Jean-Pierre Dick dont c’était le 4e passage, a eu la fête gâchée par des conditions de navigation exécrables. D’abord il faisait nuit noire, mais surtout, il a été accueilli par une mer « démente », avec des vagues de face, secouant son bateau dans tous les sens. C’est donc un « Jipé » fatigué et un peu anxieux qui répondait ce matin au téléphone : « ce Horn, je l’ai passé intellectuellement, mais je n’ai rien vu. Et ce n’était pas très festif ».
Trois des treize solitaires naviguent maintenant en Atlantique. Un autre océan, presque une autre planète. Les marins s’y sentent d’avantage en sécurité car les terres ne sont jamais très loin. Mais ils renouent aussi avec des allures que détestent ces luges de mer que sont les 60 pieds Imoca : le près. François Gabart (MACIF) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) sont en plein dans le sujet. Sous l’influence d’une dépression argentine, ils naviguent au débridé dans un vent de nord-ouest de 25 nœuds et sous un ciel couvert. Leur remontée vers le Brésil sera une succession de petites dépressions et de transitions anticycloniques à négocier, comme autant de haies à franchir. Le jeu stratégique va s’ouvrir. Dick espère y trouver une opportunité pour réduire son retard.
Prochain cap-hornier en vue: Alex Thomson (Hugo Boss), attendu vers minuit à la pointe sud du Chili. C’est l’occasion de souligner la fantastique course que mène le marin gallois depuis le départ. Alex s’est maintenu en 4e position à bord d’un bateau d’ancienne génération, sur lequel il a dû réparer à deux reprises sa barre de liaison. Depuis le 11 décembre, après la casse d’un de ses deux hydrogénérateurs, il rationne aussi sa consommation d’énergie. Après trois tentatives infructueuses (abandons sur les deux précédents Vendée Globe et dans Around Alone), Alex est sur le point de doubler le Horn en solitaire, pour la première fois de sa carrière. A bord du bateau argenté, le moral est au beau fixe.
Les 15 prochains jours seront le théâtre d’un joyeux défilé au cap Horn. Jean Le Cam (SynerCiel) qui vient de respecter la dernière porte Pacifique, est le 5e marin sur la liste. Et derrière lui, il pourrait bien y avoir embouteillage.
Depuis plus d’une semaine, un nouveau groupe est en train de se souder. Profitant de conditions météo très favorables, Javier Sanso (Acciona 100% Ecopowered) et Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) sont venus recoller au tableau arrière de Mirabaud et Gamesa. Cheminées Poujoulat, après ces deux arrêts techniques, s’est aussi immiscé dans le quatuor. Aujourd’hui, ces cinq bateaux se tiennent en moins de 280 milles et pourraient bien franchir le cap Horn en l’espace de 6 heures, en tout début de semaine prochaine. De quoi raviver la flamme de ce petit groupe de chasseurs qui progresse en ce moment dans un fort vent d’ouest et une mer désordonnée. « On fait des surfs violents, c’est assez mouvementé » indiquait Dominique Wavre, toujours perclus de courbatures après un combat de 2h30 avec son gennaker, 48 heures auparavant.
Un même combat
Cette petite course dans la course fait rêver Bertrand de Broc qui aurait bien aimé être de la partie. En attendant de meilleurs augures, le skipper de Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets prend son mal en patience. D’autant qu’il devra se coltiner le gros anticyclone qui lui barre la route au niveau de la porte ouest Pacifique. Initiatives-cœur devrait passer cette porte avec moins de difficulté. En attendant, Tanguy de Lamotte a sorti son casque anti bruit. Des rafales à 45 nœuds malmènent le bateau rouge transformé en véritable machine à laver ! En dernière position, Alessandro Di Benedetto (Team Plastique), au sud de l’île Campbell, semble avoir résolu ses problèmes de pilote automatique. Pour tous, comme chaque jour, un seul et unique combat : poursuivre la course et finir par dégoupiller les fumigènes aux Sables d’Olonne. Bernard Stamm a l’espoir de la terminer classé : il a déposé ce matin une demande de réouverture de dossier auprès du jury.
Les chiffres
François Gabart (MACIF) a doublé le cap Horn le 1er janvier 2013 à 18h20 TU (19h20 heure française) après 52j 06h 18mn de course. Son temps de course entre le cap Leeuwin et le cap Horn : 17j 18h 35min. Le temps de référence pour cette portion du parcours reste détenu par Mike Golding en 2004/2005 en 16j 06h 26mn
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) a doublé le cap Horn le 1er janvier 2013 à 19h35 TU (20h35 heure française) après 52j 07h 33mn de course.
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3). Passage cap Horn : le 3 janvier à 04h42 TU après 53j 16h 40 mn de course.
Ils ont dit
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « On est en avant d’une dépression, sur zone on a 25 nœuds de vent, un ciel couvert et bien gris et une mer un peu formée. On avance de travers, ça s’agite un petit peu. Les conditions sont bien différentes d’hier, ça a bien changé ! Hier c’était calme, maintenant on va avoir ces conditions pendant une grosse journée, voire un peu plus. Mais on va bientôt faire cap au nord et avoir des températures plus chaudes. Pour le moment il fait encore un peu frais, il ne fait pas encore 10°C. Je pense qu’il y a des coups à jouer, le terrain de jeu est complètement ouvert. La météo n’est pas simple mais on va avoir un premier bilan au large du Brésil. »
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) : « Ça n’a pas été mon passage du Horn le plus simple ni le plus festif. Il faisait nuit, je n’ai même pas vu le caillou. La mer est absolument démente, le vent est d’une force dingue, de face, j’ai mal pour mon bateau. Depuis le passage de Drake c’est l’enfer. Je n’ai pourtant pas vu de vent fort de nord mais c’est un matin assez difficile. Dès qu’il accélère un peu c’est l’enfer. En plus, le vent a bien molli donc le bateau est un peu déséquilibré, c’est extrêmement désagréable. J’espère que l’Atlantique sud sera aussi sympa qu’à l’aller. »
Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) : « Je suis à 400 milles au sud de la Nouvelle-Zélande et pas loin de l’île Campbell. La mer est assez formée et le vent variable, de 16 à 35 nœuds en cas de rafale. J’ai partiellement résolu mes problèmes d’autopilote, ce qui était important pour pouvoir récupérer un peu de sommeil. Les safrans sont eux aussi en place. Un bout qui maintient la lame du safran tribord immergé avait cassé, j’ai donc dû ralentir l’allure, refaire le circuit et remettre la lame à l’eau. J’ai envisagé de m’abriter du vent à l’île Auckland ou Campbell, mais au final si rien ne se passe d’ici les îles, je vais continuer tout droit et attaquer la première porte Pacifique. »
Bertrand de Broc (VNAM avec EDM Projets) : « Maintenant que mon gennaker et ma GV sont bien établis et que je fais cap vers la prochaine porte, ça va ! Le bateau glisse, c’est calme, il n’y a pas de vague, pas de mer, à peine 1 mètre de houle, pas de bruit… J’espère que le petit temps qu’on va avoir ne sera pas trop pénalisant. Il n’y a pas beaucoup de choix, il faut aller chercher la porte en passant tout droit dans la bulle. Le bateau prend forme petit à petit, j’essaye d’en tirer le maximum ».
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 6589.1 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 38.6 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 337.7 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 650.2 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1913.6 nm
6 Mike Golding Gamesa à 2320.8 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2410.3 nm
8 Javier Sanso Acciona à 2523.0 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2593.3 nm
10 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 2596.5 nm