Le film de la course

Nicolas Lunven (CGPI)
DR

Etape 1 Lorient – La Corogne / 345 milles

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Yann Eliès place la barre très haut

Lorient, jeudi 30 juillet. Spectacle magnifique sous le soleil dans les courreaux de Groix pour le départ de cette 40e Solitaire du Figaro déjà historique : sur les 52 marins en lice, on compte pas moins de six anciens vainqueurs et ils sont une bonne trentaine au total à pouvoir rêver de victoire. Parmi eux, on trouve entre autres les deux premiers du Vendée Globe, Michel Desjoyeaux (Foncia) et Armel le Cléac’h (Brit Air). Mais comme un joli clin d’œil à l’histoire, c’est le doyen de la course Jean-Paul Mouren (M@rseillEntreprises), 56 ans et 23 participations, qui passe la première bouée en tête. Mais Yann Eliès (Generali) est un mort de faim. Sept mois après son grave accident dans le Vendée Globe, il veut prouver qu’il est revenu à son meilleur niveau. La première nuit est consacrée à négocier les vents très faibles d’une bulle anticyclonique. On enchaîne avec un passage de front dans le golfe de Gascogne qui donne quasiment lieu à un nouveau départ. Et les leaders se succèdent, à des longitudes très différentes. Le ton est donné : cette étape très complexe, très complète, est de toute beauté. A La Corogne, Yann Eliès tire les marrons du feu et signe une victoire enthousiasmante. Il a déjà gagné son pari de revenir en un temps record dans la cour des grands. Armel Le Cléac’h (Brit Air) est troisième. Entre eux s’intercale un jeune outsider : c’est Nicolas Lunven (CGPI), qui ne concède que 15 minutes. Les écarts sont très faibles : les quatre premiers en 30 minutes et les 20 premiers en une heure ! Premier constat : les places dans le Top 20 seront chères, très chères cette année…

L’avis de Nicolas Lunven sur l’étape 1 :
«On plante le décor. Tout de suite, on voit qui sont les coureurs qui sont dans le coup. Certains – je pense à Gildas Mahé ou Gérald Veniard- vont prendre d’entrée un retard qui va leur coûter cher pour le reste de La Solitaire. On s’aperçoit dès cette première étape que ça va être dur, que ça ne va pas rigoler car les écarts sont faibles à l’arrivée. »

Etape 2- La Corogne – Saint Gilles Croix de Vie /365 milles

Transgascogne express pour Beyou

Cette deuxième étape sous forme de ticket retour vers les côtes françaises s’est soldée en une grande diagonale au près, bâbord, à travers le golfe de Gascogne. Le tout dans des conditions fort peu estivales : bruines et brouillard, atmosphère ‘grisouille’, mer désordonnée et vent de nord-ouest fraîchissant jusqu’à 22 nœuds. Ce fut aussi une régate biblique où les derniers sont arrivés premiers ! Jérémie Beyou, voleur de départ dans les petits airs espagnols, doit repasser la ligne dans le sillage de ses petits camarades et ferme la marche au moment d’entamer les 365 milles de course. C’est pourtant lui qui s’impose dans le port Vendéen au terme de 76 heures 21 minutes et 37 secondes passées pour une grande part sur la tranche….
Pour remporter la mise à Saint Gilles, il fallait s’affranchir de trois difficultés principales : s’extirper des calmes galiciens qui ont sévi juste après le coup de canon, trouver la bonne veine de vent à gauche d’une grande ligne de 7,5 milles où la flotte s’était étalée et enfin ne pas faillir en vitesse. Quatre marins vont se partager les honneurs sur un tracé qui emmenait la flotte vers l’embouchure de la Loire, au large de Saint-Nazaire, avant de redescendre sous spi vers la Vendée, via une marque à respecter devant l’île d’Yeu (La Sablaire).
D’abord Armel Tripon (Gedimat) qui enroule en tête la bouée de dégagement Radio France en baie de la Corogne puis Laurent Pellecuer (Arnolfini.fr) et Charles Caudrelier Benac (Bostik) après la première nuit en mer et enfin Jérémie Beyou. Le skipper de Bernard Paoli prend les commandes le lendemain du départ et ne les lâchera plus.
C’est une très jolie victoire d’étape pour Jérémie qui faisait son retour – sans sponsor- sur La Solitaire après trois années d’absence et un Vendée Globe avorté au large de Brésil. Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) et Nicolas Lunven (CGPI) lui emboîtent le pas et c’est ce dernier qui prend, à 26 ans, la tête du classement général provisoire.

L’avis de Nicolas Lunven sur l’étape 2 :
« Après un départ compliqué à la Corogne, ce sera un tout droit, sans grande possibilité de se recaler. D’emblée, dès la sortie des côtes Espagnoles, le placement dans le long bord pour traverser le golfe de Gascogne sera primordial. De mon côté, je sors du lot en faisant la différence au niveau vitesse. »

