Thomas Coville a hissé les voiles tôt ce matin. Il va tester les réparation effectuées par son équipe depuis 5 jours et va décider s’il se lance à la poursuite de Romain Pilliard sur Use It Again pour aller chercher le podium en Ultim.
Francis Joyon est revenu à 56 milles de François Gabart qui se prépare à une arrivée bord à bord avec lui jusqu’à l’arrivée à Pointe-à-Pitre prévue vers 22h. Avant cela les deux trimarans entameront le tour de l’île vers 17h. Il ne fait plus de doute que le trimaran MACIF connaît des soucis qui brident sa performance.(Dixit l’équipe de François) Par séquences, sur des allures similaires, il a concédé quasiment 5 nœuds de vitesse à Idec Sport. A bord, François Gabart a organisé la résistance. « François a le mors aux dents, il a été ‘dessus’ toute la nuit, avec Jean-Yves (Bernot) qui lui décryptait la route grain après grain. François donne tout ce qu’il peut et, s’il y en a bien un qui ne cède pas au fatalisme, c’est bien lui ! »
Les écarts sur une cartographie sont partiellement tronqués. Certes, l’écart entre les deux bateaux était de 58 milles ce matin, mais la cartographie omet le décalage latéral qui sépare le trimaran MACIF de Idec Sport. Cet écart vaut 17 à 18 milles encore actuellement, et il faudra bien que le chasseur le gomme pour se présenter à la Tête à l’Anglais, ce qui va lui coûter un peu en termes de route et de vitesse, puisque l’angle sera moins favorable au chasseur. « Si tu regardes le verre à moitié plein, tu vois tout le bénéfice qu’a gardé François à avoir un cap plus bas au portant. »
Un autre point va compter, qui renforce le moral de François : si les alizés soufflent toujours à 17 ou 20 nœuds, ils ont tendance à mollir aux abords de la Guadeloupe. Et, dans des vents un peu plus faibles, le trimaran MACIF a un léger avantage supplémentaire sur Idec : il est moins lourd et a donc moins de déplacement. Bref, le match est relancé et les deux solitaires ont chacun des arguments à faire valoir. La pression va croître encore à mesure que se rapprochera l’arc antillais.
François Gabart (ULTIME-MACIF) : “Tout va nickel. On est toujours dans l’alizé au portant, on approche de la Guadeloupe le plus vite possible. Mais comme il fait nuit maintenant depuis 5 heures on ne voit pas grand chose. Le ciel est couvert, il y a pas mal de grains mais ça ne nous perturbe pas vraiment au niveau du vent. Le vent fluctue un peu mais moins que la nuit précédente. On voit sur l’image satellite depuis quelques heures un gros amas nuageux sur les Antilles donc maintenant de savoir si on va amener le beau temps en Guadeloupe j’ai bien peur que non… mais j’espère au moins qu’on aura la chance d’avoir un vent le plus régulier possible jusqu’à l’arrivée. Francis Joyon revient fort ces dernières heures, je ne sais pas ce que ça va donner sur les prochaines mais cela promet un finish assez palpitant. Faire le tour de la Guadeloupe cote à cote, ça peut être un scénario et je me prépare à ça et je me prépare à être performant si cela arrive. Sur le tour de la Guadeloupe ce n’est jamais simple surtout avec nos bateaux avec le parcours imposé avec une bouée aussi très proche de la terre sous le vent de l’ile. C est quelque chose de compliqué, en plus la météo n’est pas bien calée. C’est loin d’être simple cette histoire et cela risque de mettre du piment jusqu’au bout. Je n’ai aucune idée de l’heure à laquelle on va arriver en locale mais on devrait arriver entre 15h et 19h UTC* sur le nord de la Guadeloupe (à peu près en milieu de journée je pense). Normalement le vent est plus facile et stable en journée, là proche de l’arrivée il fera nuit avec en plus des vents potentiellement erratiques dans le dévent de basse terre. Ce n’est jamais simple de naviguer la nuit encore plus avec des obstacles et sans infos visuelles.”
