Les outsiders se rebiffent

Baiko victorieux
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Il est des navigateurs qui ne savent pas ce que c’est que la prise de tête. Antonio Pedro da Cruz, convoyeur professionnel fait partie de ces Marie-Louise du circuit, toujours présent, rarement aux avant-postes. Bon vivant, grand dormeur devant l’éternel, Antonio avait l’habitude de faire des débuts d’étape parfois tonitruants mais de ne pas pouvoir tenir le rythme exigeant que demande une étape en solitaire de 350 milles. Au point d’être considéré par nombre de cadors de la série comme un aimable faire-valoir. D’autant que le garçon affiche une bonne humeur permanente depuis ses débuts dans le circuit Figaro, il y a de ça quelques années. Cette fois-ci, le navigateur capverdien a tenu le choc : mieux que çà, il a su gérer son capital avec bonheur portant son avance à plus de 15 milles de ses poursuivants, à 80 milles de l’arrivée. Pendant que Baïko filait à 6 nœuds sur la route directe, ses adversaires se trouvaient à tirer des bords dans la pétole. Ni les conditions très changeantes rencontrées par la suite, ni la hargne de la meute lancée à sa poursuite n’ont eu raison de sa détermination… Antonio a puisé dans ses réserves pour empocher sa première victoire. Et récompenser son partenaire, Baïko, qui le suit fidèlement depuis ses débuts dans le circuit.

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Nicolas Bérenger prend la tête au général

Quelques autres skippers ont trouvé ici de vrais motifs de satisfaction : Laurent Pellecuer (Docteur Valnet Aromathérapie) et Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier) qui complètent le podium ou Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) qui retrouve ici un classement plus conforme à ses ambitions. Gildas Morvan en se classant 5ème de l’étape, enfonce un peu plus le clou de son titre de Champion de France à venir. Autre grand gagnant du jour, Nicolas Bérenger. Le skipper de Kone Elevators s’empare de la première place du classement général pour 29 secondes. Une misère, au regard du nombre de milles qui restent à parcourir, mais un résultat symbolique qui convient bien au skipper de la Grande Motte. Nicolas l’affirme depuis le début : il veut gagner cette édition de la « Capitale Européenne de la Culture – Cap Istanbul ». Reste qu’il serait étonnant qu’Eric Drouglazet, le skipper de Luisina Design baisse les armes : on peut s’attendre à un remake de « Et pour quelques secondes de plus » entre Marzamemi et la Crète. Sans oublier que d’autres protagonistes peuvent aussi légitimement se mêler à la bagarre. François Gabart (Espoir région Bretagne), dont c’est la première saison en Figaro et dont le talent n’a d’égal que la discrétion et la gentillesse, auteur d’un parcours exemplaire de régularité, pointe l’étrave de son Figaro à moins de 12 minutes. Il est talonné lui-même par Marc Emig (Capitol). Le navigateur marseillais montre ainsi qu’il n’a rien perdu de son tempérament d’attaquant. Marc qui positivait son année de chômage technique par la faute d’un sponsor volatile, en se disant qu’elle lui avait redonné une envie décuplée de naviguer, démontre aujourd’hui que l’envie est aussi facteur de réussite.

D’autres navigateurs ont eu moins de chance : Jean-Charles Monnet (Dégremeont Suez Environnement Source de Talent) a du monter dans son mât dès le départ, du fait d’une latte de grand-voile qui était sortie de son fourreau par l’avant et qui l’empêchait de hisser ou d’affaler. Résultat : une bonne demi-heure de débours pour le navigateur normand et cette sensation désagréable de devoir courir après la flotte pendant toute la durée de la course. Fred Duthil (Distinxion) ne gardera pas non plus un souvenir impérissable de cette course. En tête du peloton de chasse derrière Baïko, il s’est empêtré la quille dans des filières de pisciculture non balisées. Arrêt buffet net pour Frédéric qui perd plus d’une heure dans l’opération avant de retrouver relégué en queue de peloton. Le navigateur préférait en rire à l’arrivée, mais on imagine que la pilule est amère à l’arrivée. Erwan Tabarly (Athéma) parvenait à s’extraire en tête du premier calme rencontré dans les baies au sud de la Sicile. Mais un nouveau coup de pétole ruinait ses ambitions et le reléguait loin de la tête de course.

