendée Globe mais le passage du Cap Horn reste un moment mythique à vivre pour un marin et il l’a fait à la 11e place sur cette 8e edition du Vendée Globe. Il devance Arnaud Boissière (La Mie Câline), Alan Roura (La Fabrique) et Rich Wilson de quelques milles.
Après 70j 13h 38min de solitude, 23j 13h 06min après le premier, Armel Le Cléac’h, le marin de Newrest-Matmut a donc vécu ce grand moment, fruit d’un long travail. Un immense moment de bonheur et une récompense amplement méritée !
« L’impression d’être à ma place… »
« J’ai passé le cap Horn ! » : les premiers mots de Fabrice Amedeo ce lundi n’appellent aucune explication, mais laissent juste s’exprimer une grande joie, mêlée de fierté et d’émotion intense. Ce rocher mythique qui annonce la fin imminente des mers du Sud et le retour en Atlantique, était attendu depuis plusieurs jours par le skipper de Newrest-Matmut. Un baptême qui s’est fait attendre, contrarié un temps par de très grosses conditions météo, infligeant au skipper et à sa monture des rafales à plus de 50 nœuds. C’est finalement la nuit dernière, à 2h40, que le bizuth est devenu cap-hornier : « J’ai vécu un grand moment de ma vie. Hier, j’avais 50 nœuds en approche du Horn, puis le vent a molli, il y avait cette lumière violette sur les montagnes de Patagonie, le Soleil qui se couchait. J’étais environ à 20 milles du rocher et quand j’ai vu ces montagnes, j’ai pris une claque ! C’était la première terre depuis le 7 novembre dernier et mon passage au cap Finisterre. Je n’ai jamais été aussi ému de voir la terre… C’était un grand moment ! Mon passage du cap Horn en lui-même a été magnifique avec cette Lune, le phare, le rocher… J’ai éprouvé une véritable sensation de plénitude et ce sentiment d’être en symbiose avec mon bateau, avec ce que je vivais, l’impression d’être à ma place… ». Un premier passage que Fabrice Amedeo a dédié naturellement à ses trois filles, Joséphine, Louise et Garance, ses partenaires et son équipe technique, Yvon Berrehar et Julien Romagne.
Sortir des 40èmes en fin de semaine
Le cap Horn dans son sillage, le skipper de Newrest-Matmut a donc fait son retour en Atlantique. Et s’il sait la route vers Les Sables d’Olonne encore longue, après plus de 70 jours de mer, il ne boude pas la symbolique : « Les mers du Sud ne sont pas encore derrière moi mais je suis en Atlantique et sur le chemin de la maison. Je vais passer à l’Est de l’île des Etats et également dans l’Est des Malouines avec une dépression sur la route et entre 35 et 40 nœuds de vent. On va se faire secouer mais on va aussi et surtout faire route au Nord. Je prévois une sortie des 40èmes pour la fin de la semaine ». A l’heure où les premiers concurrents en termineront avec leur tour du monde, Fabrice Amedeo ne sera pas loin de fêter les retrouvailles avec les alizés de l’hémisphère Sud, un pas de plus sur le chemin du retour.
Temps de passage de Fabrice Amedeo et Newrest-Matmut au cap Horn :
Lundi 16 janvier 2017, à 2h40 (heure française), en 70 jours 13 heures et 38 minutes, 23 jours 13 heures et 6 minutes après le premier.
11ème au classement de 15 heures le lundi 16 janvier, à 6903.5 nm de l’arrivée
Sailing aerial images of the IMOCA boat Hugo Boss, skipper Alex Thomson (GBR), during training solo for the Vendee Globe 2016, off England, on September 16, 2016 - Photo Cleo Barnham / Hugo Boss / Vendée Globe
Images aériennes de Hugo Boss, skipper Alex Thomson (GBR), lors d'une sortie d'entrainement en solo au large de l'Angleterre, le 16 Septembre 2016 - Photo Cleo Barnham / Hugo Boss / Vendée Globe
Alex Thomson est à l’attaque. Il a battu ce matin le record de distance avalée en 24h en solitaire sur monocoque. 536,81 milles (soit 994 km) à la vitesse folle de 22,4 nœuds. Le record de François Gabart établi en 2012 qui était de 534,48 milles est donc tombé. L’écart est maintenant de 78 milles mais Armel Le Cleac’h a du répondant et a lui aussi accélérer pour ne rien lâcher. L’écart de vitesse entre les deux était de 2 nds hier, il est tombé à 0,8 nds cet après-midi. En attendant, dès demain, les vitesses vont ralentir à l’approche d’un anticyclone (zone sans vent), il y aura ensuite un virement de bord crucial très au large de Ouessant puis des derniers milles incertains le long de la côte bretonne…
Il faut se souvenir qu’il y a quatre ans, Armel Le Cléac’h était à la poursuite de François Gabart, et était revenu 88 milles dans son sillage dans le golfe de Gascogne trois jours avant l’arrivée ! Aujourd’hui, le rôle du breton a changé, c’est le moins que l’on puisse dire, lui qui tient les rennes de la course depuis 44 jours.