La fin de parcours de 55 milles est piégeux : arriver par le Nord par la Tête à l’Anglais, longer les côtes sous le vent, virer une marque de parcours (la deuxième après celle du cap Fréhel) devant Rivière-Sens, au pied de la Soufrière, cette montagne volcanique qui aspire toutes les brises, emprunter le canal des Saintes, avant d’entrevoir la ligne d’arrivée devant l’îlet à Cochons… En sus, l’alizé d’Est qui sévit sur le tropique du Cancer a tendance à s’étioler au fur et à mesure que les voiliers s’approchent des îles caraïbes. Et les grains se mutent en zone orageuse en ce moment sur les Antilles : des trombes d’eau sont tombées ces jours derniers sur Pointe-à-Pitre ! Tous ces paramètres, cumulés avec la fatigue et le stress de la vitesse qui accompagnent les deux leaders depuis six jours, ne vont pas faciliter cet atterrissage : François Gabart et Francis Joyon ont beau connaître la problématique, eux qui ont déjà fait le tour, ils savent que ce parcours final est extrêmement piégeux. Tout va à peu près bien jusqu’à l’îlet Kahouane, au Nord de Basse-Terre, mais ensuite il faut négocier ces fameux trente milles entre Deshaies et la marina de Gourbeyre. Et rien n’est pareil d’un jour à l’autre, d’une nuit au jour… Par chance, l’atterrissage des leaders doit s’effectuer sous le soleil, ce qui facilite l’observation de ces maigres risées qui rident le plan d’eau.
Bref, il faut s’attendre à plusieurs effets accordéon entre les deux premiers solitaires qui peuvent aussi espérer améliorer le temps de référence établi par Loïck Peyron quatre ans plus tôt : 7j 15h 08’ 32’’… Anecdotique pour les deux marins, mais révélateurs d’une traversée extrêmement rapide depuis Madère qu’ils ont quitté il y a seulement quatre jours ! François Gabart et Francis Joyon ont ainsi aligné 550 milles quotidiens sur la route directe avec trois empannages importants sur plus de 2 000 milles !
Les IMOCA à mi-parcours
Les monocoques IMOCA vont franchir la mi-parcours aujourd’hui pour une ETA le week-end prochain. Hier, Alex Thomson a bien creusé l’écart devant avec 80 milles d’avance mais les trajectoires varient entre les 3 bateaux de tête avec une meilleure VMG pour Vincent Riou ce matin. Paul Meilhat sur SMA conserve encore sa 2e place.
Paul Meilhat (IMOCA-SMA) : « C’est très compliqué depuis qu’on est dans l’alizé, il y a énormément de grains, c’est vrai que c’est assez fatigant à naviguer. Il y a de la houle toujours de Nord et comme je n’ai pas de foils, du coup en bâbord c’est assez propice à départ au lof donc il faut faire attention. Le vent commence à se renforcer et je réfléchis à prendre un ris aussi. On va surement changer un peu de configuration dans les 24h avec ce vent qui se renforce. Les bateaux à foils comme Hugo Boss, dans 20 noeuds de vent, vont en moyenne 15% plus vite. Ce n’est pas le cas de PRB qui a peut être quelque chose car il ne va pas très vite mais quand Alex Thomson va à 18 noeuds moi je vais à 15. On est loin les uns des autres avec du décalage mais pour l’instant même si je perds un peu, j’arrive à peu près à m’accrocher. Le problème est qu’on va vers des conditions qui vont se renforcer surtout sur la fin, donc il faudra faire attention à ne pas casser le matériel, mais il est vrai que ça sera propice surtout aux foils. Cela permet au bateau d’être plus stable notamment quand il y a les grains. Je suis épuisé parce qu’il faut que j’aille vite et que je règle les voiles le mieux possible. Mais dès qu’il y a une sur-vente de 2 noeuds, le bateau part au lof, donc il faut réagir tout le temps, c’est assez fatiguant. On est plus proches de l’arrivée que du départ, c’est une bonne nouvelle. On va aller beaucoup plus vite sur la fin surtout en trajectoire directe. On est au milieu de l’océan, c’est bien, c’est un symbole. Il est vrai que ça fait un paquet de temps que je n’ai pas croisé un bateau. J’ai fait une super nuit sur la première partie de nuit, c’était étoilé, et j’ai eu mon premier gros grain il y a une demie heure donc on ne voit plus rien et je vais surement en prendre d’autres.”
