Depuis le passage de l’équateur, la marge d’écart entre la position virtuelle de Orange II et le placement réel de Groupama 3 joue au yo-yo : de 60 milles au Canaries, l’avance passait à plus de 200 milles au Cap Vert, 400 milles à l’équateur, 650 milles au large du Brésil, mais moins de 400 milles à Bonne Espérance, à peine plus de 300 milles hier et seulement 200 milles ce vendredi matin. Comme au casino, il est plus facile de perdre que de gagner et avec cette météo loterie, la roue a tourné dans le mauvais sens… Mais les hommes du trimaran géant font face et, s’ils doivent encore patienter une bonne demie journée, ils restent confiants dans les conditions à venir. Elles devraient permettre de glisser sur la longue houle d’Ouest de l’océan Indien dans une belle brise portante dès ce week-end. L’hémorragie est donc circonscrite et elle n’a pas laissé de séquelles dans le moral de l’équipage qui s’est fait surprendre cette nuit par l’atterrissage d’un passager clandestin…
Un albatros à bord !
« Notre route suit son cours, dans une mer toujours forte, mais qui se calme un peu. On est encore dans cette zone de houle pendant 24 heures, mais c’est mieux qu’hier. Il y a eu un passager clandestin dans la nuit : un albatros… Il s’est probablement posé dans l’obscurité et nous ne l’avions pas vu : il est resté jusqu’à ce matin ! On l’a lancé en l’air pour qu’il s’envole de nouveau. Il n’était pas trop gros, avait un beau bec jaune et des plumes toutes blanches. Peut-être a-t-il atterri parce qu’il était fatigué ou alors il s’est pris dans un hauban. Il ne pouvait pas repartir tout seul… C’est très sauvage et très rare de les voir atterrir. Mais on n’a pas eu le temps de le baguer ! » remarquait Franck Cammas à la vacation radio du jour.
Creuser à Crozet
Déjà au Nord des îles Prince-Édouard et Marion (47° Sud – 36° Est), Groupama 3 navigue toujours travers au vent et à la lame dans une brise d’une vingtaine de noeuds de Sud qui mollit lentement. En bordure orientale d’un anticyclone, Franck Cammas et ses neuf équipiers voient donc progressivement les conditions de navigation s’améliorer et ce sont des vents de secteur Ouest qui vont souffler pour le week-end en se renforçant. Encore situé sur le 39° Sud ce vendredi après-midi, le trimaran géant va enfin pouvoir incurver sa route vers le sud-est pour plonger entre l’île Crozet et l’archipel des Kerguelen et se recaler sur le 45° Sud. La distance gagnée sur le parcours sera donc rapidement plus courte puisque l’on fait le tour de la Terre en quelques secondes aux pôles, alors qu’il faut beaucoup plus de temps sur l’équateur.
« Le vent est compliqué en ce moment avec 15 à 25 noeuds en risée. On est sous deux ris dans la grand-voile et trinquette… On part à 28 noeuds sur une vague et en bas, on n’est plus qu’à 15 noeuds ! Le vent va devenir un peu plus stable dans la journée et l’on va commencer à se glisser un peu plus dans le Sud. Les vents d’Ouest reviennent dès demain jusqu’au Kerguelen où nous pourrons empanner… Il est tout de même inhabituel de faire du vent de travers pendant 50 heures dans l’Océan Indien… » confirmait le skipper de Groupama 3.
Ainsi, le rythme va de nouveau s’accélérer et ce pour un bout de temps car la circulation des dépressions sur le 45° Sud semble continue ces prochains jours. Certes la température de l’air va chuter, certes il faudra être encore plus attentif à la barre pour négocier des vagues plus abruptes, certes il va falloir bien jouer avec les rotations du vent pour effectuer le minimum de distance autour de l’Antarctique. Mais après cette « pause indienne » inattendue, l’équipage va réellement entrer dans le Grand Sud et ce, jusqu’au cap Horn… Changement de vie, changement d’ambiance, changement de ciel et surtout changement de braquet ! Contenant son écart à 200 milles, Groupama 3 devrait ainsi reconstituer son « coussin » d’avance car Orange II n’avait pas été si rapide que cela il y a trois ans jusqu’à l’entrée du Pacifique…
Ils ont dit
Franck Cammas, skipper de Groupama 3 : « En terme de confort et d’état de la mer, la situation s’améliore mais reste difficile, il faut s’attacher, il y a de l’eau sur le pont et il est très difficile de se tenir. C’est un peu le problème de ces conditions de navigation, elles font souffrir l’équipage et la structure du bateau […] ››« Il est très rare de pouvoir approcher un albatros, il avait un beau bec jaune et un corps superbe, tout blanc. C’était étonnant de le voir réagir comme un pigeon voyageur qu’on peut parfois trouver en Manche.»



