Tout sourire dans une dernière vidéo envoyée à l’organisation, le Britannique savoure son record de distance. Il a la niaque l’Anglais et veut le dire à tout le monde. Une manière évidente de mettre un peu plus de pression au Français. Sur son monocoque privé de foil tribord, il est évident qu’Alex donne tout en ce moment dans ce vent de sud-est pour 20 nœuds, car la seule chose sûre quant au scénario de fin, c’est que cela se passera bâbord amure. Il va donc falloir ruser, profiter de la moindre opportunité. Sur chacun des deux bateaux de tête, l’heure est plus que jamais à la concentration. Armel Le Cléac’h et Alex Thomson ne répondront sûrement pas aux vacations. Quel final !
Après la folle cavalcade de ces derniers jours, IDEC se retrouve entre deux systèmes et doit temporiser comme prévu avant de pouvoir attraper les Alizés. Un petit moment de répit pour l’équipage et 400 miles concédés sans conséquence puisque l’avance reste de 1800 milles. « Ils vont trop vite ! » A son corps défendant, Marcel van Triest, le routeur Néerlandais du Team IDEC SPORT lâche cette conclusion à l’examen de la situation météo dans laquelle évolue le maxi-trimaran IDEC SPORT, loin dans l’est du cap Frio au Brésil. Entre les séquelles de l’anticyclone Uruguayen négocié hier, et les fronts froids en circulation au large de la baie de Rio, IDEC SPORT se présente aujourd’hui un peu en avance sur le programme de routage, qui ne prévoit l’arrivée sur zone d’alizés de sud-est salvateurs qu’à partir du milieu de la nuit prochaine. Qu’à cela ne tienne, l’équipage du grand trimaran rouge et gris en profite pour préparer au mieux le bateau dans la perspective d’une remontée rapide vers l’équateur, quand les vents de sud-est les propulseront avec un angle favorable à la vitesse cap au nord vers l’hémisphère nord et le pot au noir. Et les esprits de se tourner déjà vers Ouessant, Brest et une arrivée en un temps record.
Est-ce l’impatience d’arriver, ou l’insatiable soif de vitesse, de performance et de record qui anime en ce 31ème jour de course l’équipage du maxi-trimaran IDEC SPORT ? Le Team IDEC SPORT malgré une progression façon « sauts de puce », selon l’expression même de Francis Joyon, a devancé la jonction attendue entre deux systèmes météos appelés, au large du Brésil, à se constituer en alizés du sud-est, la force propulsive attendue pour en terminer rapidement avec cet Atlantique sud de tous les contrastes.
Le grand multicoque effectue depuis 24 heures une remontée scandée par de brutales accélérations, au hasard des petits flux désordonnés qui pavent cette partie de l’océan, et par des arrêts buffets, que les Joyon, Surtel, Audigane, Pella, Gahinet et Stamm mettent immédiatement à profit pour procéder à mille et une interventions que les conditions musclées depuis le passage du cap Horn avaient repoussées.
« Un peu de strate sur la coque endommagée par l’évasion inopinée, voici quelques jours de l’enrouleur de gennaker » résume Francis, « rien de bien méchant, mais qu’il était important de réparer avant d’attaquer de nouveau de longues cavalcades. Entre une route au plus près des côtes argentines, aux allures de près, et un grand virage dans l’est qui nous aurait considérablement rallongé, nous avons opté par une trajectoire médiane » précise Marcel van Triest, « un peu chaotique mais qui nous donne entière satisfaction. »
Sereins, reposés, motivés comme jamais, les hommes de IDEC SPORT guettent avec impatience les signes avant coureurs de l’alizé, « en milieu de nuit prochaine probablement ». Bien décalés dans l’est, pour profiter à plein du meilleur angle propice à la vitesse, Francis Joyon et son équipage se préparent à un long bord tribord amure, cap au nord, vers l’Equateur et ce pot au Noir annoncé « fidèle à sa réputation de bizarrerie », mais pas au point de freiner durablement l’envolée de IDEC SPORT vers Ouessant.
Alex Thomson est ce matin à 70 milles d’Armel Le Clea’ch. Il devrait continuer de gagner encore des milles aujourd’hui et demain. Cette fin de course est magnifique entre ces deux grands skippers à moins de 1000 milles de l’arrivée aux Sables d’Olonne. A 8h ce matin, Hugo Boss avançait 1 à 2 nds plus vite que Banque Populaire.
Ils ont avancer cette nuit à plus de 20 noeuds, parfois 22 noeuds de moyenne. Et la chasse est très, très rythmée : sur les dernières 24 heures, Armel Le Cléac’h a parcouru 498 milles et Alex Thomson carrément 527 milles ! C’est presque autant que sa fameuse journée « quasi record » à 535 milles du… 19 novembre 2016. En termes d’écart, on est revenu aux mêmes ratios qu’il y a exactement une semaine : 71 milles d’avance pour le skipper de Banque Populaire VIII sur celui de Hugo Boss. “Ce n’est pas beaucoup!'” rigole le troisième, Jérémie Beyou, joint à 4h30 ce matin, “aucun des deux n’a droit à l’erreur et ne doit faire de boulette, d’autant que je reste en embuscade”. Jérémie met toujours son billet sur Armel “c’est un bon copain et mon camarade d’entraînement… mais Alex a beaucoup d’atouts et il est dans la dynamique positive de celui qui reprend des milles.” Les deux meneurs, attendus jeudi en milieu de journée aux Sables d’Olonne, vont devoir tirer un grand bord et probablement aller jusqu’à Ouessant avant de pouvoir virer pour le dernier sprint vers l’arrivée, le long de la Bretagne. Celui-ci se fera probablement bâbord amures. Autrement dit, Alex Thomson pourrait continuer de revenir sur Armel Le Cléac’h au moins jusqu’à Ouessant où le run final pourrait se faire avec un faible handicap pour le Britannique – les dernières simulations donnant une trentaine de milles d’écart seulement à la pointe de Bretagne !
