Pour Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron, solides leaders à bord de Virbac-Paprec 3, les heures à venir vont être tendues. Les deux navigateurs en approche de la porte des glaces au nord de l’archipel de Crozet, aimeraient bien savoir à quelle sauce ils risquent d’être mangés. La dépression subtropicale en provenance du sud de Madagascar va-t-elle les avaler tout cru, ou bien les dédaignera-t-elle pour d’autres cieux… En attendant, les deux navigateurs rongent leur frein : rangement du bateau, inspection attentive du gréement et de tous les points susceptibles de travailler dans le mauvais temps, prise de repos en prévisions d’heures plus difficiles. Attendre est parfois plus difficile que d’être dans l’action.
Et pourtant certains seraient prêts à échanger les angoisses du leader contre le régime auquel ils sont soumis depuis plusieurs jours. L’anticyclone qui s’étale à la pointe de l’Afrique, bloque les régimes d’ouest habituels aux latitudes où évoluent les monocoques de la Barcelona World Race. Les vents dominants de secteur est, obligent près de la moitié de la flotte à naviguer debout sur les portières. De 20 à 30 degrés de gîte en moyenne, le martèlement des vagues que vient cogner l’étrave toutes les quinze secondes, la propension du matériel à s’échapper du côté sous le vent du bateau, sont autant d’épreuves qui rendent la vie à bord pénible. D’autant que les carènes paraissent subitement d’une largeur indécente, quand il s’agit de s’agripper pour rejoindre la partie au vent, à l’intérieur d’une cabine le plus souvent dépouillée de tout aménagement.
Deux fois la route, trois fois la peine dit le dicton : pendant que les premiers filent en route directe vers les prochaines marques, tout un petit paquet de Neutrogena, septième à Forum Maritim Catala voit l’écart qui les sépare de la tête de flotte augmenter sans cesse. Dans ces conditions, l’humour semble encore une des meilleures armes pour lutter contre le découragement. C’est Dee Caffari (GAES Centros Auditivos) qui se plaint des promesses non tenues du catalogue de la Barcelona World Race, voire Wouter Verbraak et Andy Meiklejohn (Hugo Boss) qui soignent leur spleen à coups de tasses de thé.
Anciens de la Volvo Ocean Race, le tour du monde en équipage, Iker Martinez et Xabi Fernandez (MAPFRE) ont pu mesurer la différence entre une navigation en équipage intensive, à la rigueur toute anglo-saxonne, et le fait de pouvoir compter sur l’autre à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. La marche du bateau commande et si certains accumulent jusqu’à sept heures de sommeil par jour, comme actuellement Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron, c’est avant tout en prévision d’heures plus difficiles. L’entrée dans l’océan Indien marque le début d’une période où les impératifs de la course devront être compatibles avec le nécessaire repos dans des latitudes hostiles, la préservation du matériel et les contraintes de sécurité dans des mers vierges de toute présence humaine. La régate ne perd pas ses droits mais certaines priorités peuvent parfois être mises entre parenthèses.
Classement de 15 heures :
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 16 868,8 milles de l’arrivée
2 MAPFRE à 589 milles du leader
3 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 706,3 milles
4 GROUPE BEL à 727 milles
5 RENAULT Z.E à 874,5 milles
6 MIRABAUD à 1232,8 milles
7 NEUTROGENA à 1321,9 milles
8 GAES CENTROS AUDITIVOS à 1555,5 milles
9 HUGO BOSS à 1931,8 milles
10 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 2016,7 milles
11 WE ARE WATER à 2026,7 milles
12 FORUM MARITIM CATALA à 2141,3 milles