Après cinq jours de course les deux ABN AMRO naviguent à vue, est-ce une coïncidence, où est-ce un choix stratégique de Team avant le départ de vous marquer le plus possible ?
Seb : C’est indépendant. En fait les plan Farr peuvent faire plus de vent arrière que nous, c’est pour cela que nous avons fait une option dans l’ouest. ABN AMRO ONE a fait pareil apparemment.
Pouvez-vous faire un point sur la vie à bord et le fonctionnement technique du bateau ?
Seb : Cela a bien commencé. On avait pas trop le choix, car ça a démarré sur les chapeaux de roue. Les quarts ont tout de suite bien marché. Dans la première nuit, on a eu pas mal de manœuvres à faire dans des conditions un peu musclées. C’est vrai que je voyais bien que tout le monde était fatigué au bout de deux jours, et qu’il ne fallait pas en demander plus. Mais cela c’est vraiment super bien passé. Le bateau est en bon, enfin… à peu près bon état. On a cassé des petites bricoles, mais rien de bien méchant. Mais c’est vrai que pendant deux jours, à l’intérieur, c’était un petit peu la guerre. Parce que le bateau était trempé, c’était assez dur de matosser ou de ranger. C´était difficile de marcher à l’intérieur du bateau… Quand tu étais pas couché, tu allais sur le pont, et inversement.
Physiquement, cela se passe bien. Par rapport à l’expérience du solitaire et notamment du Vendée Globe, qu’elle est la différence de sensation ? Est-ce plus reposant d’être en équipage ? Comment gérez-vous vos phases de repos ? La nourriture, etc… ?
Seb : Au début on a pas trop mangé, les deux premiers jours qui ont été un petit peu sévères comme mise en jambes, on s’est retrouvé tout de suite avec 35-40 nœuds de vent. Le rythme de sommeil et de nutrition n’était pas idéal. Maintenant ça va. C’est 4 heures sur le pont, 4 heures tu dors, 4 heures sur le pont, 4 heures tu dors… Mais ce n’est pas la folie non plus, on a trois repas chauds par jour. On peut manger ce qu’il faut. Maintenant, la vie à bord s’est très bien organisée. Il y a une super ambiance. Tout le monde est content, tout le monde a le sourire… ça papote, ça raconte plein d’histoires drôles. Il y a vraiment une super ambiance. Je suis agréablement surpris.
Et du côté d’AMRO ONE, comment va la vie à bord ? Avez-vous des problèmes particuliers ou est-ce que cela correspond à vos attentes ?
Sidney : On a eu en effet quelques petits problèmes particuliers. En ce moment, juste à côté de moi, il y a Tony (Mutter) qui est entrain de réparer une voile qui est partie en lambeaux, dès la première nuit. C´est notre code Zéro, qui est une voile importante pour nous. La deuxième nuit, le même Tony s’est fait projeter contre la barre qui a été endommagée. Jusqu’à aujourd’hui, on n’avait qu’une barre d’un côté. On a même dû mettre le système de gouvernail de secours à l’arrière pendant un moment, le temps de réparer. On a eu aussi Dave, sur la plage avant, qui s’est fait prendre par une vague et qui a été projeté contre la dérive. Il a une jambe qui ressemble plus à un poteau qu’à une jambe. Il a du passer près de 48 h sur sa bannette avant de pouvoir remonter sur le pont. Moi, je me suis fait projeter à l’arrière contre les bastaques, donc j’ai les côtes qui ont un peu souffert. C’est douloureux encore maintenant, même si ce n’est pas grave. Robert, lui est tombé, sur le pont et porte une atèle au bras… Pendant un petit moment, c’était un peu le bateau hôpital ! A ce rythme là, on s’est dit qu’il allait falloir qu’on commende des chaises roulantes à l’arrivée à Cape Town. Maintenant, cela fait deux presque trois bonnes journées qu’on est dans des vents plus classiques. Donc on a commencé à tout réparer. Cette après-midi, on peut recommencer à barrer avec la barre au vent qui a été préparée avec son piédestal. Tony est entrain de finir la réparation du Code Zéro… donc en ce moment on est à nouveau à 100% du bateau. Ce qui n’était pas le cas jusque là. Et puis, aussi, l’équipage reprend la forme !