Quelle course et quel duel entre Armel le Cleac’h ! A 4 jours de l’arrivée, rien n’est encore joué entre les deux skippers qui se livrent un beau combat. Alex ne lâchera rien et “croise les doigts”. Il s’est reposé hier et compte bien prendre tous les risques dans les prochaines heures pour tenter de voler la victoire à Armel Le Cleac’h.
Le finish de cette 8e edition du Vendée Globe va être magnifique jusqu’à ce jeudi où les deux bateaux devraient arriver aux Sables avec quelques heures d’écarts après plus de 72 jours de mer. Quelles sont les chances d’Alex ? Sur le papier, elles sont plutôt minces et en faveur d’Armel Le Cleac’h. Celui qui n’a jamais caché son ambition de gagner ce Vendée et l’a dit dès le départ, il ne lâchera rien. Le “chacal” est un fin régatier avec de l’expérience et il veut cette victoire tout autant qu’Alex. Depuis le passage du pot au noir, Armel gère son avance sur Alex avec intelligence. Il regarde devant et dans son sillage et se place en conséquence pour fermer toutes les possibilités de retour d’Hugo Boss.
La stratégie est payante et chaque jour qui passe ferme une à une les options pour Alex Thomson. Pour autant, cela n’empêche pas le gallois de revenir à la faveur de conditions météos plus propices et celui-ci se trouve maintenant à 100 milles du sillage de Banque Populaire, en parfaite embuscade pour profiter de la moindre erreur.
Alex peut compter sur les performances de son bateau légèrement plus rapide que celui d’Armel et il est sans doute prêt à tout pour le malmener pour arracher la victoire. Armel lui, sera sans doute plus enclin à ménager sa monture quitte à voir revenir Alex. On peut imaginer la pression qui pèsera sur lui. Une pression qu’il connaît et qu’il a appris à gérer mais qui ne sera pas facile après ce tour du monde.
L’arrivée aux Sables s’annonce compliquée et promet un beau suspens en espérant qu’aucun ofni ne viennent nous voler une course magnifique.
First aerial images of IDEC SPORT maxi trimaran, skipper Francis Joyon and his crew, training off Belle-Ile, Brittany, on october 19, 2015 - Photo Jean Marie Liot / DPPI / IDEC
Après avoir affronté une tempête de l’Atlantique Sud dans une “ambiance shaker », pour Bernard Stamm, l’équipage d’IDEC poursuit sa route plein nord et porte son avance à 2176 mn. Une progression que Loick Peyron “n’ose plus regarder tellement ils vont vite” dans dans un récent article du matin.ch. ” C’est absolument incroyable ce que Francis (ndlr: Joyon) et ses hommes sont en train de réaliser…“. Et c’est vrai, chaque jour qui passe rapproche l’équipage du trimaran rouge du Graal qui se trouve à un peu plus de 5000 mn.
Un record que l’équipage va chercher dans des conditions extrêmes comme hier : « On n’avait encore jamais fait ça, du portant sous deux ris-J2, les plus petites voiles. Mais on a été obligés de réduire énormément, la mer déferlait beaucoup, le bateau partait à 45° sur les vagues et il plantait en retombant », décrit Francis Joyon, dont la voix témoigne qu’il reste tout à l’écoute des secousses du bateau. « C’était très chaotique, et cela commence seulement à s’arranger un peu. »
À 750 milles au large des côtes sud américaines, le grand trimaran rouge et gris a progressé hier cap au nord-est à 28 nœuds. « L’objectif va être désormais d’attaquer les alizés assez loin dans l’est de façon à avoir un bon angle pour remonter vers l’équateur », ajoute le skipper d’IDEC SPORT. L’anticyclone de Sainte-Hélène, ultime juge de paix de la remontée au nord, s’il ne promet de ne pas rendre la partie facile et rapide, laissait hier « un bon espoir » de permettre à l’équipage de marins pressés de ne pas traîner en si bon chemin.
Ce qui fut fait cette nuit en permettant à l’équipage d’accrocher la bordure nord de ce rapide système, pour profiter de vents de secteur sud-ouest propices pour à la fois, progresser vers l’est, puis, imperceptiblement, vers le nord. Sur une mer confuse et hachée à souhait, peu favorable aux très grandes vitesses, IDEC SPORT a magnifiquement tiré son épingle du jeu, navigant toute la nuit à près de 30 noeuds, tout en se recalant sur une route de plus en plus efficace en gain vers le nord et en direction des alizés de sud-est en voie de reconstitution au large du Brésil.
Par le travers de Buenos Aires, un ralentissement est attendu aujourd’hui avec un nouvel exercice de placement dans le bon tempo. Une contrariété plus qu’une difficulté qui ne devrait à peine entamer la réserve de milles d’IDEC. Les prochains jours jusqu’à l’Equateur s’annoncent très favorables pour Francis Joyon et son équipage. Le record et l’exploit sont en approche.