Etape 3 : Saint Gilles Croix de Vie Dingle / 485 milles

Une étape à rebondissements pour un final hallucinant en Irlande

Ce troisième acte complexe en direction de l’Irlande promettait d’être celui des grands écarts. Celui qui remettrait un ordre clair et peut-être définitif dans la hiérarchie. Avec une entame très côtière à zigzaguer entre les îles bretonnes, le passage d’un petit front, puis la négociation de deux dorsales anticycloniques, il y avait de quoi remuer les méninges et faire quelques dégâts à l’arrivée. Finalement, la montagne a accouché d’une souris en baie de Dingle, à 16 milles du finish !
Cette étape à rebondissements a connu huit leaders différents. Il y eut d’abord Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom), en tête à la bouée Radio France quelques poignées de minutes après le coup d’envoi à Saint Gilles Croix de Vie. Puis ce fut le tour de Gérald Veniard (Macif) de s’illustrer à la bouée de La Sablaire à quelques dizaines de mètres des plages de l’île d’Yeu. Le 11 août, au terme d’une première nuit de slalom entre les îles (Belle Ile, les Glénan) Michel Desjoyeaux prend les rênes et enroule en tête cap Caval (Grand Prix GMF Assistance), devant la pointe de Penmarc’h, dernière marque de ce parcours de 485 milles. Jusqu’au 12 août au matin, après le franchissement de la dorsale anticyclonique qui verra les solitaires entamer un long bord de près bâbord, le skipper de Foncia s’échange la vedette avec Charles Caudrelier Benac (Bostik). Mais au moment d’entrer dans les eaux anglaises de la Manche, Armel Tripon (Gedimat) prend le relais, avant de céder sa place en fin de journée à Antoine Koch. Armel Le Cléac’h (Brit Air) ne le remplacera que le temps d’un classement. A la barre de Sopra Group, Antoine Koch ouvrait toujours la route le long des magnifiques côtes Irlandaises, à moins de 20 milles de l’arrivée. Mais tout a basculé dans la baie de Dingle où le vent s’est écroulé brutalement, créant un regroupement général de la flotte ! Pendant plusieurs heures, dans la nuit irlandaise, une quarantaine de feux rouges et verts dansent dans la baie. L’incertitude est totale jusqu’à 23h46, lorsque le spi blanc de Bernard Paoli perce l’obscurité. Deuxième victoire consécutive pour Jérémie Beyou après presque 4 jours de course, devant Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) et Eric Peron (Skipper Macif). Le leader du général provisoire Nicolas Lunven (CGPI), pourtant dans le groupe des meneurs, termine 33e. Mais les écarts sont infimes en Irlande puisque 47 skippers en terminent en l’espace de 40 minutes….

L’avis de Nicolas Lunven sur l’étape 3 :
« On attaquait les choses sérieuses. Beaucoup de diversité sur ce parcours et dans les manières de naviguer. Et puis une arrivée à la loterie à Dingle où finalement, peu d’écarts se font. Nous étions un groupe de cinq bateaux au mauvais endroit, au mauvais moment. »

Etape 4 Dingle – Dieppe / 511 milles

Nicolas Lunven triomphe au bout du suspense

Tout va donc se jouer sur cette dernière étape marathon, la plus longue de cette Solitaire. Le suspense va forcément être énorme : le podium provisoire tient en 10 minutes, les 10 premiers en 30 minutes et avec la météo sournoise qui se profile, 25 bateaux peuvent encore espérer gagner. Le départ au près dans la baie de Dingle est absolument sublime sous les falaises irlandaises, le passage au Fastnet ne l’est pas moins. Après une traversée de la mer Celtique au portant, la côte sud anglaise promet du jeu, des mistoufles, des coups à jouer. Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom) est admirable de vitesse, tout comme Charles Caudrelier Bénac (Bostik), Michel Desjoyeaux (Foncia) et Yann Eliès (Generali) qui passent en tête la marque de parcours Fairway of Needles à l’île de Wight. Tout va donc se jouer dans la traversée de la Manche, où on attend une panne de vent. Celle-ci intervient bien mais ne change pas vraiment la donne à part dans le ventre du pointage. Les attaques fusent de partout, mais à 30 milles de l’arrivée on pense que ce groupe pré-cité des quatre leaders va l’emporter et que parmi eux il y a le grand vainqueur au général, Nicolas Lunven étant très légèrement distancé. Le matin de l’arrivée, on croit que la victoire au général va revenir soit à Frédéric Duthil, soit à Yann Eliès qui naviguent à quelques longueurs l’un de l’autre. Mais à 20 milles de la ligne, coup de théâtre : le vent thermique rentre par le nord-est alors que beaucoup – dont les leaders – attendaient du sud-ouest. Redistribution générale ! Antoine Koch (Sopra Group), Nicolas Troussel (Crédit Mutuel de Bretagne) et Thomas Rouxel (Défi Mousquetaires) finissent par couper la ligne d’arrivée à Dieppe… immédiatement suivis de Nicolas Lunven, qui s’est admirablement recadré via un petit bord à 90 degrés de la route. En prenant la 4e place devant tous ses principaux adversaires au général, le skipper de CGPI remporte cette extraordinaire 40e édition, où le suspense a tenu jusqu’aux tout derniers milles. A 26 ans, pour sa troisième participation, « Lulu » entre dans la cour des grands. Yann Eliès et Frédéric Duthil complètent dans l’ordre un podium qui ne tient qu’en 26 minutes. Chez les bizuths, le suspense a tenu jusqu’au bout aussi entre le vainqueur Fabien Delahaye (Port de Caen Ouistreham) et son dauphin Paul Meilhat (Domino’s Pizza) qui termine à 11 minutes seulement, devant un autre valeureux rookie : Joseph Brault (Samsung Mobile).

L’avis de Nicolas Lunven sur l’étape 4 :
« Il en fallait bien une de décisive sur ce Figaro et ce sera la dernière. Le classement général va se dessiner dans les 20 derniers milles de course. Ceux qui étaient en tête, dessous, se sont retrouvés trop proches du dévent des falaises et ce sont ceux du dessus qui sont passés. Ce n’était pas un finish comme à Dingle, il fallait exploiter la bascule du vent au nord-est. »

B.M et C.El