C’est un des charmes de la « Capitale Européenne de la Culture – Cap Istanbul » : comme une école buissonnière de la course au large, elle ouvre des portes au hasard, donne sa chance à des outsiders, redistribue les cartes rebattues des routes balisées depuis des générations. Avec sept navigateurs qui se tiennent encore en moins d’une heure la course est loin d’être jouée…

Ils ont dit :

Antonio Pedro da Cruz, Baïko
« Je suis particulièrement heureux. Surtout pour mon partenaire qui m’aide à être dans la course depuis quatre ans… J’avais une très grosse pression, car ce n’est pas évident de mener devant des cadors comme ceux qui naviguent sur le circuit. Je me disais que tant qu’il ne m’arrivait pas de gros problème, il n’y avait pas de raison que cette manche m’échappe… »

Gérald Veniard, Macif
« Il fallait être dessus tout le temps. Toutes les nuits, ça a distribué: il y a eu des coups de mistoufle à chaque fois… mais je n’ai pas pu être réactif tout le temps. Je n’étais pas en forme, je tombais de sommeil. Et puis, l’étape à Cagliari m’a fatigué… Je vais perdre quelques places au général, mais je reste dans le coup. Eric Drouglazet termine assez loin derrière, Frédéric Duthil est tout juste 2 minutes devant moi… »

Frédéric Duthil, Distinxion Automobile
« C’est la Med… ! Les conditions sont difficiles. Le vent n’arrête pas de tourner, de changer. On ne peut pas dormir ! La nuit dernière, je suis tombé dans un trou de vent. On est resté ainsi empétolé pendant toute la nuit. C’était hyper foireux avec des orages, des trous de vent. La nuit dernière, j’ai fait un refus de tribord à Robert Nagy ! On a eu de la chance car aucun de nous n’a démâté. Il faisait nuit noire et je ne l’ai pas vu. J’ai explosé mon balcon avant dans le choc et le tangon a cassé. Son bateau est bien abîmé… Pour clôturer la nuit, je suis resté bloqué dans un parc aquacole ! Il y avait une bouée à virer avant l’arrivée. D’après mes fichiers MaxSea le parc aquacole était situé à un mille sous le vent de la bouée. Moi, je suis passé 70 mètres environ sous la bouée. On ne voyait toujours rien puisqu’il faisait nuit. Et je suis rentré en plein dedans ! J’ai dû monter sur une bouée pour dégager mon bateau. Et comme j’ai dû heurter une chaîne à six nœuds de vitesse, il y a peut-être des dégâts sur la quille… »

Extrait du classement de l’étape 2 entre Cagliari (Sardaigne) et Marzamémi (Sicile)
1) Antonio Pedro da Cruz ( Baïko) arrivé à 2h 38′ 05” en 2j 10h 38′ 05”
2) Laurent Pellecuer (Docteur Valnet Aromathérapie) à1h 48′ 58” du vainqueur
3) Gildas Mahé ( Comptoir Immobilier) à 1h53’10” du vainqueur
4) Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles ) à 2h27’51” du vainqueur
5) Gildas Morvan (Cercle Vert) à 2h33’11” du vainqueur
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Extrait du classement général (provisoire avant jury) après 2 étapes :
1) Kone Elevators Nicolas Berenger en 04j 10h 47min 15s
2) Luisina Design Eric Drouglazet à 29s du leader
3) Espoir Région Bretagne François Gabart à 11min 10s du leader
4) Capitol Marc Emig à 14min 10s du leader
5) Baïko Antonio Pedro da Cruz à 49min 21s du leader
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(source Cap Istanbul)