Un jour, un marin étranger gagnera le Vendée Globe. Et ce marin pourrait bien être Alex Thomson. Nous avons rencontré Alex Thomson avant le départ du Vendée Globe et il partageait avec nous ses ambitions et son rêve. Il aura été un des grands animateurs de cette 8è édition et à quelques jours de l’arrivée, ll conserve encore des chances de gagner…tant que la ligne n’est pas franchie par Armel Le Cleac’h ! Ce serait la deuxième fois qu’il se retrouverait derrière Armel sur un Vendée !
Au départ de ce Vendée Globe, le skipper britannique avait indéniablement le plus d’arguments pour briller parmi les skippers étrangers. Durant la New York/Vendée, Alex Thomson a prouvé sa capacité à aller vite, très vite – et bien. Et il n’est pas du genre à cacher ses hautes ambitions, à jouer les outsiders. « Je dispose d’un IMOCA neuf et rapide, j’ai une équipe solide autour de moi et je me sens en position de force, physiquement et mentalement. J’ai donc toutes les cartes en main pour gagner. Nous n’avons jamais été dans une meilleure position avant le départ d’un Vendée Globe », affirme-t-il sans ambages. Avec Bertrand de Broc, Vincent Riou, Jean-Pierre Dick et Jean Le Cam (s’il parvient à boucler son budget), Alex était l’un des cinq marins qui, le 6 novembre aux Sables d’Olonne, prenait le départ de leur quatrième Vendée Globe.
Deux abandons, un podium, et une victoire ? Cette expérience constitue l’un des atouts majeurs du skipper d’Hugo Boss. Avant de participer au Vendée Globe, Alex Thomson fut en 1999 le plus jeune navigateur à inscrire son nom au palmarès d’une course autour du monde, la Clipper Round the World Race. Il n’avait alors que 25 ans. Pour sa première tentative sur le Vendée Globe, en 2004-2005, Alex est contraint à l’abandon au large de l’Afrique du Sud suite à un problème de structure. Quatre ans plus tard, il joue de malchance lorsque son monocoque est percuté par un chalutier sortant des Sables d’Olonne, à quelques jours à peine du départ. S’engage alors une folle course contre la montre pour réparer au plus vite et prendre part à l’épreuve. Alex s’élance mais la coque de son IMOCA 60’, fragilisée, ne résiste pas bien longtemps. Après un jour de course, il fait demi-tour et donne rendez-vous en 2012. La persévérance paye et, pour sa troisième participation, le Britannique réalise une très belle course et décroche une place sur le podium (3e derrière François Gabart et Armel Le Cléac’h) à bord d’un bateau d’avant-dernière génération. Une performance notable. Alex souhaite désormais faire mieux mais ce n’est certainement pas la 2e place qui l’intéresse. Pour mettre toutes les chances de son côté, il se présente cette fois avec un très élégant IMOCA à foils de dernière génération construit au chantier Green Marine, et mis à l’eau à l’été 2015. L’histoire d’Alex Thomson avec ce plan VPLP/Verdier flambant neuf a failli tourné court. Pour sa première sortie sur une course d’envergure, la Transat Jacques Vabre 2015, Alex, associé à l’Espagnol Guillermo Altadill, s’est fait une belle frayeur. A la suite d’un chavirage au beau milieu de Atlantique, les deux hommes ont dû être hélitreuillés, abandonnant leur bateau très endommagé… Hugo Boss a finalement pu être récupéré, en piteux état. Cette mésaventure a nécessité pour l’équipe des mois de réparations majeures et de renforcements pour que la machine soit à nouveau en état de naviguer. Alex est alors parti à la recherche du temps perdu.
La New York/Vendée, « un immense soulagement » Après ce revers, c’est peu dire qu’Alex Thomson avait de la pression sur ses larges épaules pour la Transat New York/Vendée, dont le départ a été donné le 29 mai 2016. Et ce d’autant plus qu’il s’agissait de sa première course en solitaire à bord de son nouveau 60 pieds. Mais le skipper d’Hugo Boss a donné le ton dès le début de course et a emmené la flotte durant la majeure partie de l’épreuve, imposant une cadence infernale à ses adversaires. Même Sébastien Josse n’en est pas revenu. « A mon avis, le rythme d’Alex Thomson, 25 nœuds de moyenne sur un bateau à foils, ce n’est pas à faire », confiait-il peu après son arrivée. « Alex avait besoin de tester le potentiel de son bateau par rapport aux autres. Il peut être rassuré, il a fait un super boulot ! » Venant d’un marin de la trempe de Seb Josse, le compliment a de quoi faire plaisir.
