Nicolas Lunven remporte La 40e Solitaire du Figaro

Nicolas Lunven vainqueur de la 40e édition
DR

A Dieppe, sous le soleil et les 30 degrés ambiants, le suspense aura été torride jusqu’au bout. Antoine Koch (Sopra Group) remporte brillamment cette quatrième étape, dernier acte d’une Solitaire qui a tenu son rang d’édition exceptionnelle. Sur la ligne d’arrivée, le skipper de Sopra Group prend une petite revanche sur le destin et remercie la réussite qui lui avait fait défaut à Dingle, où il avait mené la danse jusqu’à l’entrée de la baie. A bord de son monocoque rouge, Antoine franchit la ligne devant Nicolas Troussel (Crédit Mutuel de Bretagne, double vainqueur de l’épreuve et tenant du titre) et Thomas Rouxel (Défi Mousquetaires), 26 ans, qui fête ainsi son premier podium d’étape après une belle prestation cette année… Un bien joli podium pour ce grand final. Nicolas Lunven, l’homme discret devenu au fil des étapes l’homme à battre, termine quatrième… une place suffisante pour le faire entrer en ce mercredi 19 août dans l’histoire de la course.

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Lunven : la force tranquille
A 26 ans et pour sa troisième participation seulement, le skipper de CGPI réalise une magnifique performance. Il remporte l’épreuve sans aucune victoire d’étape, grâce à une régularité de métronome doublée d’une efficace pugnacité.
Deuxième à La Corogne (étape 1) puis troisième à Saint Gilles Croix de Vie (étape 2), il prend la tête du classement général provisoire au moment de son arrivée dans le port Vendée. Il n’en sera plus jamais délogé. Sa relative contre-performance à Dingle (33e) sera presque indolore au chrono et il réalise finalement une superbe fin de quatrième étape, laissant derrière lui une horde de pisteurs morts de faim.

Pourtant, et de ses propres mots, le Morbihannais dont le père Bruno fut un habitué de l’épreuve (2e en 1974), n’était pas venu chercher le sacre. Son objectif proclamé au départ de Lorient était de finir dans le top 10… une ambition pleine de sagesse, dictée par le contexte exceptionnel de cette 40e édition. Avec un plateau sportif investi par six anciens lauréats (Jérémie Beyou, Charles Caudrelier Benac, Michel Desjoyeaux, Eric Drouglazet, Armel Le Cléac’h et Nicolas Troussel) et des récidivistes expérimentés ( Morvan, Eliès, Duthil, Chabagny, Berenger, Mahé, Tabarly etc…), il eut été présomptueux, pour le jeune homme, de caresser des espoirs de victoire. Quand d’autres en rêvaient fort, lui s’est contenté de franchir les étapes et les écueils un à un, revenant dans le match sans se décourager lorsqu’il était distancé. On appelle cela la force tranquille. Au ponton de Dieppe, « Lulu » avait d’ailleurs du mal à réaliser la teneur de son exploit : « je crois qu’il va me falloir un peu de temps. Après une bonne nuit de sommeil, peut-être ».

Eliès et Duthil : deux superbes dauphins
Yann Eliès prend la deuxième place, après avoir failli rafler la mise dans cette toute dernière bagarre entre Dingle et Dieppe. Mais le dernier coup de Trafalgar sous les falaises de Normandie en a décidé autrement. Le skipper de Generali, vainqueur de la première étape (la cinquième de sa carrière), n’avait que six minutes de retard sur Lunven au départ de l’Irlande ! Dans son âme de compétiteur, Yann voulait le titre. Pourtant, sa prestation, après six mois de rééducation cet hiver suite à son accident pendant le Vendée Globe, est déjà remarquable en soi.

Il termine 20 minutes et 29 secondes derrière Nicolas Lunven, tandis que Frédéric Duthil complète le podium de cette 40e édition 6 minutes plus loin. L’ancien planchiste devenu figariste peut se réjouir : c’est sont troisième podium consécutif dans La Solitaire du Figaro. En 2007, après avoir remporté deux étapes, il avait en effet terminé second derrière Michel Desjoyeaux. L’année dernière, il était troisième dans le sillage de Troussel et Morvan. Le skipper de Bbox Bouygues Telecom, probablement l’homme le plus rapide de la flotte, est tout simplement un des meilleurs compétiteurs de ces cinq dernières années.