Armel Tripon et les autres
Armel Tripon n’a plus qu’à assurer une trajectoire tendue vers les Antilles car les « nordistes », même s’ils vont très vite en ce dimanche, vont devoir traverser une zone de transition délicate pour passer de la bordure septentrionale de l’anticyclone des Açores (vent de Nord-Ouest) à ces alizés d’Est juste au-dessus du tropique. Et même si les hautes pressions se rétractent un peu en ce moment, il n’est pas évident que Thibaut Vauchel-Camus, Gilles Lamiré et Erwan Le Roux arrivent à croiser devant Lalou Roucayrol, le « sudiste » !
Lalou Roucayrol (Multi50-Arkema) : « Là je suis dans un système qui me bouffe un peu les alizés donc c’est un peu mou. C’est une course de vitesse, les Multi50 qui sont devant vont être rapides mais à un moment donné il va falloir qu’ils passent l’anticyclone et ça va les ralentir. Evidemment c’est une course de vitesse… on verra à l’arrivée. C’est assez inquiétant car ils sont bien placés mais ils ont un obstacle devant à franchir qui ne sera pas simple. Ils ont un alizé faible derrière donc rien n’est joué encore ! Même s’il est établi, il y a des variations. De mon côté, il faut aller chercher un flux un peu plus soutenu. On attend le refus avant d’empanner.”
Si désormais presque toute la flotte est sortie du golfe de Gascogne (à l’exception de Dominique Dubois en Rhum Mono et d’Éric Gamin en Rhum Multi), celui-ci va se remplir de nouveau dès ce dimanche avec le nouveau départ de nombre de solitaires qui se sont réfugiés dans les ports bretons. Après Éric Bellion et Laurent Jubert repartis de l’Aber Wrac’h, c’est Christophe Souchaud qui a quitté Camaret samedi après-midi…
Quand Francis Joyon dit qu’il met le paquet, on le croit. Il est à 91 milles ce samedi soir à 00h heure française. Il navigue à 31,2 nds contre 26 nds pour Macif depuis 1h. Il a tout à gagner quand François à tout à perdre. La course est loin d’être terminée avec les 55 milles à parcourir autour de la Guadeloupe. Cela promet un final magnifique entre deux marins aux parcours exceptionnels et un beau duel de générations.
Comment expliquer ce différentiel de vitesse ? Le vent d’abord. A 00h15 heure française, Francis a plus de vent 19-18 nds quand François touche 15-16nds. L’autre réponse pourrait être la casse ou du moins un Macif pas à 100% de son potentiel. On sait qu’il a cassé des lattes de sa GV mais qu’il a réparé. Il ne faut pas oublier non plus qu’Idec s’est doté lui aussi de foils. Il est dans une version améliorée de son dernier Jules Verne. Ajouté à cela un Francis Joyon survitaminé qui est à la limite du bateau comme il le dit lui-même et on a peut-être un début de réponse. Il reste également l’aspect physique. Déjà 6 jours de course, il faut être capable de se reposer et les efforts physiques sur ces ultimes sont intenses et épuisants. L’arrivée promet. La moindre erreur peut se payer chère vue la vitesse des bateaux.
Les deux skippers pourront compter sur leur routeur pour éviter les pièges de l’arrivée avec Jean-Yves Bernot pour Gabart et Christian Dumard et Gwenolé Gahinet pour Joyon.
L’engagement des skippers, lui, sera totale jusqu’au bout.