Il est vrai que désireux d’évaluer la résistance de son foiler en vue du Vendée Globe, le skipper britannique n’a pas hésité à aller chercher les conditions les plus délicates. Il aurait probablement remporté la Transat New York/Vendée s’il n’avait pas subi une panne de pilote automatique qui a provoqué une brutale sortie de route le cinquième jour de course. Jérémie Beyou et Sébastien Josse, ses deux concurrents directs, ont alors pu le dépasser, de manière définitive. Mais l’essentiel est sauf : Alex a bouclé l’épreuve, démontrant que le duo qu’il forme avec son IMOCA est en mesure de jouer les tous premiers rôles. « Cette troisième place est un immense soulagement après l’incident de la Transat Jacques Vabre », se réjouit-il. « C’est une belle réussite, non seulement pour moi, mais pour toute l’équipe qui a travaillé très dur. C’est bon pour la confiance. Nous savons désormais que le bateau est rapide, peut-être le plus rapide dans certaines conditions, car il est un peu plus léger et étroit que les autres foilers. Rendre Hugo Boss encore plus performant ne sera pas difficile tant la marge de progression reste importante. Mais accroître la fiabilité sera plus compliqué compte tenu du temps dont nous disposons. J’ai confiance en la structure du bateau. Mais il reste beaucoup de travail pour améliorer les autres problèmes potentiels de fiabilité. Pour être confiant à 100 %, il va falloir passer le plus de temps possible sur l’eau d’ici au départ du Vendée Globe. »
« Je me moque de ce que disent les gens tant qu’ils ne pensent pas que je suis lent ! »
Parmi les motifs de satisfaction dégagés par Alex Thomson, il y a les fameux foils. « Ces appendices sont fantastiques ! Ils offrent des sensations incroyables : c’est le futur, ça ne fait aucun doute », s’enthousiasme Alex. « Au près, je pense que mon ancien IMOCA était un peu plus rapide. Mais au reaching et au portant ce nouveau bateau va beaucoup plus vite. Il a fallu faire quelques sacrifices quant aux performances au près. Mais le Vendée Globe est essentiellement une course de portant. Je suis donc prêt à faire ces sacrifices ! » Le gain significatif en vitesse se fait au détriment du confort à bord. Alex Thomson : « Je suis obligé de marcher à quatre pattes comme un bébé, ce n’est pas confortable du tout. Une seconde d’inattention et le bateau tombe dans une vague, il s’arrête brutalement et vous vous retrouvez projeté vers l’avant. C’est réellement très inconfortable. Tout est dur. Le bruit est incroyable à bord. A pleine vitesse, il devient très difficile de dormir. Il va falloir du temps pour s’habituer à ce 60 pieds. Sur la New York/Vendée, je tenais des moyennes proches de 30 nœuds ce qui change considérablement la donne par rapport aux précédents IMOCA. J’ai parfois rétracté le foil car je ne voulais pas aller si vite. Peut-être que dans quelques années nous serons tous capables d’afficher ces moyennes. En tout cas, sur mon ancien bateau j’étais tout le temps à l’aise. Celui-ci, je vous assure qu’il me fait peur ! » Si c’est Alex Thomson qui le dit, on peut le croire…
Car le Britannique a la réputation d’être casse-cou, les mauvaises langues diront même casse-bateaux. Mais Alex s’en moque. « La réputation est une perception et ne reflète pas toujours la réalité. Je me moque de ce que disent les gens tant qu’ils ne pensent pas que je suis lent ! », dit-il. Alex a fait de ce côté extrême une marque de fabrique, assurant au passage quelques bons coups de com’ à son sponsor. Son triptyque de paris de plus en plus fous a affolé les compteurs sur internet, faisant le buzz bien au-delà du cercle des passionnés de voile. En 2012, il avait surpris en se mettant debout sur la quille de son IMOCA en navigation, en costume Hugo Boss (le « Keelwalk »). Deux ans plus tard, dans la même tenue, il marque à nouveau les esprits en montant et en plongeant depuis la tête de mât de son bateau (le « Mastwalk »). Toujours en costard, son troisième défi, le « Skywalk, mêle deux de ses grandes passions, le kitesurf et la voile. Lancé à pleine vitesse en kite derrière son IMOCA, Alex accroche à son harnais un bout fixé en tête de mât d’Hugo Boss. L’effet est immédiat, Alex s’envole jusqu’à 85 mètres de haut. C’est alors qu’il décroche le bout de son harnais et vole de ses propres ailes pour redescendre jusqu’à la surface de l’eau. Les images sont incroyables, presque irréelles.
Ces défis pourraient paraître anecdotiques s’ils ne reflétaient pas le tempérament d’Alex Thomson, un personnage à part dans le monde de la course au large qui n’hésite pas à faire des choix architecturaux radicaux et à naviguer de manière engagée. La prise de risque est souvent maximale. Ca passe ou ça casse. Mais quand ça passe, le résultat peut être probant. Un jour, un marin étranger gagnera le Vendée Globe…
First aerial images of IDEC SPORT maxi trimaran, skipper Francis Joyon and his crew, training off Belle-Ile, Brittany, on october 19, 2015 - Photo Jean Marie Liot / DPPI / IDEC
Ça sent bon pour Idec qui augmente son avance de 200 mn et compte maintenant un matelas de 2000 mn après avoir attrapé les vents soutenus d’une dépression active (jusqu’à 45 nœuds dans les rafales), lui permettant d’accélérer de nouveau la foulée pour remonter les latitudes. Le bateau devrait continuer d’engranger des miles d’avance avant de ralentir devant des vents mollissant en approche de l’influence de l’anticyclone de Sainte-Hélène.
