C’est pile au moment de la vacation radio quotidienne avec le trimaran géant, que celui-ci partait à la perpendiculaire de la route normale vers le cap de Bonne Espérance. Tout le monde à terre s’interrogeait sur cette « anomalie » après une trajectoire d’une pureté presque parfaite depuis l’équateur… La réponse était aussi simple et claire que la voix du navigateur de Groupama 3 qui indiquait que le vent commençait à trop mollir sur ce cap et que sous grand voile et gennaker dans treize noeuds de vent, la vitesse moyenne tombait à un niveau inacceptable ! Bref, la brise qui avait tourné au secteur Nord la nuit dernière perdait de la pression et obligeait l’équipage à s’enfoncer dans l’anticyclone de Sainte Hélène…« Nous venons d’empanner : tribord amure vers le Sud-Ouest, à 90° de la route directe. Cela nous éloigne du but mais nous permet de nous recaler dans le front chaud pour avoir plus de pression. Nous avons déjà 17 noeuds de vent, au lieu de 13 noeuds il y a une demi heure… En plus, c’est un très bon petit bord qui nous permet de gagner sur le routage. Nous serons dans le timing d’Orange II au passage de la longitude de Bonne Espérance, en conservant notre avance acquise à l’équateur » expliquait Yves Parlier.
Petit train… pour TGV
Ce petit contre-bord ne durait finalement qu’une heure et demie, le temps de retrouver de la pression et de rentrer dans le front chaud. En approchant des 40èmes, Groupama 3 va s’engager sur le « rail » du Grand Sud : « l’autoroute » va laisser place au « train »… de dépression qui circule sans discontinuer autour de l’Antarctique. L’objectif est donc d’attraper le bon « wagon » pour se faire porter le plus longtemps possible en avant du front de la perturbation. En effet, a contrario de l’hémisphère Nord qui est barré par des terres autour de l’Atlantique et du Pacifique, les latitudes australes ne sont pas perturbées par le relief (si ce n’est quelques îles confettis comme Crozet ou Kerguelen) tout autour du continent blanc. Seul un goulet d’étranglement de 300 milles sépare la Terre de Feu de la Terre de Graham, le passage redouté du cap Horn ! Une perturbation peut donc se créer sur l’Argentine, descendre sur les 40èmes, glisser sous l’Afrique et courir jusqu’au Sud de la Tasmanie, voir même revenir butter sur l’Amérique du Sud en se compressant dans le détroit de Drake… C’est pourquoi aussi, les perturbations du Grand Sud sont en général plus rapides que celles de l’Atlantique Nord et leur déplacement peut atteindre 25 à 30 noeuds Ce qui est justement la moyenne qu’aimerait conserver Groupama 3 !
« Nous cherchons à passer au plus près sous l’anticyclone de Sainte Hélène, donc dès que nous voyons que le vent baisse, nous empannons pour éviter de rentrer dans ces hautes pressions. L’autre bord nous fait retrouver du vent mais pas sur la route… Nous cherchons aussi à nous faire rattraper par une dépression qui va nous porter jusqu’aux 40èmes puis nous dépasser. Une autre perturbation nous poussera dans le courant du Grand Sud demain matin» complétait le navigateur de Groupama 3. Et c’est justement cette deuxième dépression qui va accompagner le TGV (trimaran à grande vitesse) bien au-delà du cap de Bonne Espérance, probablement jusqu’aux Kerguelen, voire plus !