Les passionnés de course au large sont gâtés cette année. On a eu il y a quelques mois l’incroyable scénario sur la Volvo Ocean Race avec la victoire de Dongfeng, va-t-on avoir la même fin d’anthologie sur cette Route du Rhum qui restera magnifique. Les allumettes vont être encore de rigueur pour tenir les paupières des plus accrocs rivés à la carto … et aussi à leur bateau virtuel.
Cuplegend.com montre la vidéo incroyable de la mule, le surnom donné au prototype de la l’AC75 d’American Magic, le challenger américain emmené par Terry Hutchinson, skippé par Dean Barker. Le bateau a été construit sur la base d’un AM38. Comme le protocole de la Coupe de l’America l’exige pour cette prochaine édition, il est interdit de construire un proto de plus de 12m. Les images ont été filmées dans la baie de Narragansett à côté de Newport, Rhode Island. Le bateau est impressionnant et sa vitesse aussi.
Cuplegend est le magazine dédié à l’America’s Cup. Lancé en 2004 à l’occasion de la venue de la Coupe de l’America en EUrope. Français-Anglais. www.cuplegend.com
Le regard avisé d’Yves Le Blévec avec Stan Thuret sur cette fin de Route du Rhum est intéressant. Comme eux, nous avons aussi constaté des écarts de vitesse entre Idec et Macif à certaines allures. De quoi supputer sur des problèmes à bord de Macif ou plutôt un meilleur placement de Francis Joyon qui a décider d’empanner plus tôt son premier empannage et à gagner davantage. N’oublions pas que François a cassé des lattes sur sa GV et qu’il aurait réparé depuis.
Quand on a demandé à Halvard Mabire, le président de la Classe40 de nous faire une liste des favoris, il y en avait une dizaine. Ceux qui font les podiums sur toutes les courses comme Phil Sharp ou Aymeric Chapellier, les nouveaux bateaux comme Yoann Richomme, Luke Berry, Louis Duc ou Arthur Le Vaillant pour ne citer qu’eux et puis surtout il nous a dit de ne pas oublier Kito de Pavant (Made in Midi). Il avait raison. Kito de Pavant fait une superbe course. 4e au classement il a été le premier à plonger au sud de la flotte passé le cap Finisterre. Il se retrouve aujourd’hui dans le peloton de chasse derrière Yoann Richomme et continue à descendre sud-ouest. Comme tous les autres, il a eu des bobos sur son bateau mais il peut espérer un podium sur cette Route du Rhum.
Message du bord
Bonjour à tou(te)s
La nuit est noire. Le ciel est couvert. Il ne pleut pas mais pas la moindre étoile pour me guider. Hier soir, j’ai eu droit à un ballet majestueux d’un banc de dauphins. Ils étaient très nombreux, peut être cent, probablement plus d’ailleurs. Ils sautaient au-dessus des vagues et c’était un joli spectacle, (gratuit certes, quoi que, on peut en discuter…, mais quand même l’accès aux gradins n’a pas été facile…) Le vent est très irrégulier en force et en direction, contrairement à la journée d’hier, exigeant de nombreux réglages. De plus, la progression de Made in Midi est contrariée par un vilain clapot d’ouest pas facile à négocier. Bref, ce n’est pas très rapide pour le moment. C’est la même chose pour les “7 mercenaires” en tête de la classe 40. Vivement les grandes glissades sous spi. Mais ça, ce ne sera pas au programme pour aujourd’hui… Ce sera plutôt bricolage avec le chantier de l’hydrogénérateur arraché qu’il faut impérativement que je répare avant d’être en panne d’énergie…
Et je vous l’avais promis, retour de la playlist “Rhum Songs” pour ceux qui ont quelque chose entre les oreilles… : Tash Sultana / Jungle Bonobo / Black Sands The Beatles / When My Guitar Gently Weeps
Culbuto est le gentil nom donné à son bateau Happy par Loïc Peyron, sister-ship de l’Olympus Photo de Mike Birch. Un bateau qui ne cesse de l’étonner. Le marin préféré des français est toujours en course et a suivi depuis le départ la trajectoire qu’il a pu en allant longer les côtes espagnoles pour éviter les trois dépressions qui sont tombées sur la flotte. En passant enfin le cap Finisterre, il a retrouvé François Corre (Friends & Lovers) qui dispose également d’un même trimaran jaune et se situe devant lui plus sud à moins de 60 milles. François Corre est allé au coeur de la dépression. Charlie Capelle qui dispose d’un bateau équivalent est à Port-La-Fôret où il est arrivé le 8 novembre pour se mettre à l’abri. Une sage décision difficile à prendre pour celui qui a 5 Route du Rhum à son actif.
