La mer, ça creuse… Surtout quand elle s’ouvre totalement et que les reliefs perturbateurs sont derrière. C’est le cas ce mercredi après-midi où la première réelle échappée est en cours au large du cap Finisterre. Car si le différentiel est encore modeste, voire réduit, force est de constater que les vitesses affichées par les leaders sont bien supérieures à celles de leurs poursuivants. En fait, le vent était encore à la mi journée de secteur Ouest pour ceux qui ont longé de trop près les côtes espagnoles, alors qu’il basculait déjà au Nord Ouest plus soutenu pour ceux qui ont évité le plateau continental. A ce jeu, Peter Laureyssens (Ecover) a fort bien géré ce passage délicat en se maintenant à l’extérieur de la ligne de sonde des 400 mètres (soit à 45 milles de l’Espagne) et Olivier Cusin (NégaWatt) a été encore plus prudent en naviguant à plus de 75 milles des côtes.
Les deux solitaires sont donc en pole position pour la grande droite vers les Açores en se calant au vent du peloton, emmené par Andraz Mihelin (Adria Mobil Too) qui n’a pas réussi à incurver sa trajectoire suffisamment tôt. Et derrière, c’est la meute avec un paquet dense et regroupé qui comprend David Sineau (Bretagne Lapins), François Salabert (Areas Assurances), François Duguet (Crédit Agricole Skipper Challenge), Fabien Despres (Soitec)… et une bonne dizaine d’autres prototypes.
Duel chez les voiliers de série
La situation est encore plus claire pour les bateaux de production puisque les deux navigateurs qui se détachent inexorablement sont ceux qui ont paré très largement la péninsule ibérique : Hervé Piveteau (Jules) et Sébastien Marsset (Raisonances) étaient déjà pointés avec plus de dix milles d’avance sur Antoine Debled (ADD Modules), Thomas Bonnier (Architecture élémentaire) et le Portugais Francisco Lobato (BPI), eux aussi poursuivis par une armada de voiliers de série… Logiquement, ils vont toucher du vent de plus en plus favorables au fil de leur progression quasiment directe vers les Açores, avec une brise de Nord qui forcit de plus en plus en fin de journée, jusqu’à atteindre près de vingt nœuds dans la nuit.
Au vent de travers à plus de 7,5 nœuds de moyenne alors que les suivants ne progressent qu’à 6,5 nœuds, cela va agrandir l’écart à une vingtaine de milles jeudi midi… Et ça commence à faire lourd, surtout lorsqu’on sait que les conditions seront stables au moins jusqu’à vendredi soir !
Ainsi comme au Tour de France, l’échappée des deux ou trois leaders de chaque catégorie va être très dure à rattraper car il n’y a pas d’option particulière ces prochaines heures : ça déroule, cap sur l’archipel des Açores, ce qui va aussi permettre aux premiers de prendre un peu de repos en regardant dans le rétroviseur, afin d’anticiper l’atterrissage sur Horta qui s’annonce assez délicat. L’anticyclone des Açores se stabilise en effet en forme de haricot entre l’archipel et l’entrée de la Manche ce qui signifie qu’il faudra un moment ou un autre, le traverser. Cette zone de transition ne devrait être atteinte par les leaders que dans deux jours : sera-t-il coopératif ou formera-t-il un barrage qui ferait revenir le peloton ?
A bord des Minis, les têtes doivent déjà se projeter sur ce problème puisque désormais, le mauvais temps est du passé et le présent ne peut que s’améliorer. C’est toute la problématique de la course océanique : un choix tactique pris à un moment « T » entraîne en cascade une trajectoire presque obligatoire… On peut toujours anticiper l’avenir, pas revenir sur le passé !
Et rappelons un élément capital pour les courses Mini : les solitaires n’ont aucun contact radio avec la terre et ne disposent à bord que des prévisions météorologiques (fiables mais réduites) fournies par l’organisation des Sables-les Açores-Les Sables. Les concurrents n’ont en sus que leur classement en distance par rapport au but et non les positions des autres navigateurs… Il est donc très difficile de savoir ce que font les autres Minis et il faut donc se concentrer uniquement sur sa route ! Pas facile dans un volume habitable de trois mètres cubes ballotté par les flots et coupé (ou presque) du monde. Si encore le soleil était là, mais non : c’est la brume qui est au rendez-vous au moins jusqu’à jeudi soir… Brouillard dans la tête et brouillard dehors.
Les écarts vont se creuser !
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