Le passage du front orageux hier soir et les zig zag entre les rochers du Cotentin pour s’abriter du courant ont déjà fait quelques dégâts. Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir) est privé d’électronique et donc de pilote automatique. Cette deuxième étape risque de se transformer pour lui en chemin de croix. Plus grave, l’incident survenu à David Sineau (Britanie Cosmétiques) qui a talonné au petit matin juste avant le passage du cap de la Hague. Voie d’eau dans le bateau et demi-tour vers Cherbourg sous l’escorte bienveillante du PSP Cormoran de la Marine Nationale. Lorsque son Figaro Bénéteau a été levé à terre, David Sineau, dont c’est la première participation à La Solitaire, n’a pu que constater les dégâts : ses safrans sont à moitié détruits, il doit abandonner la course. Ils ne sont donc plus que 46 à batailler sur cette 42e Solitaire du Figaro.
Batailler, c’est bien le terme qui s’applique à une grosse moitié de la flotte, qui se tient en 4 milles à peine. Quant aux onze premiers, ils ne se sont pas quittés depuis le départ de Ouistreham il y a 24 heures. Cette nuit, les plus vaillants n’ont pas hésité à passer dans le champ de mines du Gros du Raz, étroit couloir qui permettait de s’abriter des courants contraires. C’était le cas de Jean-Pierre Nicol, pointé en tête au classement de l’après-midi. Le skipper de Bernard Controls, déjà sur le podium de l’étape précédente, commence à s’habituer à régater aux avant-postes. Mais sa position est fragile. A quelques centaines de mètres de son tableau arrière, quelques chasseurs de haut vol sont lancés sur ses traces : Jérémie Beyou (BPI), Frédéric Duthil (Sepalumic), l’excellent bizuth Morgan Lagravière (Vendée) déjà repéré pendant la Generali Solo, Erwan Tabarly (Nacarat), Eric Drouglazet (Luisina), Gildas Morvan (Cerce Vert), Laurent Pellecuer ( Atelier d’Architecture Jean-Pierre Monier), Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Thierry Chabagny (Gedimat) et enfin Frédéric Rivet (Vendée 1)…
Tout ce (beau) petit monde, séparé d’un mille en distance au but, s’est réparti en deux groupes distincts pour attaquer la remontée au près en Manche : Duthil, Morvan, Rivet et Pellecuer à l’Est contre Nicol, Beyou, Lagravière, Tabarly et Lunven à l’Ouest.
Pour viser Land’s End, la flotte s’est en effet étalée latéralement sur une bonne dizaine de milles (à noter la position extrême à l’Est de l’Anglais Sam Goodchild). Il y aura au moins un virement à effectuer avant de parer demain matin, la pointe Sud-Ouest de l’Angleterre.
Ils ont dit
Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) : «Je me sens bien dans le rôle de leader et j’espère bien que ça va durer… Cet après-midi, nous sommes plutôt dans une bascule lente du vent vers la gauche (vers l’Ouest) et dans les prochaines heures, il y aura une nouvelle rotation mais vers la droite (vers le Nord-Ouest).On devrait atteindre Land’s End (pointe extrême de l’Angleterre) dans la nuit, voire au petit matin… »
Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir) : « J’ai connu quelques galères : ça a commencé devant Ouistreham puisque je n’avais plus d’électronique du tout… Je n’ai pas lâché la barre depuis le départ, sans compter que le parcours côtier sous spinnaker, ce n’était pas simple sans pilote automatique ! En plus la nuit a été difficile sans informations sur la force du vent et sur la navigation. C’est tout « à l’ancienne ». En se rapprochant des côtes anglaises, la mer devrait se calmer surtout que le vent doit basculer un peu plus vers le Nord. On pourra alors se reposer un peu. »
Damien Guilllou (La Solidarité Mutualiste) : « On a eu un peu tous les types de conditions depuis le départ de Caen. Avec des grains violents au départ, une nuit noire avec beaucoup de virements à faire, et un passage au raz Blanchard tout juste à la renverse de courant. Après, on a eu pas mal de vent au débridé pour aller jusqu’aux Hanois et maintenant, on « plante des pieux » contre le vent et une mer formée. Et il y a énormément d’algues qu’on prend dans les safrans … Et je n’ai plus d’informations de ma girouette en tête de mât : je ne sais pas combien de vent il y a exactement, probablement 25 nœuds… »
Eric Drouglazet (Luisina) : « C’est assez jouissif au milieu des rochers et à l’intérieur du phare de La Hague. Mais de nuit, on ne voit rien, donc on se fait moins peur ! Actuellement on navigue bâbord et je pense qu’on va aller jusqu’aux côtes anglaises. Le problème, ce sont les algues : il faut souvent aller les enlever dans les safrans. On est un petit groupe ensemble et c’est pas mal : ça permet de se repérer et d’aller vite. »
Classement de 16h30
1 NICOL Jean-Pierre BERNARD CONTROLS à 292,20 milles de l’arrivée
2 BEYOU Jérémie BPI à 0,10 mille
3 DUTHIL Frédéric SEPALUMIC à 0,30 mille
4 LAGRAVIERE Morgan VENDEE à 0,30 mille
5 TABARLY Erwan NACARAT à 0,40 mille
6 DROUGLAZET Eric LUISINA à 0,40 mille
7 MORVAN Gildas CERCLE VERT à 0,60 mille
8 PELLECUER Laurent ATELIER D’ARCHITECTURE JEAN PIERRE MONIER à 0,70 mille
9 HARDY Adrien AGIR Recouvrement à 0,80 mille
10 CHABAGNY Thierry GEDIMAT à 1,00 mille