Le duel entre les deux bateaux sera intéressant à suivre même si les deux marins n’ont pas les positions de l’un et de l’autre.
Rien n’est encore fait pour Thomas Coville mais la réparation de son Ultim est terminée. On lui souhaite de pouvoir repartir. Il pourra essayer de prendre la 3è place en rattrapant Rimain Pilliard sur USe It Again qui après un stop et repartit et longe actuellement les côtes portugaises.
En escale technique forcée depuis lundi dernier à La Corogne, le skipper et son équipe ont réussi à réparer la fissure du bras avant bâbord. Suite à une avarie survenue dans les 24 premières heures de course sur son trimaran Sodebo Ultim’2, Thomas Coville et une partie de son équipe technique venue à la rescousse, ont installé un vrai chantier autour du bateau amarré le long d’un ponton du port de La Corogne. Leur objectif : réparer au plus vite mais proprement.
Depuis le début de la semaine, les neuf hommes ne se ménagent pas. Ils se relaient pratiquement jour et nuit sur ce chantier installé à ciel ouvert dans la pluie et le vent, des conditions difficiles quand il s’agit de réaliser de la stratification en tissu de résine et carbone. Après un peu plus de 5 jours d’arrêt au stand, Sodebo Ultim’ 2 pourrait reprendre la course demain matin.
Demain dimanche 11 novembre, le skipper de Sodebo Ultim’2 devrait hisser les voiles pratiquement au moment où les deux premiers concurrents approcheront de la ligne d’arrivée située à un peu plus de 3000 milles (5500 kms) de la pointe Nord Ouest de l’Espagne où il se trouve.
Engagé dans la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, Thomas Coville est un compétiteur né. Dans les premières heures de navigation, il devra valider la réparation sous les différentes allures avant de mettre le cap sur la Guadeloupe et terminer l’histoire de cette course qu’il prépare depuis quatre ans.
Les étraves des premiers ultimes se rapprochent de La Guadeloupe qui se prépare à accueillir François et Francis… ou Francis et François ? Sur n’importe quelle autre course, les jeux seraient faits mais il reste encore une incertitude surtout sur cette Route du Rhum qui a vu tellement de rebondissements aux arrivées. Francis Joyon est bien placé pour le savoir.
