Josse mène… mais la situation est complexe !

ABN AMRO 2
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L’idée fixe pour la flotte qui progresse par vent arrière à des vitesses de 17 à 19 nœuds est de ne pas hypothéquer, dès les six premiers jours de mer, la plus belle manche de cette course autour du monde, qui mène la flotte sur 6 800 milles entre Wellington et Rio en virant le Horn. Ce rocher mythique, frontière entre les océans Pacifique et Atlantique, a aussi sur cette étape une valeur mercantile puisque c’est la porte « à points » de cette étape.
 
Après un départ idyllique de Wellington, au portant, par 20 nœuds de vent, sur une mer plate, les concurrents sont tombés sur un « os ». Une dépression tropicale qui se dirige elle aussi vers la première « Ice gate » cause de nombreuses turbulences sur l’eau et dans les esprits. Deux options : soit passer en son nord, la version la plus risquée, soit passer dans son sud, une décision qui semble faire l’unanimité parmi les six VO 70. Mais naviguer au sud de cette dépression, par 52° Sud, possède aussi sa part d’inconvénients, car il est toujours possible que les vents évoluent différemment que ce qui prévu et que la flotte se retrouve avec 40 nœuds dans le nez pour remonter plein nord sur la porte située sur le 48° Sud entre les 143° et le 148° Ouest.
 
S’il ne fait aucun doute que ces deux Ice Gates constituent un élément indéniable de sécurité sur cette longue étape dans les mers du Sud où les glaces se baladent de plus en plus haut, elles compliquent les décisions des navigateurs.
 
Les tracés de route témoignent de cette complexité. Les hésitations sont manifestes et certains, comme ABN AMRO ONE, n’ont pas hésité cette nuit à empanner au sud quitte à abandonner (ils espèrent pour quelques heures seulement) le leadership de la flotte. Ils sont actuellement les plus au sud et progressent à une vitesse supérieure à celles des autres. Mais cette supériorité de vélocité tiendra-t-elle pendant ces deux jours d’incertitude ?
 
A bord de ABN AMRO ONE, Mike Sanderson analyse : «Ces Ice gates nous compliquent la vie et cela risque de tourner au cauchemar si la tempête tropicale nous donne rendez-vous au premier point de passage, comme cela semble se dessiner. On pourrait se poser la question de la passer au nord, mais cela semble trop risquer. Il semblerait que nous ayons tous choisi de rester au sud, avec le risque que la situation évolue différemment que prévu et que nous progressions vers les marques avec 40 nœuds dans le nez…Pas très confortable tout cela. »
 
Au dernier pointage, les nordistes sont mathématiquement les plus proches de la ligne d’arrivée à Rio et se retrouvent donc en tête. ABN AMRO TWO le plus au nord est donc logiquement en tête de la flotte mais avec la menace de se retrouver bientôt au centre d’une dépression, donc avec des vents faibles et l’obligation possible de devoir empanner pour se dégager.
 
Mais Sébastien Josse, en parfait accord avec son navigateur Simon Fisher, refuse de céder au mode « Panique » et à la tentation de  commencer à sillonner le plan d’eau du nord au sud. « La réponse viendra dans deux jours. Pour l’heure il faut surtout garder son sang froid, souligne le skipper français d’ABN AMRO TWO. Pour l’instant, la situation n’est pas vraiment claire et s’est pour cela que cela « tricote » un peu. Par exemple Brasil 1 qui était au sud hier est remonté au nord et ABN AMRO ONE qui était au nord a plongé au sud après avoir empanné. Pour l’instant, nous sommes globalement encore au sud de l’anticyclone. Mais que l’on soit positionné au  nord ou au sud de la flotte, il va falloir que nous coupions la dorsale, pour passer la première « Ice gate». Quand on aura coupé cette dorsale, le vent va rentrer 25-30 noeuds par derrière. Cela va aller vite après le petit passage cafouilleux que nous traversons actuellement. Pour l’instant nous avons de bonnes conditions de navigation. Nous n’avons pas encore enfourné et notre balcon avant bricolé à Wellington est toujours en place…. Lucas (Brun), le remplaçant de Gerd Jan (Poortman), a bien pris sa place à bord. Il s’occupe du pied de mât. Quand Scott (Beavis), il assure parfaitement son double rôle de n°1 et de chef de quart. A Wellington, j’ai été obligé de recadrer un peu les choses pour que l’équipage soit plus concentré, et évite les erreurs que nous avons faites lors de la dernière étape et qui nous ont coûté un équipier hors quart pour blessure pour deux étapes et une grand voile déchirée. Là, c’est super. L’ambiance est toujours aussi bonne, mais je sens que c’est plus studieux que les étapes d’avant. Le bateau est un peu plus silencieux ! Nous ne sommes pas encore dans le grand Sud. Nous avons vu quelques baleines au départ de Wellington et les seuls êtres vivants que nous croisons sont des pétrels et des albatros.  Nous avons de très belles nuits sur une mer encore relativement plate. Dans la journée, il fait encore assez bon et comme nous naviguons par 15-20 nœuds de vent arrière sur une mer plate, nous pouvons enlever nos hauts de cirés. La nuit, il fait par contre vraiment froid, peut-être 6° à 8 ° et l’eau doit être à 10-12 °. Alors nous gardons nos cirés, capuche haute. Normal, nous sommes tout de même par 51° sud. Pour cette étape, nous avons chargé une nourriture plus grasse, plus calorique avec plein de cacahuètes, des noix de cajou, des barres de chocolat, des soupes au vermicelle etc…. Pour l’eau, c’est toujours de l’eau dessalinisée. Comme nous en consommons plus de 70 litres par jour, en bouteille ce n’était pas possible. Sinon, côté moral, c’est super… mais je note quand même que cette étape est celle « qui rentre à la maison ».
 
Source ABN AMRO

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