Fabien Delahaye meilleure première participation
Chez les bizuths, cette 40e a été animée par le duel au sommet entre deux jeunes et talentueux marins : Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham), 25 ans, et Paul Meilhat (Domino’s Pizza), 27 ans. Le premier l’emporte finalement de 11 minutes et 23 secondes, mais rien n’était joué jusqu’à quelques milles de Dieppe, où Paul menait la danse et pouvait encore l’emporter. Toutefois, Fabien a été le plus régulier tout au long de ces quatre étapes, s’illustrant à plusieurs reprises dans un top 10 pourtant très difficile à accrocher. Les deux hommes ont fait le plein d’expérience dans cette grande première et ont pris un grand plaisir à naviguer et à se bagarrer. Pas rancuniers, ils disputeront le Tour de Bretagne en double ensemble, à bord du même bateau !

C El

Les mots du vainqueur
Nicolas Lunven : « je n’ai pas arrêté d’attaquer »
Sur les pontons de Dieppe, fourbu de fatigue mais aussi respirant un bonheur tout en mesure, Nicolas Lunven (CGPI), le grand vainqueur de cette 40e Solitaire du Figaro, a répondu aux questions tous azimuts. Voici donc les premiers mots de ce jeune homme de 26 ans qui accède à la légende de la course au large et… fait mieux que son papa Bruno, deuxième de cette même épreuve voilà 25 ans.

La première impression ?
C’est génial. Si on m’avait parlé d’une victoire il y a un mois, je n’y aurais jamais cru. Déjà gagner La Solitaire, c’est inespéré… mais en plus celle-là, la 40e édition, avec le plateau exceptionnel de coureurs qu’il y avait, devant Michel Desjoyeaux mais aussi tous les autres, c’est parfait. Et la bataille a été intense jusque dans les tout derniers milles.

Une joie mesurée ?
La joie est là, je vous assure et la fatigue aussi ! Dix milles avant la ligne, je me disais que c’était bon mais tant qu’elle n’est pas franchie… J’ai beaucoup surveillé aussi si des concurrents n’arrivaient pas de l’autre côté du plan d’eau et je voyais les bateaux devant moi tomber dans du vent plus mou. Je suis donc resté concentré pour ne pas avoir de regret si cela tournait mal avant la ligne.

Cette dernière étape ?
Je suis parti dans les derniers à Dingle et j’ai passé mon temps à remonter des places, mais sans rejoindre la tête de course jusqu’à ce matin. Virtuellement, il y a eu des moments où je n’étais plus leader – ce matin par exemple je n’étais plus premier au général – où on avait des vainqueurs virtuels comme Frédéric Duthil, Yann Elies et d’autres. Au final on est tombé dans du vent mou ce midi et j’ai réussi à attraper le vent frais, pour m’échapper de la meute et reprendre un groupe de quatre bateaux qui étaient devant moi dans un petit virement. Mais il fallait être vigilant en permanence.

Le plus dur sur cette course ?
Jongler avec les différentes conditions rencontrées. Nous n’avons jamais eu de gros temps, ni de pétole blanche, les conditions étaient idéales. Mais il a fallu être vraiment attentif. Je crois que je ne me suis pas laissé faire, je n’ai pas arrêté d’attaquer.

La méthode Lunven ?
J’étais beaucoup mieux préparé que l’an dernier. J’avais envie de bien m’exprimer sur l’eau. Le secret est peut-être d’avoir pris du plaisir à naviguer, de m’être éclaté et d’avoir joué tous les coups à fond. Pas forcément de grandes options à la Nicolas Troussel, mais beaucoup de petites choses qui ont fini par payer : des petits bords, des détails. Comme cet après-midi où j’ai passé le groupe devant moi en faisant le petit virement qu’il fallait, qui était risqué car je partais à 90° de la route. Mais ça a payé. Ma petite fierté est d’avoir été capable d’être régulier sur quatre étapes. Et non je n’ai pas de regret de ne pas avoir remporté une étape, je préfère sans problème le classement général ! »

La réussite ?
« Je pense avoir déjà beaucoup utilisé ma bonne étoile donc pas la peine de jouer au Loto demain : à chaque fois que je n’étais pas bien, j’arrivais à revenir. Dès que j’avais une idée derrière la tête, je la faisais et ça marchait. Il y avait souvent un petit contexte favorable pour moi sur ces trois semaines de course, ce qui est assez étonnant. Je crois avoir eu beaucoup de réussite.»

