François Gabart a battu son record de vitesse sur son trimaran avec plus de 46 nds. Ce dimanche à 8 heures du matin, 22 heures après le début de sa tentative de record sur le tour du monde en solitaire, François Gabart empannait pour remettre son trimaran MACIF sur la route du sud après avoir glissé vers l’ouest. Avec, toujours, une quarantaine de milles d’avance sur la route du record au terme d’une mise en action quasi idéale.
Il y avait, dans les heures qui ont précédé et suivi le départ, quelque chose qui tenait de l’euphorie dans l’attitude de François Gabart. Branché sur haut voltage, regard perçant et sourire à transpercer la grisaille brestoise, le solitaire irradiait de la joie du cambrioleur devant une fenêtre ouverte au rez-de-chaussée de la Banque de France. Skipper des grands chemins, il allait pouvoir s’élancer dans des conditions météo sinon optimales, du moins très favorables avec, à la clé, un joli butin plein de bonnes sensations et de milles d’avance.
Les 24 premières heures de course ont donné raison à la cellule météo qui avait estimé intéressante la fenêtre météo de ce samedi : le Gascogne avait accepté de se laisser dévorer. Au large du Portugal, ce dimanche matin, le trimaran MACIF avait déjà englouti 685 milles, à une vitesse moyenne de 29,45 nœuds.
Tôt dans la matinée, le skipper de MACIF venait d’empanner, quittant sa route ouest pour pointer le nez vers le plein sud, avec une quarantaine de milles d’avance sur la trace de Thomas Coville, malgré un décalage à l’ouest, lorsqu’il laissa un petit message. « Je suis au large du Portugal après une journée de course, 22h, première journée incroyable, avec une traversée assez incroyable du Golfe de Gascogne à toute vitesse. Il n’y avait pas énormément de vent, mais pas trop de mer non plus, mais c’est surtout l’angle qui a fait la vitesse. Ça faisait longtemps que je n’étais pas allé aussi vite sur 12 heures, j’ai eu régulièrement des dizaines de minutes à plus de 40 nœuds. J’ai peut-être battu le record du bateau à 46 nœuds, il faudrait que je prenne le temps de vérifier. » Le dernier flash de référence du trimaran MACIF était de 45,12 nœuds…
Une bonne nuit et, soudain, la solitude
24 premières heures de cette qualité, cela se construit. Vendredi soir, après avoir donné un coup de main à son équipe pour virer les Glénan, François est parti se coucher, laissant au quatuor qui l’accompagnait le soin d’acheminer le bateau jusqu’à la ligne de départ. Nicolas de Castro, le consultant technique du team, était à bord. Il raconte les heures qui ont précédé le franchissement de la ligne de départ, samedi à 10h05. « Une fois passés ces 15-20 premiers milles, François est parti se coucher. Il a dormi toute la nuit, les conditions de mer étaient idéales pour rallier la ligne, et nous avons avancé un peu sous-toilés pour ne pas solliciter le bateau. François s’est réveillé un peu embrumé et puis, une heure et demie avant la mise à l’eau de l’équipe technique, nous avons travaillé le scénario de départ. Puis, d’un coup, les choses se sont précipitées : on gère les voiles, on passe toutes les écoutes, on amarre ce qui doit l’être pour la session de près, on ramasse nos affaires, on ferme les sacs, on vérifie qu’on n’a rien oublié, on s’équipe de nos combinaisons de survie, on se jette à l’eau, on est récupéré par la vedette de la SNSM. Et là, d’un coup, François est tout seul à bord, à devoir désormais tout gérer. »
Le Stiff, l’appel du large
Le tour du monde, Nicolas de Castro connaît. Tout jeune marin déjà très au fait des composites, il a couru – et remporté – le trophée Jules Verne à bord de Orange 2, de Bruno Peyron, en 2005. Croiser au large de Ouessant samedi a ravivé quelques souvenirs… « Plus que le phare de Créac’h, qui matérialise la ligne de départ côté France, c’est le phare du Stiff qui m’a marqué, et qui m’a rappelé que je suis passé dans le coin, en 2005. L’endroit est mythique. Personne n’oublie la tourelle du Stiff, qui flashe très loin dans la brume… »
Serait-ce le lieu idéal pour se demander si c’est bien rationnel d’envoyer un homme seul autour du monde sur une libellule de composite ? « Honnêtement, ce n’est pas une question qu’on se pose. On travaille énormément en amont pour que tous les éléments du projet soient rationnels. Nous n’avons jamais connu de problèmes avec ce bateau jusqu’à présent… Pour le reste, le choix de partir en solitaire, cela appartient à François, et nous lui faisons totalement confiance. » Euphorie, confiance, vitesse et énergie… Ce défi est parti sur de bien jolies bases.