Comme départ de course, vous avez trouvé cela comment ?
Sidney : C’était probablement un des départs de course les plus violents de toute notre carrière.
C’est toujours très humide. Est-ce que vous avez vraiment l’impression de vous prendre un Karcher dans la figure en permanence ?
Sidney : Non, plus maintenant. Mais au début, j’ai porté non stop un casque de pompier avec visière. Je suis très content d’avoir pris cela avant de partir parce ce que cela fait vraiment un petit espace de confort, avec toutes le vagues que l’on se prend dans la figure sans arrêt. Avec ce casque, on peut respirer, on n’avale pas d’eau de mer. Maintenant, ça va mieux, ce n’est plus humide. On est en short sur le pont et on fait route directe sur l’Ile Fernando da Noronha, notre première porte. On va assez vite , en ce moment on a 15-16 nœuds, et le bateau avance à 17-18 nœuds. C’est un plaisir d’avaler les milles aussi vite vers notre premier way point.
Que pensez-vous de ces VO 70 ? Avez-vous l’impression qu’ils sont vraiment poussés au maximum ?
Seb : C’est la première fois que je vois cela sur des monocoques. La première nuit on a fait des pointes à 36-37 nœuds. Sur un monocoque !!! Parfois tu vas à 25 noeuds et tu te retrouves à faire un surf à 35-37 nœuds et puis tu t’arrêtes à nouveau à 25 nœuds. Tu as le bateau sous l’eau. C’est des sensations que je n’avais connues avant en monocoque. C’était assez impressionnant. Je me demandais si on ne poussait pas un peu trop le bateau ou si c’était moi qui tirais trop dessus. Et puis, quand on a reçu les premiers pointages, en fait tout le monde allait à la même vitesse. Donc je me suis dis que c’était normal. On fait des moyenne de vitesse incroyable. La première nuit, on a du faire 23 ou 24 nœuds de moyenne sur 10 heures. A mon avis dans le Sud, il va y avoir des sacrées journées !
ABN AMRO TWO a-t-il été vraiment poussé la première journée quand il a établi le record de vitesse en 24h de cette course et qu’il a failli battre (à 26 milles) près le record de vitesse de Monistar (530 milles/24h).
Seb : c’est vrai on était très près du record de Movistar. Mais on a pas forcément poussé plus que cela. On a navigué un peu comme les autres, et on n’a pas eu trop de soucis. C’est tout. C’est juste que ces bateaux-là ont un potentiel incroyable. Je suis sûr que le record de 24h va être battu pendant la Volvo.
Dans cette Volvo, le TEAM ABN AMRO a des VO 70 dessinés par Juan Kouyoudjian, considérez-vous maintenant que c’est un avantage par rapport aux plans Farr ou est-ce encore trop tôt pour le dire ?
Seb : C’est un peu tôt pour le dire. On voit tout de suite qu’il y a des différences dans les angles au vent arrière, que les plans Farr descendent un petit peu plus facilement que nous, mais ils vont moins vite. Tout cela, c’est toujours une histoire de compromis. Nous, on navigue un petit peu plus serré par rapport au vent, mais on va plus vite, et les plans Farr naviguent un petit peu plus au vent arrière mais ils vont moins vite… Mais c’est sûr que dans le vent fort, sur ABN AMRO TWO, je ne me suis jamais senti mal. Le bateau est super sain. Il est très marin. Il a du volume à l’avant, à l’étrave, donc il n’a jamais trop plongé sous l’eau, deux ou trois fois peut-être, pas plus. C’est un peu trop tôt pour dire qui a l’avantage, des plans Farr ou des plans Kouyoumdjian, mais ce qui est sûr c’est que pour l’instant nos bateaux sont de bons bateaux.