Dans son sillage, 7 minutes et 11 secondes derrière, Gildas Morvan (Cercle Vert) et Laurent Pellecuer (Dr Valnet Aromathérapie) prennent les 2e et 3e place à 21 secondes d’intervalle, à l’issue d’une véritable bagarre de chiffonniers à quelques encablures de la ligne d’arrivée. Nicolas Troussel (Financo), leader du général est attendu dans environ 2 heures et devrait logiquement remporter sa deuxième Solitaire en trois ans.
On a beau avoir déjà vécu cette sensation unique de la victoire, c’est toujours formidable de remporter une étape de La Solitaire, surtout en abordant en vainqueur la Côte des légendes et le sublime pays des Abers. C’est peut-être le genre de chose qui vient de tourner dans la tête de Frédéric Duthil (Distinxion Automobile), tout à l’heure, au moment d’atterrir sur le plateau rocheux du Libinter, dernier écueil avant d’embouquer les alignements de l’Aber Wrac’h, y admirer les déferlantes qui bordent le chenal, les sublimes cailloux de l’île Vierge et enfin déflorer cette ligne d’arrivée à bout de forces et de sensations. Debout dans son bateau, les poings en l’air, Frédéric a crié sa joie au milieu des hourras des bateaux spectateurs et des canots de la SNSM venus prêter main forte à l’organisation et célébrer le vainqueur à coups de lances à incendie !
Avant cette arrivée à l’Aber Wrac’h, Fred avait déjà vécu ce bonheur immense à deux reprises : en 2007, il avait en effet remporté la première et la dernière étape à Crosshaven puis aux Sables d’Olonne, lui permettant de se hisser sur la deuxième marche du podium au général, juste derrière un certain Michel Desjoyeaux. Pas franchement un novice, donc.
Sur cette ultime étape, le morbihannais s’est retrouvé d’emblée dans un peloton de tête composé de 10 concurrents. Son option sud en début de louvoyage, en compagnie de ses plus proches adversaires, a été judicieux. Mais c’est surtout son excellente approche hier soir dans la série de virements de bords vers la fameuse bouée Britanny Buoy qui lui permet d’enrouler en tête et de prendre définitivement les devants. Gildas Morvan et Laurent Pellecuer terminent dans son sillage à l’issue d’un match racing endiablé devant les passes de l’Aber Wrac’h…
Entre ces trois-là les derniers 150 milles, à fond sous spi, depuis la bouée Brittany Buoy virée la nuit dernière a été superbe. Comme une délivrance des terribles 300 milles de près à planter des pieux dans la boucaille de Bretagne Nord, « le bord de près le plus rude de ma vie », a dit Duthil cette nuit.
Sur la ligne, les écarts entre ce trio sont dérisoires: Frédéric Duthil termine avec respectivement 7 minutes et 11 secondes et 7 minutes 32 secondes d’avance sur Gildas Morvan et Laurent Pellecuer. Le tout au terme d’un gigantesque parcours banane à travers la Manche d’abord puis le grand large Atlantique de la pointe de Bretagne : une première partie très rude, contre la mer et le vent et un bord de spi ultra rapide au plaisir inversement proportionnel. La nuit dernière à la bouée Brittany Buoy, certains sautaient de joie sur leur bateau d’avoir enfin escaladé la montagne et mérité ce grand schuss qui a donc vu Duthil, Morvan et Pellecuer se détacher en tête pour régler la victoire au bas de ce Tourmalet des mers.
L’interview du vainqueur de l’étape, Frédéric Duthil (Distinxion Automobile)
A peine arrivé aux pontons de l’Aber Wrac’h en fête, Frédéric Duthil s’est prêté de bonne grâce au jeu des questions-réponses au ponton où l’ont accueilli des centaines de spectateurs. Retour sur une étape de feu.
Fred, on imagine que celle-ci fait plaisir…
« Je suis super, super heureux ! Il a fallu aller la chercher celle-là ! Je me suis arraché, arraché, arraché… Il ne fallait rien lâcher, jamais, suivre les oscillations du vent en permanence, elle était bien plus compliqué qu’il n’y paraît, cette étape. Le bord de près était extrêmement long et dur, le plus rude de ma vie je pense. Psychologiquement et physiquement, il fallait tenir le coup… la mer faisait qu’il était indispensable de barrer et régler constamment, il fallait être très concentré. »
Mais au final, l’histoire est belle, non ?
« C’est rigolo : Nicolas (Troussel) gagne la première étape et va gagner le général, Gildas (Morvan) gagne la deuxième et va finir 2e et moi je gagne la 3e et je vais finir troisième. On en a bavé mais ce qui me rassure, c’est que je deviens vraiment régulier, cette saison je ne suis pas descendu du podium, je commence à devenir régulier, c’est le plus dur. Je pense que j’ai gagné en polyvalence, en régularité, en opiniâtreté. »
Le final à trois était épique. A quel moment as-tu compris que tu allais gagner ?
« A l’entrée au plateau du Libinter ! Non, en fait, environ 10 milles avant la ligne, quand on a affalé les spis. Jusque là c’était très chaud, très serré, ça l’a été toute l’étape d’ailleurs. Je voyais Gildas Morvan et Laurent Pellecuer juste derrière moi : ils me chassaient mais j’étais placé entre eux et la marque. Donc sauf casse, si je m’accrochais bien il ne pouvait plus m’arriver grand chose. C’est ce que j’ai fait. Je me suis accroché. »
En somme tu as fait comme en parcours olympique, tu t’es souvenu de ton passé de planchiste ?
« Un peu, oui ! C’est le plus long parcours banane de ma carrière ! Faire de la tactique sur une bouée au vent à 2 milles, a priori je sais faire… mais là c’est ce que j’ai fait sur 300 milles (rires) ! »
Que penses-tu de Nicolas Troussel qui devrait remporter cette Solitaire ?
« Le problème de Nico, c’est qu’il a un peu tué la course dès la première étape ! Nico a navigué super, super propre sur les deux premières étapes. Sur la première, j’étais avec lui quand il est parti. Moi j’étais naze et lui avait encore la force et la lucidité de tenter des petits coups, d’aller chercher des choses. Et cela n’a rien à voir avec la chance, ça s’appelle le talent. »
BM