L’arrivée est prévue ce dimanche à partir plutôt en fin de journée heure de la métropole avec une météo orageuse qui sévit sur les Antilles depuis plusieurs jours. Francis Joyon ne lâchera rien. Il met tellement de charbon que la chaudière est en surchauffe : plus de trente nœuds de moyenne avec des pointes à plus de trente-cinq nœuds : IDEC Sport n’est jamais allé aussi vite, même en équipage, grâce à sa légèreté mais aussi à ses nouveaux foils. Avec seulement 106 milles de retard sur le leader François Gabart, l’expérimenté skipper tente de déborder son concurrent par-dessous en gagnant à chaque bord un peu de VMG, de distance de rapprochement. L’ex-Groupama 3 que Franck Cammas puis Loïck Peyron avaient amené à la victoire à Pointe-à-Pitre, a le petit avantage d’être un peu plus léger même s’il est plus ancien…
[#RDR2018]
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“Affiner les routages et les trajectoires jusqu’à l’arrivée…” @francoisgabart très concentré à quelques heures de l’arrivée en Guadeloupe ! ????⛵ pic.twitter.com/vO2t8cGWqw
De l’autre côté, François Gabart connaît parfaitement son bateau MACIF même s’il est plus susceptible de voler que lors de son tour du monde victorieux. Mais il doit pour cela « pointer » un peu plus, attaquer le vent avec un angle légèrement moins favorable. Bref, les deux solitaires mettent tous leurs atouts dans la balance car ils savent que c’est à la Tête à l’Anglais, cet îlet au Nord de Basse-Terre, que le match risque de se jouer : si l’écart est inférieur à trois heures (soit moins de cent milles), la hiérarchie peut basculer. Surtout que les conditions météorologiques actuelles sur les Antilles ne sont pas propices à un final simplifié : les grains succèdent aux trombes d’eau, les calmes aux bourrasques, le soleil à un ciel plombé…
Attendus demain dimanche dans l’après-midi au Nord de l’île papillon, les deux navigateurs connaissent leurs limites et celles de leur monture, mais un seul petit nuage peut faire totalement basculer le tempo. Et plus ils s’approchent de l’arc antillais, plus cette situation orageuse peut les ralentir ou les mettre dans le rouge. S’il faut changer de voilure ou partir à 60° à cause d’un méchant grain, les milles peuvent rapidement s’égrainer dans le mauvais sens ! On sent qu’il peut se passer quelque chose.
Armel Tripon bien parti pour l’emporter en Multi50
Et à plus de 1 000 milles des deux impétrants du tour du monde, Armel Tripon voit la route se dégager à proximité du tropique du Cancer : l’arrêt au stand remarquablement rapide (moins de 8 heures) de Thibaut Vauchel-Camus à bord de Solidaires en Peloton-ARSEP puis celui d’Erwan Le Roux et FenêtréA-Mix Buffet (l’un pour changer ses chariots de grand-voile est reparti des Açores, l’autre pour problèmes de pilote est en mer ce soir), les relègue à deux cent milles plus au Nord avec une configuration de vent un peu moins favorable. Le skipper de Réauté Chocolat est désormais sur le boulevard des alizés avec un Lalou Roucayrol (Arkema) bien loin derrière, au large des Canaries. Il lui faut dorénavant assurer sans prise de risque cette longue glissade (2 000 milles tout de même) vers la Guadeloupe.
Alex Thomson met le turbo
Alex Thomson est un peu dans le même cas bien que ses trois poursuivants IMOCA ne lui rendent qu’une petite centaine de milles. Mais le Britannique est au moins un nœud plus rapide sur son Hugo Boss, redoutable à ces allures portantes. Ils auront beau tenter (à l’image de Yann Éliès (UCAR-StMichel) qui glisse encore plus Sud), de se démarquer, le skipper au bateau noir va les contrôler en suivant leurs mouvements : à chaque empannage, un empannage ! Il n’y a que l’instabilité des alizés qui pourrait redistribuer les cartes, ce qui est envisageable d’ici deux à trois jours…
Quant à Sidney Gavignet (Café Joyeux), impérial en catégorie Rhum Mono sur son voilier de 52 pieds, il se permet de tenir tête au deuxième groupe des IMOCA glissant dans une brise de Nord entre Madère et les Canaries. Eux aussi devraient, d’ici la fin du week-end, accrocher ces alizés de Nord-Est à Est d’une vingtaine de nœuds. Tout comme les Class40 toujours emmenés par Yoann Richomme (Veedol-AIC) qui devrait toutefois connaître une nuit difficile car il bordure les hautes pressions d’assez près… Ce qui est aussi le cas pour le leader des Rhum Multi : Pierre Antoine (Olmix) espère trouver un passage avec l’arrivée d’un front peu actif qui va se faire rétracter l’anticyclone des Açores.
