Au sud du 36ème parallèle, les conditions se sont dégradées au fil des heures. Les dépressions orageuses de type méditerranéen n’ont clairement rien à envier à leurs cousines automnales de la façade Atlantique. Violentes, brutales, elles ont, qui plus est, une sale manie : celle de se creuser à l’insu des prévisions. Celle qui a cueilli la flotte ce dimanche n’a évidemment pas pris le soin de prévenir.
Il est 8 heures, le vent souffle à 18-20 nœuds, le soleil vient de percer, le temps d’un instant, l’épaisse couche nuageuse. Par 35°25 Nord et 19°54 Est surgissent deux monotypes. Ils sont bord à bord, et progressent à quelques longueurs l’un de l’autre au beau milieu de la mer Ionienne de mauvaise humeur. Les deux protagonistes à la lutte sont François Gabart (Espoir Région Bretagne) et Gildas Morvan (Cercle Vert), ils sont alors 4è et 5è au dernier classement : ils occupent les avant-postes de cette troisième étape entre la Sicile et la Crète.
Décor d’Atlantique nord ou paysage méditerranéen ?
Gildas Morvan, joint à la VHF plante le drôle de décor : « Moi, je suis venu pour le soleil et les paysages. On m’a trompé sur le voyage, je ne pensais pas retrouver la Bretagne ! (rires) Plus sérieusement, la dernière nuit a été très dure dans des conditions de navigation assez difficiles, c’était même un peu l’enfer. On s’attendait plus à avoir de l’ouest-sud ouest et nous progressons au louvoyage dans des vents contraires. Il n’est toujours pas évident de savoir ce qui va se passer. Les conditions restent très instables et je n’ai pas pu aller dormir. Mais, tout va bien à bord, l’option sud a pas mal payé. Je suis satisfait de ma position et je suis en bonne compagnie pour faire avancer le bateau le plus vite possible. »
Gildas et François sont désormais lancés aux trousses d’Isabelle Joschke (Synergie), qui n’a visiblement pas froid aux yeux et en a surtout vu d’autres. Issue du circuit Mini 6.50, Isabelle dispute sa toute première saison à la barre d’un Figaro Bénéteau. À 31 ans, animée d’un farouche esprit de compétition et riche d’un solide bagage au large, elle n’a pas tardé à aiguiser son talent. Elle a pris cette nuit le commandement et contient depuis une jolie clique de gros bras de la brise : Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles), Erwan Tabarly (Athema) ou encore le grand Gildas Morvan. Parmi ses poursuivants immédiats figure aussi Jeanne Grégoire (Banque Populaire), déjà bien connue pour ses coups d’éclat à la barre de son monotype.
Le ressort du nord
Pourtant, la menace vient d’ailleurs à présent : du nord d’où revient en force, depuis quelques heures, tout le petit groupe qui a privilégié les abords de la route directe plutôt que de tenter le diable d’une option radicale en Méditerranée. Ils tirent à présent profit des conditions qui leur permettent de ne plus se laisser distancer sur la route. Mieux, ils ont désormais quitté les bas-fonds du classement pour retrouver une position plus propice à de nouveaux rebondissements. Au relevé de 16 heures, Christopher Pratt (DCNS 97), Nicolas Troussel (Financo), Romain Attanasio (DCNS 62), Marc Emig (Capitol), ou encore Gildas Mahé (Le Comptoir Immobilier) ont repris des couleurs sous la grisaille. Ils ont d’ores et déjà réduit leur écart à une dizaine de milles. Forts d’une allure plus abattue, ils progressent alors à 7-7,5 nœuds, tandis qu’Isabelle et les siens affichent des vitesses de l’ordre de 6- 6,5 nœuds. À coup sûr, des bouchons sont à prévoir au passage de la porte d’Antikythira, que les premiers doivent franchir demain matin au petit jour. Un autre jour…