Entretien avec Yann Guichard : “Ça va être très serré”

On a eu la chance de pouvoir parler ce matin avec Yann Guichard quelques heures après le passage du Cap Horn. Il nous livre ses premières impressions.

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Yann Gichard : On est ravi d’en finir du Pacifique. C’était longuet. On a eu beaucoup d’arrêts. Cela n’a pas été facile et pas simple à gérer. Dès qu’on avait de bonnes conditions, on était arrêtés par une dorsale. Mais on est devant au Cap Horn et on est passé à 4 milles de lui ce matin. Je vais aller faire mon petit pipi de Caphornier. On est content d’avoir pu le voir de si près. La mer est plate et les conditions magnifiques pour le passer. On est content d’en être arrivés là. On a tout notre potentiel pour la suite à part le foil.

On n’a pas connu la légende du Pacifique et ses grandes houles sauf ces dernières 48 heures où on a eu 4-5 mètres. On a été entouré d’albatros qui nous ont suivis. On est complètement décalés à bord avec les horaires, les heures de repas, le jour, la nuit. Je ne sais même pas dire quel jour on est. En plus quand on est descendu très sud, on n’a quasiment pas eu de nuit. Maintenant on va vers le chaud, c’est sympa après connu le froid ces trois derniers jours proches de l’antarctique où on a même eu de la neige sur le pont. C’est sympa de retourner dans le monde civilisé.

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Comment cela se présente la suite ?
L’objectif est de passer à l’intérieur. On va essayer d’attraper une dépression proche de l’Argentine qui va nous amener jusqu’au large de l’Uruguay où on aura un anticyclone à gérer. On s’attend à des conditions pas faciles en Atlantique Sud. C’est clair que l’on ne va pas aller aussi vite que Banque Populaire qui avait eu une trajectoire assez rectiligne. Déjà il faut sortir du passage du Cap Horn au près avec le vent dans le nez. On devrait avoir une dépression assez forte au large des Malouines.

On est encore dans les temps. On sera encore dans les temps à l’Equateur. Mais ça va être vraiment serré jusqu’au bout surtout dans les 7 prochains jours.  Au-delà des bateaux, c’est vraiment la météo qui nous guide. Le jour où on aura un bateau qui dépassera les dorsales on pourra descendre en dessous de 40 jours pour faire un Tour du Monde. Dans le Pacifique on a dû passer 7 jours derrière une dorsale. Ça ne sert à rien de buriner la nuit pour taper ensuite sur un système. C’est frustrant quand on ne peut pas faire grand-chose.

Quand est-il du foil et des performances du bateau ?
Les performances du bateau sont atteintes à tribord. On ne peut utiliser que la moitié le foil. On perd 3 à 5% en performance. Le foil sert à soulager le flotteur mais par chance, ils font 37 mètres de longs. On ne peut pas relever le flotteur complètement sinon on ne pourrait pas le redescendre. On fera avec dans les petits airs où il y a une petite partie qui traîne. C’est dans l’Indien que j’étais inquiet maintenant ça va. On  ne prend pas d’eau. On a surtout eu peur que la coque soit délaminée.

 

Le foil va diminuer nos performances surtout après le Brésil dans les Alizées s’il y a de la mer parce qu’il diminue le tangage. Cela devrait aller jusqu’au Brésil où on fera avec. On va faire un check complet aujourd’hui.

Ton meilleur souvenir ou pire souvenir ?
Passer le Cap Horn c’est quand même assez magique. C’était un moment sympa. Ça s’est bien passé. Dona a parlé avec le gardien du phare. Ca marque un mois d’aventure. Tout le monde était sur le pont et attendait ce moment. Je suis ravi de l’ambiance à bord. On a eu un Pacifique plutôt clément. C’était frustrant de pas aller plus vite mais on a repris 600 milles, c’est déjà ça même si on va les reperdre dans quelques jours. L’important c’est d’être dans le rythme. Mon rôle c’est de mettre le rythme, d’appuyer de temps en temps sur le frein pour freiner les ardeurs de l’équipage. C’est tellement facile d’aller vite sur ces bateaux.

Est-ce que le fait de naviguer avec IDEC change quelque chose ?
Non parce qu’on a toujours été devant lui depuis le début. Est-ce que cela change notre manière de naviguer ? Non mais on regarde ses performances. On regarde ce qu’ils font. Au départ, je disais c’est super de partir à deux mais en même temps après je me suis rendu compte que c’était se rajouter du stress supplémentaire. C’est le jeu. C’est sympa d’avoir passé 30 jours ensemble. Je pensais qu’on aurait pu faire le break dans l’Indien et ils sont revenus,  après je pensais qu’on aurait pu faire le break dans le Pacifique et ils sont aussi revenus alors qu’on butait sur des dorsales. On va voir comment cela se passe après le Cap Horn. Ces 48 heures prochaines vont être un peu le verdict pour savoir s’il recolle ou non et si on se retrouve à nouveau ensemble. On a fait un petit break avec lui et il est bloqué derrière le front. Mais c’est sympa d’avoir fait le chemin ensemble.

Comment cela se passe à bord avec Dona ?
Tout se passe bien à bord, cela fonctionne bien. Le rythme est bon. On est ravis. On passe ensemble le Cap Horn. C’est unique dans une vie de passer 30 jours en mer et passer le Cap Horn. C’est du plaisir partagé même si j’ai plus un stress matériel continu. La gestion du bateau et des hommes me préoccupe au quotidien.

C’est ta plus belle aventure ?
Je ne sais pas mais c’est une grande aventure. Mon plus grand défi c’était la Route du Rhum, mais passer les trois caps ce n’est pas anodin. On est avec des vieux loups de mer mais aussi des jeunes. Si c’était à refaire, ce serait la même équipe. Je suis ravie que cela se passe comme cela. L’équipage a su s’adapter, faire avancer le bateau. Avec eux ce sont des moments partagés, des émotions, des ambiances, des fatigues. J’arrive à voir les états d’âmes de tout le monde. C’est une aventure humaine extraordinaire.