Cette étape se jouera en deux phases. D’abord un grand bord de 242 milles entre les côtes espagnoles et le phare des Birvideaux (à laisser à tribord) situé au sud de Groix, puis un côtier le long de la Bretagne sud et du Pays de Loire jusqu’à l’arrivée à St Gilles Croix de Vie où les premiers sont attendus dans la nuit de mardi à mercredi. Ce programme court n’en demeure pas moins compliqué. D’abord parce qu’il manque quelques scènes dans le scénario météo.
242 milles au près sur un bord ?
La première partie semble claire pour tous : dans un vent de nord-ouest 10 à 15 nœuds, les concurrents devraient rejoindre les Birvideaux au près, bâbord amure, peut-être sur un seul bord. Un schéma bien lisse qui laisse présager une course de vitesse en ligne droite, mais qui n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. « Les petits chevaux de bois, ce n’est pas forcément plus facile » commentait ce matin Corentin Douguet (E.Leclerc – Bouygues Telecom). « Il y a toujours des petits placements qui peuvent permettre de gagner du terrain ». Et pour cause, selon la tendance générale de ce flux de nord-ouest, il sera judicieux d’être placé sous ou au-dessus de la flotte.
Un côtier pas coton…
Mais la grande inconnue reste à ce jour la météo prévue après le passage des Birvideaux, pour les 70 derniers milles de course. « On a du mal à donner une stratégie pour la deuxième partie de l’étape car les fichiers sont tellement divergents que la fiabilité n’est pas bonne. » commente Richard Silvani de Météo France.
Certains modèles donnent du nord-est, d’autres un flux de nord-ouest. Les concurrents seront bien sous spi, oui, mais de quel côté ? Iront-il chercher un vent favorable à terre ou en mer ? A ce dilemme, il faut ajouter les effets côtiers, la brise thermique, les courants, les cailloux, les pêcheurs, et les dangers isolés qui jalonnent cette route pavée de nombreuses îles (Belle Ile, Houat, Hoëdic, Yeu, Noirmoutier).
Comme d’habitude, sur le terrain de jeu instable de l’eau et de l’air, les coureurs devront faire face à des surprises de dernière minute. La seule certitude, comme le précise Gildas Morvan, est qu’il faudra arriver frais au phare des Birvideaux : « dès mardi matin, il faudra être au taquet. Il vaut mieux arriver reposé et les neurones bien en place car il y aura probablement des coups à jouer ».
Tout faire pour se refaire
Des coups à jouer, c’est bien ce qu’espère une grande partie de la flotte, laissée sur le carreau dans le sillage de Gérald Veniard, vainqueur à Santander. Le skipper de Scutum a déjà réussi à prendre une avance d’environ 25 minutes sur ses plus proches poursuivants Gildas Morvan (Cercle Vert), Charles Caudrelier (Bostik), Armel Le Cléac’h (Brit Air) et Yann Eliès (Groupe Generali assurances). Gildas Morvan n’a pourtant pas l’intention de se focaliser sur ses adversaires : « Je pars comme un mec qui est classé entre la première et la vingtième place. Jouer au régatier et contrôler mes adversaires, c’est fini. J’avais cette tendance avant, et ça m’a joué des tours. Je me concentre sur ma course et d’ailleurs je n’ai même pas le classement à bord. Regardez, vous pouvez fouiller mon sac, je n’ai pas le classement sur moi… »
Sixième au général provisoire, Jeanne Grégoire (Banque Populaire) accuse 54 minutes de retard, tandis que derrière elle, on passe le cap de l’heure. Quelques favoris, en retrait sur la première étape, vont certainement tout donner pour tenter de rattraper le temps perdu. Les de Pavant (Groupe Bel), D’Ali (Nanni Diesel), sans oublier Eric Drouglazet (PIXmania.com), relégué à 1h49’de la tête de flotte, ne peuvent plus se permettre une autre contre-performance.
Ils ont dit
Richard Silvani, Météo France : « des modèles pas fiables »
« La descente sur Saint Gilles risque de se compliquer. Les modèles ne sont pas d’accord. Autant pour la remontée les modèles météo sont bien calés, autant pour la deuxième partie il y a des divergences (entre les modèles américains, anglais, français et européens), donc on ne peut pas avoir confiance pour l’instant sur ce qui se passera dans cette dernière partie de course. Aux Birvideaux, un modèle donne de l’ouest et un autre donne de l’est… ça fait une sacrée différence ! »
Gildas Morvan (Cercle Vert) : « une étape pas si évidente »
« Pour l’instant c’est tellement aléatoire que je ne suis pas capable de dire avec précision ce qui va se passer côté météo. Mais à priori on part au près bâbord amures avec du nord-ouest. (…). Le doute c’est l’arrivée sur les Birvideaux, On est donc un peu dans l’expectative : il y a doute et qui dit doute dit du jeu sur l’eau… Celui qui trouvera la bonne trajectoire jusqu’aux Birvideaux sera dans le vrai, et pour peu qu’il passe avec le courant favorable et envoie le spi pendant que les autres remontent toujours au près avec le courant dans le nez, ça peut créer de gros écarts…
Nicolas Troussel (Financo, 21e) : « essayer de gagner »
« J’ai un peu moins de deux heures de retard au classement général, mais la course est loin d’être finie. Je suis bien motivé, là, et je vais essayer de gagner cette étape. Pour autant, je ne vais pas me lancer dans des options extrêmes, suicidaires, qui n’ont pas vraiment lieu d’être d’ailleurs, au vu de la météo qui donne une traversée du golfe au près, sur un bord. Pour moi, il s’agit de rester dans le match, de ne surtout pas perdre de temps supplémentaire par rapport aux autres. La course ne sera pas finie non plus à Saint-Gilles. Mais il peut y avoir du jeu après les Birvideaux, en redescendant et sans doute un moyen de regagner du terrain. En tout cas, je suis motivé ! »
Franck Legal (Lenze) : « Il peut y avoir des écarts »
« Ce sera sans doute un bord rapprochant en bâbord amure, suivi peut-être d’un refus aux Birvideaux où il y a une incertitude sur la bascule du vent soit à l’ouest soit au nord est. Il faudra bien se placer sur le plan d’eau et comme souvent ne pas se rater sur le départ, car ça risque de partir toujours par devant. Si tu prends ne serait-ce qu’un demi-mille dans la vue sur le parcours côtier devant Santander, tu risques fort de passer ton temps à essayer de te dégager pour avoir du vent frais, mais pendant ce temps là les autres s’en vont… Cette étape est bien moins simple qu’elle ne paraît sur le papier. Moi je crois qu’elle peut générer des écarts… »