L’avenir ?
Je vais rester en Figaro Bénéteau car j’ai encore deux ou trois trucs à apprendre… heu.. plus de deux ou trois en fait ! Donc on va rester dans cette série qui me plaît bien. Maintenant si vous avez un projet Vendée Globe à me proposer… faut voir (rires)! »


Ils ont dit à l’arrivée :

Antoine Koch (Sopra Group), vainqueur de cette 4e et dernière étape :

« Après la bascule, j’ai choisi de jouer le courant et pas le vent. Un petit groupe avec Fred Duthil et Michel Desjoyeaux a dominé toute l’étape et ils doivent être un peu déçus aujourd’hui, comme moi je l’ai été à Dingle dans des circonstances similaires, après avoir mené. Je connais ce qu’ils ont vécu et il faut savoir le reconnaitre. De mon côté, même si je n’étais pas très bien en début d’étape, j’étais en permanence à l’attaque. J’ai attaqué plein de fois, j’ai une bonne vitesse et c’est la dernière attaque qui a fini par payer. Aujourd’hui il y a de la joie et il y a la fatigue aussi, car on a assez peu dormi avant cette arrivée à haut suspense. Pour tout vous dire, j’ai eu du mal à m’annoncer à moins d’un mille de la ligne à la VHF, après ce qui s’est passé à Dingle ! On ne gagne pas tous les jours une étape de La Solitaire, surtout celle-là avec 6 anciens vainqueurs… et plein de futurs vainqueurs, des petits jeunes qui montent. On se remet en question en permanence sur cette course, c’est donc toujours très particulier de gagner une étape même si cela m’était déjà arrivé, il y a longtemps. Cette victoire, on la construit depuis deux ans avec le team Sopra, alors oui, elle fait plaisir, bien sûr ! »

Yann Eliès (Generali) 2e au classement général provisoire : «c’est l’école de la vie !»

« Devant, notre jeu ne pouvait pas être différent avec le vent qu’on avait et la météo attendue à ce moment-là. Ce qui est rageant finalement, c’est qu’on a eu le malheur d’être devant ! J’ai manqué de réussite sur la fin. Mais c’est vrai qu’on se sent impuissant. J’ai même eu peur pour ma deuxième place et j’ai du me battre pour la sauver, ça c’est bien. C’est dur d’avoir l’impression de bien faire tout ce qu’il faut et de ne pas être récompensé, mais c’est comme ça… Le Figaro c’est l’école de la vie ! Là, je suis forcément un peu dans la déception mais revenez me voir demain et je vous dirai sans doute que deuxième au général et une victoire d’étape ce n’est pas si mal. C’est même très bien quand je vois d’où je viens. Mais là, avec la fatigue en plus, j’ai juste un peu de mal à relativiser. Mais, demain je vous dirai sans doute que je suis content (rires) ! »

Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom), 3e au général provisoire : « je vais m’en contenter »

« La météo nous a encore joué des tours, même si avec un peu de recul je me dis qu’on aurait pu prévoir ce coup-là… mais après quatre jours de mer à se bagarrer ce n’est pas évident d’avoir la lucidité nécessaire ! Jusqu’à ce matin, j’étais en tête, rapide, du bon côté pour attendre la bascule, franchement il ne pouvait pas m’arriver grand-chose, au moins pour l’étape. Mais alors qu’on attendait le vent au sud il s’est levé au nord-est, ce qui a généré ce retournement de situation. J’ai tout de même l’impression du travail bien fait. Je crois être un des plus rapides de la flotte, voire le plus rapide. Mine de rien, troisième c’est déjà positif (ndr : c’est la troisième année consécutive que Fred Duthil termine sur le podium du général), mais j’aurais trouvé ça vraiment dur de finir 4e, ça n’aurait pas été mérité. Il y avait un super plateau, donc je vais me contenter de cette troisième place… et puis moi ce sont mes vacances, je reprends le boulot lundi ! J’aime bien ce fonctionnement, je ne joue pas ma vie à chaque course. je crois que ça me libère de pas mal de choses. En tous cas, elles étaient incroyables ces arrivées des deux dernières étapes, avec tous ces bouleversements de dernière minute…»

Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham) vainqueur du classement des bizuths provisoire : « bravo à Paul Meilhat ! »

« L’objectif est rempli, je suis très, très content ! Surtout que l’autre bizuth avec qui je me battais vraiment et qui s’appelle Paul Meilhat méritait tout autant que moi de la gagner, celle-là ! Il se trouve que c’est moi et pas lui, mais vraiment bravo à lui parce que c’est génial ce qu’il a fait. Je n’ai pas dormi depuis deux jours, je suis vraiment fatigué, là… Je n’espérais pas autant : je fais deux étapes de 8e et vu le plateau qu’il y avait, c’est génial. L’arrivée de Dingle était irréelle, mais cette dernière étape je suis allée la chercher jusqu’au bout. A chaque étape j’ai appris des choses nouvelles, j’ai passé du temps avec mon crayon et mon classeur pour bien tout noter et ne pas refaire les mêmes erreurs dans les années à venir. Je me suis senti plutôt à l’aise sur la gestion du sommeil, de l’alimentation… Et la belle histoire c’est que dans deux semaines je fais le Tour de Bretagne avec Paul Meilhat ! Et je pense que ça va être génial ! »