La situation météorologique, pour ne pas être exceptionnelle dans cette région du globe, s’est révélée malgré tout particulièrement favorable pour Bernard Stamm et Jean Le Cam qui ont su, très habilement, croire en leur chance en accompagnant un système dépressionnaire venu du cap Horn qui a déstabilisé provisoirement les hautes pressions et ouvert un passage entre les deux centres anticyclonique, dans l’est de l’Argentine d’une part, sur Sainte-H lène de l’autre. On est revenu maintenant à une situation plus classique qui ne fait pas vraiment les affaires de Guillermo Altadill et José Muñoz, tout comme Anna Corbella et Gerard Marin.
Bien évidemment, cette nouvelle donne risque de mettre à mal les derniers espoirs des poursuivants de Cheminées Poujoulat qui, fort de son avance, va maintenant devoir trouver le bon équilibre entre la vitesse nécessaire à une vigilance accrue et la volonté de préserver un matériel usé par trois mois de mer. A bord de GAES Centros Auditivos, Anna Corbella et Gerard Marin ont visiblement décidé de prendre la situation du bon côté. En quelques heures, l’équipage catalan est passé des conditions hivernales des mers australes à un renouveau du printemps : températures en hausse, ciel bleu, possibilité d’aérer le bateau, de faire respirer les corps engoncés depuis trop longtemps sous plusieurs couches de polaires. Comble du luxe, Anna Corbella envisageait même une douche si les conditions anticycloniques se maintenaient. Plaisir rustique, le seau d’eau de mer renversé d’un bloc sur la tête, peut sembler la plus sophistiquée des récompenses.
Conditions musclées à l’ouest du cap Horn
De l’autre côté du cap Horn, ce n’est pas vraiment la même musique. Les quatre équipages encore en course dans le Pacifique Sud sont soumis au régime usuel des mers australes : vents forts, froid mordant, pluies fréquentes. Mais à moins de 1000 milles du cap Horn, les petits désagréments de leur vie d’ermites au fond de grottes humides et instables, font petit à petit place à l’excitation de savoir que d’ici peu, ils iront doubler le promontoire le plus austral de la Cordillère des Andes, l’île Horn, signe qu’ils auront validé leur ticket de sortie du Grand Sud.
Ils ont dit :
Anna Corbella (GAES Centros Auditivos) : « C’est compliqué, les prévisions météo changent toutes les 12 heures, ce n’est pas comme si la situation était claire. On ne sait pas quelle stratégie adopter. Les vents sont faibles et instables. C’est difficile de se donner un plan de route. Hier la température de l’eau est montée de huit à quatorze degrés en deux heures. C’est énorme. L’état de la mer a changé et le ciel est bleu. On sent maintenant la chaleur. On a pu enlever une couche de vêtement. Tout est plus facile, on sent qu’on a laissé le Grand Sud derrière nous. Ce sera difficile de revenir sur Neutrogena, ils ne vont pas ralentir, c’est évident. Nos vitesses sont très proches et ils ont 200 milles d’avance. D’autant que les prévisions ne nous sont pas favorables. La prochaine occasion, ce sera dans le Pot au noir où nous avons une chance.»
Aleix Gelabert (One Plant One Ocean &Pharmaton) : « On est impatient d’arriver au cap Horn, c’était notre objectif, on en a tellement rêvé. On est vraiment très enthousiaste. On a eu un peu de tout dans le Pacifique : des vents faibles, du près et du portant rapide. On a eu aussi quelques jours très froids. C’est vraiment un océan immense. Les meilleurs moments, c’est quand tu pilotes ces bateaux à fond dans de bonnes conditions. Les pires, c’est quand l’humidité s’installe à l’intérieur du bateau, que les conditions ne sont pas bonnes, qu’il fait froid dehors, que tout est inconfortable..»
Classement à 15h
Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 4528,9 milles de l’arrivée
Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 1206,7 milles
GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1355,9 milles
We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 3334,7 milles
One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 3545,6 milles
Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 4047,2 milles
Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 5632,5 milles