Sébastien Audigane savoure la navigation tonique et sportive: « À donf’ dans la brise ! (…) Nous avons empanné pour nous éloigner du centre de la dépression et du vent trop fort… La mer est creuse, 5 à 6 mètres par moment, le vent souffle à 45 nœuds en rafale, mais on navigue « safe » vers des vents moins forts. L’équipage se porte bien et se remet tranquillement des dernières semaines du Grand Sud. Quelques albatros planent encore dans notre sillage. Dans quelques jours nous serons sortis de leur territoire », raconte-t-il dans un message envoyé du bord alors que le bateau pointe par 45° Sud.
« Nous sommes à 27-30 nœuds, sur un cap très est qui va progressivement tourner au nord ». Clément Surtel aux prises avec les pièges de l’Atlantique Sud. « Grand gennaker, à 140 degrés du vent, sur une mer maniable, on a retrouvé la glisse. La journée d’hier, marquée par un épisode de franche pétrole, a été propice au repos des guerriers, et à un examen minutieux du bateau » explique le responsable technique du voilier. « J’ai observé des points d’usure comme je n’en avais jamais vu auparavant » s’étonne t-il, preuve si besoin était, de l’intensité du rythme soutenu depuis le 17 décembre dernier par le grand multicoque. « Nous avons pallié à toutes ces petites avaries, le bateau est à 100% et nous sommes heureux de renouer depuis ce matin avec la vitesse. Nous entamons le retour vers la maison. On est concentré sur le bateau et on se projette vers une issue positive de ce grand voyage. Il faut rester concentré jusqu’à Ouessant ! » Et pour l’anecdote, Clément Surtel, cousin de Servane Escoffier, l’épouse de Louis Burton, concurrent du Vendée Globe positionné juste devant eux, avoue avoir pu échanger brièvement par mail avec Louis.
Ciel dégagé, mer plate, vent favorable, les barreurs du bord n’en ont pour autant pas encore terminé avec les gants et autres accessoires de protection. « Nous sommes toujours par 50° sud et les nuits restent fraîches, et on dort avec le bonnet » précise le benjamin du bord Gwénolé Gahinet, tout en à son admiration devant les beautés des Malouines découvertes hier. « On a bien profité de ce passage au Horn et aux « Falklands ». Nous avons depuis ce matin repris un régime de haute vitesse. On attend 30, 35, 40 nœuds ces prochaines heures. Ce sera costaud mais sans le train de houle associé. On fera un petit crochet par rapport aux routages pour éviter le plus fort de la « dep », ce soir entre 17 heures et minuit. »
Paul Meilhat est de retour en France après s’être occupé de son bateau pendant les fêtes à Papeete suite à son abandon. Il revient sur sa course où il a montré tout son talent avant que sa monture le lâche.
Comment expliqueriez-vous ce qu’est le Vendée Globe, désormais ?
Paul Meilhat : « Je dirais qu’il y a deux Vendée Globe qui cohabitent. Pour moi qui étais venu faire une course, le Vendée Globe est une aventure humaine, pour le côté mental et physique. Je n’ai en revanche pas trop vécu l’aspect ‘découverte’ de l’aventure. Il n’y a vraiment que lorsque j’ai vu Tahiti sortir de l’horizon. L’aventure que j’ai vécue, c’est une course super dure, extrême, qui te pousse loin dans tes retranchements, physiquement. Je pense que les grands spécialistes de trail vivent la même chose : ils peuvent s’extasier devant des paysages tant qu’ils ne sont pas en course. La majeure partie du temps, on est dans une bulle de concentration. L’histoire que je peux raconter, c’est l’histoire qui me lie à mon bateau, dans un élément mouvant. Sans poésie. C’est essentiellement l’histoire d’une relation forte entre ton bateau et toi. Et c’est une relation incroyable. »
Pouvez-vous l’expliquer ? P. M. : « Je connais par cœur chaque millimètre de SMA. Je suis capable de faire une description de chaque élément, même ce qui est sous le cockpit. Je sais qu’il y a une trace de colle qui a coulé ici, qu’il y a une nouvelle trace d’humidité à tel endroit, la taille de chaque vis… On atteint un niveau dingue de don de soi pour une machine. SMA est comme mon corps : tu sais où sont tes grains de beauté. Le bateau, c’est toi. S’il se passe quelque chose, tu répares comme s’il s’agissait de toi. »
Vous êtes-vous aussi découvert ? P. M. : « Non, je me connaissais déjà. Je m’étais préparé, je savais déjà l’énergie que je peux mettre dans les choses. La plus grande qualité d’un marin de course au large, c’est de ne jamais dépasser ses limites, de ne jamais se mettre en danger. En tout cas, quand il s’agit de faire des résultats. A l’inverse, sur une autre philosophie de projet, c’est la découverte de soi qui prime. »
Le Vendée Globe ressemble à ce que vous imaginiez ? P. M. : « J’ai envie de répondre oui, un peu. Et, en même temps, j’avais pris garde à ne pas trop l’imaginer. J’avais envie de découvrir quelque chose. Si tu te conditionnes pour un truc – et si ça ne se passe pas comme tu l’as « vu » – tu peux manquer de souplesse. Et je voulais rester adaptable aux situations. » . « La préparation est un temps extraordinaire. J’ai l’impression d’être parti heureux »