Enfin du côté de la Bretagne comme de la péninsule ibérique, les nouveaux départs se succèdent : Éric Bellion (commeunseulhomme) et Laurent Jubert (L’espace du souffle) ont ainsi quitté l’Aber Wrac’h ce samedi matin, Nils Boyer (Le choix funéraire) ce midi La Corogne, prélude à une cohorte de solitaires qui ont préféré s’abriter que de casser du matériel lors des trois dépressions successives du golfe de Gascogne.
La course Imoca est passionnante avec un Hugo Boss survitaminé qui fait la cours en tête, chassé par Paul Meilhat sur SMA et Vincent Riou sur PRB. La lutte jusqu’à Pointe-à-Pitre s’annonce passionnante alors qu’il reste plus de 2 000 milles à parcourir et que Boris Herrmann, partisan d’une option Nord, n’a peut-être pas dit son dernier mot. Derrière, un match entre trois skippers menant des plans Finot-Conq de la génération 2008 nous tient également en haleine, avec peut-être en jeu une place dans le Top 5 à l’arrivée pour Stéphane Le Diraison, Alan Roura ou Damien Seguin… Michel Desjoyeaux nous livre sa chronique de la Route du Rhum en IMOCA.
« Au départ, il y avait un choix pas forcément simple à faire entre une route proche de l’orthodromie, dans du vent soutenu et une mer forte, et une route plus longue mais qui permettait d’avoir plus de certitudes quant à la cadence qu’il était possible de mener. Alex Thomson a suivi la première option, avec succès. A un moment-donné, son avance devenait conséquente quand on faisait tourner des routages sans tenir compte de l’état de la mer. Mais dans les faits, quand Alex était au Nord dans la mer la plus forte, il n’arrivait pas du tout à tenir les cadences du routage. On a alors vu le bien-fondé de la route Sud.
« Alex Thomson sera dur à aller chercher »
Pourtant, Alex s’en est très bien tiré, en ayant un peu de réussite dans le passage de la dorsale ce qui lui a permis de se repositionner devant Paul Meilhat, Vincent Riou et Yann Eliès. Je pense qu’Alex est celui qui attaque le plus dans l’alizé. Il pousse fort, maintenant qu’il est devant il doit creuser l’écart. Je me demande parfois comment il fait pour cavaler comme ça ! Il arrive à maintenir des vitesses élevées sans trop perdre en VMG (Velocity Made Good, recherche du meilleur compromis cap-vitesse),ce qui est étonnant car il a un bateau un peu plus lourd que les autres. Il sera dur à aller chercher. Il s’est exprimé avant le départ sur le fait que les Bretons sont les meilleurs du monde et il a probablement à cœur d’essayer d’être encore meilleur… Si l’alizé n’est pas trop fort, on va assister à une course de vitesse entre les trois premiers (Thomson, Meilhat, Riou). Yann Eliès est un peu décroché, ce sera probablement difficile pour lui de revenir dans des conditions où son bateau n’affiche pas un potentiel bien supérieur aux autres.
« Je pense que PRB a un problème en tribord amure »
Je pense que PRB a un problème en tribord amure, peut-être un foil abîmé ou qui ne peut pas sortir. Ou alors Vincent ne peut pas le régler comme il le souhaite. Ça pourrait aussi être un souci au niveau de la quille. Il y a eu plusieurs phases durant lesquelles Vincent ne tenait pas la cadence en tribord amure face à Paul, dans des conditions où il n’y avait pas de raison de lever pied. Je ne serai pas surpris si à l’arrivée en Guadeloupe on découvre qu’il y a des choses qui ne vont pas sur PRB. Dans ces cas-là, il y a deux écoles au niveau de la communication. On a connu l’école Ellen MacArthur qui s’exprimait seulement quand elle cassait, jamais quand elle réparait. Puis il y a une école qui est davantage dans la discrétion, voire la culture du secret. Une culture que je connais un peu pour l’avoir déjà pratiquée !
