Gildas a fêté ses 40 ans la veille du départ donné vendredi dernier à Vigo. Trois jours plus tard, il s’apprête à souffler 4 bougies, celle du nombre d’étapes remportées depuis sa première participation en 1993. Interrogé à La Rochelle sur son statut de « vétéran » et sur les vertus de l’expérience, celui que tout le monde surnomme affectueusement « le géant vert », répondait alors : « La différence réside peut-être dans la gestion de la course, dans ton départ, ton placement par rapport à la flotte, est-ce que tu vas être agressif ou pas… Il y a des moments clés dans chaque course et ceux là, il faut savoir les repérer. Ensuite, il ne faut pas les louper ».
En tête dès le cap Finisterre
Dans cette deuxième étape, le moment clé pour Gildas, celui qui lui a déverrouillé puis ouvert grande la porte de la victoire, a été sa stratégie le long des côtes espagnoles, lui permettant de sortir en tête au cap Finisterre, sur une portion de parcours déjà pointée comme une des premières difficultés de ces 575 milles de course sous spi. Le 1er août au classement de 4h00 du matin, le finistérien prenait les rênes de la course. Il ne devait plus les lâcher, réussissant toujours à maintenir un écart d’une dizaine de milles avec ses poursuivants.
Derrière, en revanche, les positions, n’ont cessé de valser. Et c’était encore le cas au moment où Gildas franchissait la ligne d’arrivée. Finalement, c’est le leader du général Nicolas Troussel qui prenait la 2e place un peu moins de deux heures plus tard, devant Christopher Pratt.
Le point au général : Troussel devant Morvan et Tabarly
A l’issue de cette deuxième étape entre Vigo et Cherbourg-Octeville, Nicolas Troussel (Financo) augmente légèrement son avance au classement général (avant jury) sur son dauphin… mais celui-ci n’est plus le même : c’est le vainqueur du jour, Gildas Morvan (Cercle Vert) qui se hisse à la deuxième place à 6h18’52’’. Erwan Tabarly (Athema) engrange les fruits de sa belle régularité aux avant-postes (4e à Vigo et 5e à Cherbourg) en prenant la 3e place provisoire au général, à 7h30’45’’ de Nicolas Troussel. Aux 4e, 5e et 6e place de ce même classement général, on trouve respectivement Frédéric Duthil (Distinxion Automobile) à 7h38’26’’, Christopher Pratt (DCNS 97) à 7h49’23’’ et Jeanne Grégoire (Banque Populaire) à 7h53’26’’. Il n’y a plus que des « gros bras » dans le Top Ten, réactualisé au rythme des arrivées en rubrique « classements » de ce site. Le grand perdant du jour est Christian Bos (Région Midi Pyrénées) qui était 2e au départ de Vigo et n’avait toujours pas passé la ligne d’arrivée de Cherbourg à 22h ce lundi.
L’Interview du vainqueur
Gildas Morvan (Cercle Vert) : « c’était à quitte ou double»
Sitôt après avoir quitté le ponton de la victoire, le vainqueur Gildas Morvan est revenu sur cette étape entre Vigo et Cherbourg-Octeville. Où l’on apprend comment Cercle Vert a créé un écart décisif en Espagne et comment son skipper a pris des risques sur la fin pour aller chercher les contre-courants du raz Blanchard dans les cailloux… où il a même talonné juste avant l’arrivée.
La première impression ?
« Content, bien sûr, ça fait toujours du bien une victoire ! Elle n’était pas facile celle-là, je me suis arraché pour aller la chercher, j’ai attaqué à fond. Trois nuits, quatre jours, et c’était chaud tout le temps avec le spi, les cargos, le courant… Je n’ai pas dormi ni la première nuit ni la dernière, mais bien la deuxième, j’ai essayé de bien gérer, de rester lucide pour bien réfléchir.
Ce coup décisif en Espagne, comment l’expliquer ?
Il y avait un petit truc à faire au niveau de l’Espagne, j’en étais persuadé : il fallait exploiter le vent qui était très sud au cap Finisterre, empanner et glisser. J’ai longé toutes les baies, négocié tout ce que je pouvais en accélérations de vent à la côte. J’y suis allé franco et j’ai eu jusqu’à 17 nœuds de vent quand les autres n’en avaient que 12 au large, où ils allaient parce que les routages disaient d’aller chercher la sortie de dorsale par là. Ensuite, quand le vent de sud-ouest est arrivé, j’ai réussi à me recaler devant et à chaque relèvement je gagnais du terrain. Je me suis dit c’est bon, j’ai continué franco encore. Ce qui est marrant c’est qu’en 1999, j’ai gagné ma première étape de La Solitaire sur le même scénario.
La pression des autres ?
J’étais parti pour faire ma course, bien concentré sur tout ce qu’il y avait à faire et en gardant ma trajectoire. On n’a pas la position des autres concurrents, alors ça m’a enlevé une épine du pied, un coup je perdais un mille, un coup j’en gagnais deux et au final j’ai réussi à augmenter mon avance.
L’arrivée sur le raz Blanchard, contre le courant ?
C’était à quitte ou double. Un moment je n’avançais pas sur le fond, je n’avais plus le choix, j’ai prévenu le bateau de la Marine Nationale que j’allais faire l’intérieur et j’y suis allé, à terre, j’ai rasé les phares, c’était hyper chaud avec des cailloux de partout… et au dernier caillou à La Plate, j’ai talonné avec le bateau. J’ai entendu un grand bruit mais c’était un risque à prendre, je n’allais quand même pas tout perdre juste pour ça, pour une histoire de courant juste avant l’arrivée. Mais jamais je n’ai navigué comme ça, aussi engagé, je ne voulais pas y aller mais franchement, là je n’avais pas le choix.
C’était engagé à ce point ?
J’ai pris des risques énormes en solo, quand tu dois tout gérer tout seul au milieu des cailloux, avec le bateau qui roule dans tous les sens. J’étais obligé, mais jamais je n’ai navigué comme ça, aussi grave. J’ai tapé mais c’est passé. Je me suis fait peur, mais encore une fois je n’avais pas le choix car ne pas passer c’était tout perdre, finir peut-être 4e ou 5e de l’étape. Au tour de France je l’avais déjà fait en équipage, j’étais déjà passé là et on avait déjà tapé. A Aurigny, ça déferait de partout, c’était super beau… et super chaud !
C’est la vengeance de Vigo ?
A Vigo c’était un peu dur car je n’étais pas très loin de Nicolas Troussel quand il a réussi à s’échapper et à l’arrivée c’était une grande déception : 8 heures de retard au général, la victoire pliée… Il a fallu se remotiver à fond. Je me suis dit qu’on n’était après tout qu’à mi championnat, qu’il fallait se concentrer sur la suite, que la course était encore longue. Et puis voilà, mission accomplie, je crois que j’ai gagné cette étape proprement. Après, combien ça fait en temps, on verra ça plus tard…
Tu reviens bien au général tout de même…
C’est sûr que je vais faire un bond en avant. Maintenant, on va essayer de prendre la prochaine étape comme celle-ci, essayer de la gagner et tenter de reprendre du temps à Nicolas Troussel. Ce qui est sûr c’est que je vais être énervé jusqu’au final à l’Aber Wrac’h. Les autres le savent, je les ai prévenus à la VHF !
BM