Qu’en retenez-vous de beau, de grand ? P. M. : « J’en retiens énormément de choses mais, au final, le parcours et la préparation du Vendée Globe restent deux temps très forts. La préparation est une séquence extraordinaire. J’ai l’impression d’être parti heureux. Vivre ces trois semaines de village, à accueillir les sociétaires et les collaborateurs SMA et le public, raconter pourquoi on était ici et ce qu’on a fait pour être là, ça m’a rendu serein. J’ai réalisé qu’on avait bien bossé et qu’il n’y avait presque plus qu’à aller vite. Du coup, je suis parti en confiance, et je suis très vite entré dans ma bulle de concentration. L’Atlantique, à part le début, où il y a eu beaucoup de travail météo, a été facile et le rythme s’est installé assez vite. Je l’ai traversé pied au plancher et hyper concentré. Puis il y a eu le sud et le déclic, un peu avant Bonne-Espérance. Ce n’est pas que je ne m’attendais pas à être aussi à l’aise, mais la vérité est que je n’ai jamais eu le sentiment d’être dépassé par les événements. Le sud a été extraordinaire, notamment en termes de rythme. On a eu des conditions qui nous ont permis d’aller vite quasiment tout le temps et, à chaque fois qu’il y a eu des coups de vent, j’ai réussi à passer juste. »
Comment l’avez-vous vécu, ce sud ? P. M. : « C’est cool ! Si tu es concentré, ça se passe bien, rien ne peut arriver… Jusqu’au moment où ça arrive. Mais ce sud a été génial, c’était un grand moment. Il y a eu des passages super durs, mais j’étais fermé dans mon « truc », investi dans ma bulle. J’étais dans ce que j’avais à faire, tout le temps. Quand on m’appelait, que je ne le décidais pas moi-même, ce n’était pas simple à vivre, parce que je peinais à sortir de ma concentration. »
Il faut le tenir sur un temps infini, cet état d’esprit. Est-ce compliqué ?
P. M. : « Plus c’est long, plus c’est facile : tu t’immisces dans un état d’esprit particulier et tu y restes. J’avais fait le tri, je communiquais avec mes très proches et j’occultais le reste. Ça s’est fait assez facilement parce que je rentre aisément dans cet état, même en période de préparation. Les gens qui me suivent savent que je suis comme ça. C’est pareil aujourd’hui : j’ai du mal à me livrer, je suis toujours dans mon monde. Heureusement, il y a eu le sas à Tahiti, mais ça reste difficile. Parfois, je m’en rends compte maintenant, je n’arrivais pas à bien me livrer lors des vacations. »
Vous semblez avoir vécu quelque chose d’aisé, finalement…
P. M. : « Je ne me suis jamais demandé ce que je faisais là. L’équipe avait très bien travaillé sur le bateau, et je le connaissais. Mis à part le vérin, il n’y a pas eu de panne. J’ai le sentiment qu’on avait très bien préparé ce Vendée Globe – ce qui rend la déception encore plus forte, notamment pour les gens qui entourent le projet. Et, quand je repense à la course, je me souviens qu’il y a eu des moments durs, mais je n’ai pas connu un seul moment de souffrance. Je m’étais préparé aux moments difficiles, et je suis parti avec cette démarche. J’avais un peu envie d’avoir mal, histoire de voir ce que je pouvais faire de ça. »
Vous étiez totalement investi sportivement, complètement immergé dans ce que vous aviez à faire, mais était-ce au point d’avoir du mal à vous endormir ou à laisser l’esprit souffler ? P. M. : « Il y a des jours où tu es sur un rythme de Figaro et, là, c’est l’horreur. Le rythme est difficilement tenable et tu dois te forcer à aller te reposer. Mais il faut imaginer aussi qu’il y a énormément de longueurs, ce qui ne veut pas dire pour autant que tu peux te déconcentrer. Il y a plein de moments où tu n’as rien à faire, mais tu ne peux pas lâcher prise. Parce qu’on ne sait jamais, parce qu’il faut s’astreindre à garder une routine, et puis si tu lâches prise, si tu changes d’état d’esprit, quand il va arriver quelque chose à faire, tu seras tenté de te dire que ça peut attendre. Rester dans le même état d’esprit de guerrier te fait foncer sur ce qu’il y a à faire, même s’il fait nuit et qu’il fait froid. Même si ton corps se repose, ta tête est à fond. Etre dans cet état mental, ça m’a plu. »
Avez-vous été surpris de courir pour la 3e ou 4e place ? P. M. : « Ce qui m’a surpris, c’est que je pensais que les foilers iraient plus vite et casseraient plus. Ils ont choisi d’aller plus vite juste sur de petites périodes qui leur ont permis de se placer à l’avant. Au final, il y aura eu moins de casse sur les bateaux à foils que sur les dérives, si le bilan reste en l’état. On se rend compte que les avaries n’ont rien à voir avec la présence de foils ou pas. Quant au fait d’être 3e ou 4e, cela n’a pas été une pression supplémentaire. J’ai bien senti que ça avait changé quelque chose à terre, mais quand tu es en course, tu t’en fiches. Que Jérémie Beyou soit 2 milles devant ou derrière n’avait absolument aucune incidence sur ma manière de gérer la course. La représentation de la course à terre et en mer n’est absolument pas la même. »