« Paul Meilhat n’a pas fait d’erreurs »
Paul Meilhat fait une super traversée, je n’ai pas vu d’erreurs. Dans la brise, il a fait le dos rond et tenu la cadence. A ma connaissance, il n’a pas de bobos majeurs, des petits soucis comme tout le monde mais rien de grave. Physiquement, il est loin d’être cramé, il reste lucide, ce qui est de bon augure pour la suite. Il était important d’arriver à ce stade de la course en étant relativement frais car il faut passer beaucoup de temps à la barre dans les alizés, qui ne sont pas un long fleuve tranquille et demandent de la subtilité. Pour Paul, cette Route du Rhum offre une superbe opportunité de montrer ses capacités et son talent, surtout en vue d’une fin de contrat avec SMA, pour donner envie à un sponsor de s’intéresser à son cas de très près.
« Il faut continuer à surveiller Boris Herrmann »
L’incertitude demeure sur le « Nordiste » Boris Herrmann qui poursuit indéfectiblement sur une option orthodromique. Si le passage de la dorsale qui lui barre la route se passe très bien, il peut espérer venir jouer les trouble-fête dans le paquet des quatre Sudistes. Ce serait étonnant car son option n’est pas dans la tradition, mais pourquoi pas ! Il faut continuer à le surveiller. Pour Alex, Paul, Vincent et Yann, il n’y a pas grand chose d’autre à faire que d’attendre le croisement avec Boris qui devrait survenir dans la nuit de dimanche à lundi.
« Traverser l’Atlantique n’est pas devenu quelque chose d’anodin »
Derrière, Stéphane Le Diraison, Alan Roura et Damien Seguin souffrent davantage de la dorsale qui a tendance à descendre avec eux. Ils se bagarrent comme ils peuvent et réalisent de jolis parcours. Alan a super bien tiré son épingle du jeu en début de course. Depuis qu’il navigue au portant dans du vent faible il doit un peu souffrir avec ses foils. Stéphane a bien réussi à préserver le matériel dans le vent fort. Et quelle performance incroyable de Damien ! Tenir dans des conditions très dures, quand tu as besoin de tes deux mains pour t’accrocher et que tu n’en as qu’une seule, franchement bravo ! On sait que le garçon a de la ténacité et de l’énergie à revendre. Arnaud Boissières est fidèle à lui-même, il n’attaque pas trop mais il est toujours en mer. Ce sera dur de recoller aux trois devant lui. Mais comme disait Morgan Lagravière hier, c’est déjà exceptionnel d’être encore en mer. Il ne faut pas bouder son plaisir. On a trop tendance à croire que traverser l’Atlantique est devenu quelque chose d’anodin, mais ça ne l’est toujours pas.
Je note enfin qu’il n’y a eu pour le moment que trois abandons en IMOCA (Sam Davies, Louis Burton et Yannick Bestaven), probablement bientôt quatre avec Isabelle Joschke qui a démâté. C’est un chiffre très raisonnable sur 20 bateaux au départ. Cinq concurrents devraient prochainement repartir après leurs escales techniques. Les marins sont tenaces ! »
Michel Desjoyeaux
Le palmarès de Michel Desjoyeaux en IMOCA
– Double vainqueur du Vendée Globe (en 2000-2001 et 2008-2009)
– Vainqueur de la Transat Jacques Vabre 2007 (avec Emmanuel Le Borgne)
– Vainqueur de l’Istanbul Europe Race 2009
– 6e de la Route du Rhum 2010
– Participation à la Barcelona World Race 2010-2011 (avec François Gabart)
Les prochains rendez-vous avec les skippers IMOCA :
– Dimanche 11 novembre : Charlie Dalin
– Lundi 12 novembre : Roland Jourdain
– Mardi 13 novembre : Nicolas Lunven
– Mercredi 14 novembre : Alain Gautier
– Jeudi 15 novembre : Sébastien Simon
– Vendredi 16 novembre : Jean-Pierre Dick
– Samedi 17 novembre : Gwénolé Gahinet