Depuis le départ d’Irlande, le contexte météo n’a jamais vraiment ouvert le champ stratégique. Le franchissement au petit matin de la « marque » d’Ouessant par les différents couloirs qu’offraient les îles de la mer d’Iroise, puis le passage dans le raz de Sein, n’ont pas généré de grands chambardements. Malgré les forts courants de marée, le vent est resté suffisant et l’effet « passage à niveau » que les leaders redoutaient n’a pour l’instant pas eu lieu. Dans le peloton des poursuivants, certains ont perdu quelques places (Nicolas Lunven, par exemple), d’autres ont réussi de belles opérations (Erwan Tabarly, Thierry Chabagny, Phil Sharp), mais personne n’a commis le casse du siècle. Les positions ont tendance à bouger entre chaque classement, au gré des changements de marée, des micro-placements et des siestes que s’accordent les marins.
Depuis la fin de la matinée en baie d’Audierne, les figaristes ont changé de régime. La brise de mer s’est installée, les spis sont ressortis des bailles et la troupe progresse plus ou moins près des côtes, au largue serré. Sous le soleil enfin retrouvé, les skippers ont quitté leur ciré. Ils profitent de la tiédeur ambiante et d’un vent d’Ouest –Sud-Ouest d’une dizaine de nœuds tout en s’interrogeant sur la suite du programme. Jusqu’au phare des « Barges » qui surplombe le petit plateau rocheux au large des Sables d’Olonne, ils n’auront plus aucune marque de parcours à respecter. La route, pavée d’îles et d’archipels (avec dans l’ordre d’apparition : les Glénan, Groix, Belle Ile, Yeu) est donc libre.
En fin d’après-midi, la brise de mer va s’essouffler et il y aura tôt ou tard une transition avec une rotation au Nord-Est, induite par la proximité d’un anticyclone. Y aura-t-il d’ultimes coups à faire d’ici les rivages vendéens ? C’est ce que craint Beyou et ce qu’espèrent ses poursuivants. « Ma position de leader est plus facile à tenir au près qu’au portant » confiait le skipper de BPI. Déjà, au classement de 16 heures, alors que les vitesses de progression avaient chuté (5,5 nœuds en moyenne), son dauphin Erwan Tabarly (Nacarat) lui avait repris 0,5 milles. La tendance générale était au tassement des positions, les huit premiers concurrents (jusqu’à Nicolas Lunven – Generali) se tenant en moins de 2 milles.
Ils ont dit :
Romain Attanasio (Savéol) : « Route vers les Sables à la queue leu leu sous spi. Il n’y a pas beaucoup de vent. Il y en a qui sont un peu plus à terre, nous un peu plus au large, je suis au train arrière de Thierry (Chabagny) et du trio de tête : Fabien (Delahaye), Erwan (Tabarly) et Jérémie (Beyou). Derrière ça vient, ça va, on a l’impression qu’on creuse beaucoup d’écart et puis parfois ils reviennent donc c’est un peu énervant… Je pense qu’à un moment il va se passer quelque chose, il faudra être présent pendant la rotation. On connaît le coin, il y a des trucs sur lesquels on ne se fait pas avoir mais nul n’est prophète dans son pays ! »
Jérémie Beyou (BPI) : « C’est un grand classique : tu passes Penmarc’h et il fait beau après. Le soleil, comme il n’y en a pas eu beaucoup de puis le départ, c’est sympa. Il y a un peu de brise avec donc pour l’instant, ça avance bien. Ça ne va pas mollir d’ici ce soir, après, il y a une transition avec le vent qui devrait faire de la droite et qui devrait passer au nord-est…il y aura un empannage à faire entre temps. C’est sûr que quand tu es devant, tu fais un peu « balise » pour les autres. Ma position est moins facile à tenir au portant qu’au près.Si j’avais plus d’écart avec mes poursuivants, ce ne serait pas plus mal… Mais bon, ils sont derrière, c’est déjà ça. »
Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham) : « J’ai un peu mal négocié l’approche du Raz de Sein ce qui fait qu’Erwan (Tabarly) s’est un peu fait la malle, mais sinon ça va. La chasse au Beyou est ouverte depuis le départ, mais il résiste bien et quand il est devant, il creuse, il fait la course parfaite. On verra s’il y a des opportunités avant l’arrivée. Normalement il devrait y en avoir, dans les petits airs, on ne sait pas ce qu’il peut se produire. On attend encore une rotation du vent à droite, donc un empannage et puis après, il faut se placer pour le nouveau vent attendu, donc il va se passer des choses ».
Jeanne Grégoire (Banque Populaire) : « J’ai l’habitude de partir dernière et de me refaire avec des coups monstrueux, parce qu’il y a de la mistoufle et que ça me sert bien. Quand je me suis retrouvée bien au départ, je me suis dit que ce n’était pas normal, qu’il allait se passer quelque chose… En stratégie pure, en météo pure, mon analyse serait plutôt que ça va se barrer par devant et que la correctionnelle va être copieuse ! Je mise surtout sur beaucoup de bonne humeur parce que je ne suis pas sure que la suite du programme météo serve la queue de peloton… »
Classement de 16h
1 BEYOU Jérémie BPI à 111,40 mille de l’arrivée
2 TABARLY Erwan NACARAT à 0,50 mille
3 DELAHAYE Fabien PORT DE CAEN OUISTREHAM à 0,90 mille
4 CHABAGNY Thierry GEDIMAT à 1,40 mille
5 NICOL Jean-Pierre BERNARD CONTROLS à 1,60 mille
6 SHARP Phil The Spirit of Independence à 1,80 mille
7 ATTANASIO Romain SAVEOL à 1,80 mille
8 LUNVEN Nicolas GENERALI à 1,90 mille
9 PELLECUER Laurent ATELIER D’ARCHITECTURE à 2,20 milles
10 MARCHAND Anthony BRETAGNE-CREDIT MUTUEL ESPOIR à 2,70 milles