Les foils ont permis d’exploiter quelques coups à fond ? P. M. : « Ils ont permis de gagner le Vendée Globe. Tout simplement. On peut refaire le match avec Vincent (Riou) et moi en course jusqu’au bout : on aurait pu ambitionner la 3e place, mais pas mieux. Nous n’aurions pas gagné le Vendée Globe. »
Le fait de partir pour 73 ou 75 jours ne vous a jamais pesé ? P. M. : « Je n’ai jamais pensé une seule fois à l’arrivée. Ce qui compte, c’est l’équateur, puis le cap de Bonne-Espérance, Leeuwin, l’antiméridien, le cap Horn… Et puis il y a les îles aussi qui jalonnent la route. A chaque fois que je passais à un endroit, la famille ou les proches m’envoyaient un petit mot pour me raconter l’histoire des Kerguelen ou la vie à terre à tel endroit… Honnêtement, le sens du voyage m’a toujours été rappelé par la terre. Parfois, oui, on reste en arrêt devant le ballet des albatros qui entrent et sortent des vagues, mais on a du mal se laisser aller, parce qu’on est trop concentré. »
Comment avez-vous géré vos émotions durant la course ? P. M. : « J’en ai eu bien peu. On se referme, en réalité. Il y en a eu beaucoup au moment de l’avarie, oui, mais le reste du temps, on est froid, clinique. J’ai parfois réussi à mieux les exprimer sur des mails que j’envoyais ou sur les vidéos, parce que j’avais choisi des moments où je pouvais m’ouvrir. Mais les émotions sont venues des rencontres, comme celle avec un bateau de croisière un peu avant le cap de Bonne-Espérance. J’adore ces échanges, comme ceux entre concurrents. Quand on s’appelle, on parle de tout sauf de la course. »
Vous sauriez décrire l’ambiance entre concurrents ?
P.M. : « Je vais le faire par une anecdote. L’élection de Donald Trump est survenue en début de course, et c’est un des moments où on a le plus communiqué, avec Jérémie (Beyou) et Vincent (Riou). La news tombe, j’y crois à moitié, les deux confirment. Quand tu es au bout du monde, tu es atterré. C’est plus facile de relativiser quand on est à terre. Alors on s’est retrouvé à discuter des institutions américaines, des systèmes exécutifs et législatifs américains. C’était assez dingue… J’ai pas mal discuté avec Morgan parce qu’on n’était pas loin – on a fait de la voile olympique ensemble – et dans le sud avec Jérémie, à la VHF. Après mon avarie, Yann (Eliès) m’a appelé ; j’ai aussi reçu plein de mails sympa… »
Nous parlions émotion… Vous avez explosé, quand le vérin de quille a rendu l’âme ? P. M. : « Je n’explose jamais, je suis fait comme ça. Et puis l’urgence s’est imposée sur tout : il fallait que je sauve mon bateau. Les 6 premiers des 8 jours dont j’ai eu besoin pour rejoindre Tahiti ont été très nettement les plus durs de ce Vendée Globe. A deux jours de l’arrivée, quand la marine nationale m’a survolé, je savais que je pouvais être sauvé en cas de pépin. La déception de l’abandon vient beaucoup plus tard, juste avant l’arrivée à Tahiti, une fois gérée l’urgence. Je n’ai pas dormi, il y avait des grains, il me fallait gérer l’assiette du bateau, tout contrôler tout le temps… Ce fut dur. Même mon arrivée au ponton de Tahiti signifiait que j’avais fini une épreuve, réussi à sauver mon bateau, ce qui était important. Surtout après ce qu’on a vécu il y a un an. »
Quel parallèle établissez-vous avec votre accident, sur la transat Saint-Barth – Port-la-Forêt, il y a un an ?
P.M. : « Là, je vis une déception sportive, ce qui n’était pas le cas il y a un an. Ça sera beaucoup plus difficile à digérer que mon accident. L’an dernier, j’étais cassé, il suffisait que j’aille au centre de rééducation de Kerpape pour passer à autre chose. C’était facile. Mon abandon dans le Vendée Globe, en revanche, je pense que je vais le traîner pendant quatre ans – si je peux le refaire, plus si ça ne se fait pas tout de suite. La déception sportive est lourde, elle va me ronger assez longtemps. »
Vous suivez la course, tout de même ? P. M. : « Je n’ai pas regardé une seule fois la cartographie du Vendée Globe, c’est trop dur de s’y projeter. Mais je serai à l’arrivée, parce que je ne peux pas ne pas y être. Ça n’a pas de sens et ça ne serait pas respectueux pour les autres concurrents. On se doit tous d’être à l’arrivée, même si ça fait mal. »
Qu’avez-vous le plus aimé, au final ? P.M. : « La vitesse. Tu t’habitues à grande vitesse à ce que ça aille vite. Rapidement, ça devient insupportable d’aller à moins de 18 nœuds. Tu attends en permanence qu’arrive la prochaine dépression. Parce que tu es en course, mais aussi parce que la vitesse manque. Et il n’y a que le fait de savoir que le bateau peut casser qui oblige à ralentir. Le bruit, l’inconfort, j’étais prêt à ça, ça ne m’a jamais gêné. Ça n’est pas agréable mais, au final, c’est ce qu’on cherche. La vitesse donne du sens à nos efforts. »