Malheureusement, la crue de la Garonne (d’un débit de 3 000 m3/s au lieu de 650 m3/s habituellement) charriait d’énormes troncs d’arbre et autres débris conséquents qui ne permettaient pas d’envoyer un départ groupé sur un tel terrain de jeu. La Direction de Course en accord avec les skippers s’est donc tournée vers un format original : des départs décalés par groupe de quatre bateaux.
Cette première étape de la 44ème édition de La Solitaire du Figaro (départ dimanche à 13h00 devant Pauillac) se démarque des sentiers battus : pour la première fois, Bordeaux et la Gironde accueillaient la course avec toutes les contraintes et les spécificités d’une navigation fluviale pour commencer… Et l’arrivée à Porto est aussi une première : jamais les Figaro-Bénéteau ne sont descendus aussi Sud pour cette épreuve !
Or si les schémas météorologiques sont bien connus des compétiteurs au Nord de l’Espagne, contourner le cap Finisterre et longer les côtes ibériques sont une nouveauté stratégique. Particulièrement cette année puisque l’anticyclone des Açores qui a tant tardé à s’installer sur l’Europe de l’Ouest, est enfin au rendez-vous. La conséquence en est une situation météorologique très cadrée : les 41 solitaires vont glisser de la bordure Est des hautes pressions (générant des vents de Nord) vers la face méridionale de l’anticyclone (provoquant des vents d’Est) jusqu’au cap Finisterre. Là, par effet de compression, la brise qui dans le golfe de Gascogne devrait rester modérée (10-12 nœuds dans la Gironde, 15 nœuds dans le golfe), va prendre du coffre dès le large de La Corogne pour atteindre voire dépasser les 25 nœuds.
Et comme la péninsule ibérique crée une barrière, cet effet de goulet sera éphémère : après une cinquantaine de milles musclés, la brise n’arrivera pas à contourner l’obstacle et le vent va très rapidement tomber, voire devenir inexistant. D’après les routages, le passage du cap Finisterre est programmé pour mardi en milieu d’après-midi, mais les quelques 150 milles qui resteront à parcourir jusqu’à Porto vont être extrêmement fastidieux ! Un léger flux de secteur Nord va se maintenir à une vingtaine de milles des côtes tandis que la brise thermique d’Ouest va souffler dans la journée sous l’influence du réchauffement solaire, mais cette bande ne sera réellement active que sur les dix milles près des côtes espagnoles, puis portugaises.
De fait, c’est probablement dans la nuit de mardi à mercredi que la stratégie sera la plus compliquée à mettre en œuvre. Car entre les deux grandes options que sont une route directe le long des côtes avec le danger de collision avec les pêcheurs, d’accrocher les filets et autres casiers, de naviguer dans des brises volages et instables, ou une voie du large à une vingtaine de milles voire plus, près du trafic des cargos en bordure d’une bande de vent très oscillante au fil des heures, plein d’autres choix seront dictés par le vent… et les concurrents directs du moment !
Il faut donc s’attendre à tout devant Porto qui en sus, déverse le fleuve Douro qui, si le vent est très mou, rendra l’accès à la ligne d’arrivée mouillée au pied des digues d’entrée, encore plus délicate… La problématique des solitaires est donc claire : comment négocier la grande ligne droite entre le phare de Cordouan à la sortie de la Gironde et la Tour d’Hercule devant La Corogne ?
Ils ont dit
Michel Desjoyeaux (TBS) : « Le début devant Pauillac est très axé Nord-Sud donc on aura des bords à tirer sur cette descente de la Gironde. Une fois en Atlantique, on aura des conditions plutôt sympas, de vent portant forcissant avec une stratégie qui ne sera pas très compliquée jusqu’à la pointe d’Espagne. C’est là que ça va se corser : on aura le choix, soit de couper le virage au risque de passer du temps dans les calmes, soit de faire le grand tour avec du vent mais plus de chemin à parcourir. Voilà la problématique du jour ! »
Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) « En fait, il y a plusieurs segments sur cette première étape : la sortie de la Gironde, la traversée du golfe, le passage du cap Finisterre et la descente le long des côtes espagnoles et portugaises. L’idéal est de rentrer avec le pack de tête dans le golfe et de se maintenir jusqu’au virage espagnol sans se fatiguer et en gérant bien les empannages. La bulle sans vent de la fin de parcours va être assez délicate à anticiper. »
Jean Paul Mouren (Groupe SNEF) : « Je vois une étape rapide. On va dégolfer rapidement puis, il y a une incertitude avec une petite bulle sur l’Espagne, une petite dépression due à la chaleur. Je pense que l’arrivée sera totalement imprévisible, avec un gros suspense. »
Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) : « C’est une course de vitesse jusqu’au cap Finisterre et il y a des empannages à placer : cela peut créer des deltas importants. Le final s’annonce compliqué puisque les fichiers météo du départ ne seront pas actualisés : il faudra être en forme dans la nuit de mardi à mercredi, mais peut-être aussi pour la suivante ! »
Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir) : « C’est une étape en quatre parties : la sortie de la Gironde qui ne se présente pas si compliquée que prévu, au près essentiellement tribord amure ; la traversée du golfe de Gascogne de largue au vent arrière dans du vent médium avec juste une courbure anticyclonique à aller chercher avec un empannage au milieu ; un cap Finisterre venté mardi après-midi mais c’est assez temporaire avec des manœuvres à caler ; une fin de course dans du vent mou sur 150 milles environ… »