Round d´usure en mer Celtique

Départ de Dingle - Solitaire du Figaro
DR

L’étape des saigneurs, « avec un a » selon le bon mot de Michel Desjoyeaux (Foncia), débute comme prévu par un premier round d’usure en mer Celtique. Dans 15 noeuds de vent d’ouest-sud-ouest (au 255°) et une mer désordonnée donc pénible, les solitaires lâchent les chevaux. « Ils sont sous spi au largue serré. La mer est encore agitée d’une houle résiduelle qui demande de l’application à la barre. Ils n’ont pas beaucoup dormi dans ces conditions », résume Jacques Caraës, à bord du catamaran direction de course. Tangon dans l’étai, bateau sur la tranche, les yeux rivés sur les compteurs, une main greffée à la barre et l’autre qui régule l’écoute de spi, les 52 solitaires luttent contre le sommeil et font route vers Land’s End à vitesse soutenue : un peu plus de 9 noeuds de moyenne, des pointes à 11 ou 12. La moindre vague, la moindre accélération du vent doit être exploitée pour ne pas lâcher un mètre aux petits camarades. Qui la veulent – eux aussi – cette dernière Manche décisive.

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Duthil, Desjoyeaux et Mahé aux commandes

A une cinquantaine de milles dans le sud-est du Fastnet doublé peu après 22h hier soir, trois hommes sont en tête à égalité parfaite ce matin. Il y a là, bord à bord, Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom) et un certain Michel Desjoyeaux (Foncia) – tous deux prétendants à la victoire finale – mais aussi, sous leur vent, le leader d’hier soir Gildas Mahé (Banque Populaire). Tous trois affichent la même distance au but : 394,8 milles. Un demi-mille derrière ce triumvirat de gros bras, trois aspirants chevaliers celtes s’invitent au festin barbare : Aymeric Belloir (Cap 56, 4e), Thomas Rouxel (Défi Mousquetaires, 5e) et François Gabart (Espoir Région Bretagne, 6e). La jeune garde ne veut ni se rendre ni mourir. Elle ferraille avec panache et s’intercale pour l’instant devant un escadron d’autres grands favoris dont Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles, 7e à 0,5 milles) et Yann Eliès (Generali). Ce dernier est d’ailleurs déjà maillot jaune virtuel puisque pointé en 8e position à 0,6 mille, alors que son premier rival au général Nicolas Lunven (CGPI) accuse un léger retard, en 28e position à 3,1 milles. Mais ce n’est qu’anecdotique pour le moment car il y a quelques idées sensiblement différentes dans la flotte pour s’affranchir des 120 milles restant à couvrir jusqu’à la pointe anglaise de Land’s End. Comme des routages le laissaient présager avant le départ hier, certains dont Nicolas Lunven optent en effet pour une trajectoire un peu plus à l’Est de la route et il y a par exemple 5 milles d’écart latéral entre le leader au général Nicolas Lunven et son premier dauphin Yann Eliès. Prudence donc dans l’interprétation des classements. Avec 30 bateaux en 3 milles dont les 10 premiers en un seul petit mille et les minuscules écarts au général, tout le monde a encore ses chances. Surtout quand on sait qu’une panne de vent taille XXL est attendue en Manche. La relative fraicheur physique et la lucidité seront alors des atouts de premier ordre. Mais tous le savent et le répètent : même si c’est le pire moyen d’éviter l’épuisement, il faut tout donner dans cette dernière bataille. Tout. Hardi compagnons, c’est ce qu’ils font.
BM

Les échos de la mer :

Michel Desjoyeaux (Foncia, 2e au pointage de 4h30): « C’est un peu sport ! On est au largue sous spi, y a peu de vagues donc il faut border, choquer à chaque vague et si tu le fais pas les copains vont plus vite. C’était super joli devant les falaises, une belle descente mais un peu mou au Fastnet avec à peine 8 nœuds de vent. Il y avait quelques dissidents qui partaient sur les côtés du plan d’eau mais celui qui est parti à droite vient de revenir avec nous, donc ça ne passait pas plus que ça. La situation va être claire au passage de Land’s End, puis on devrait avoir du vent un peu mou jusqu’à Fairway… voire même jusqu’à Dieppe ! Pour le moment, je me concentre sur les réglages du bateau, sur la vitesse. C’est la dernière étape, il faut mettre toutes ses forces dans la bataille. »

Eric Drouglazet (Luisina, 10e) : « C’est top la descente du Fastnet, que du bonheur, de super conditions. Là, c’est tangon dans l’étai, glissades à 9 nœuds, pas de vagues sur le pont. Il y a entre 13 et 16 nœuds de vent, globalement stable, c’est une vraie course de vitesse. Les choses vont se corser dans le sud de l‘Angleterre, avec l’arrivée de la dorsale. Je suis à la barre, écoute de grand voile et hale-bas à la main, banane et bouteille d’eau à portée. Personne ne dort, on se reposerera quand le vent va mollir en Angleterre. Il y a beaucoup de monde, une belle visibilité et on croise quelques chalutiers. Je pense qu’on sera ce soir à Wolf Rock, vers 20h. »

Armel Le Cléac’h (Brit Air, 12e) : « Tout va bien à bord, les dauphins m’accompagnent depuis une demi-heure, ça glisse sous spi. Il faut barrer car il y a un peu de vagues donc des surfs à faire. On peut gagner quelques mètres… Très sympa à barrer, entre 15 et 20 nœuds de vent, cela nous permet d’aller vite vers la pointe de la Cornouaille. C’est une course de vitesse pour rejoindre la pointe sud est de l’Angleterre et ça va se compliquer ensuite. Il faut essayer d’être bien placé pour attaquer cette partie difficile du parcours. »

Isabelle Joschke (Synergie, 45e) : « La nuit est sympa après un départ pas facile, je n’arrivais pas à faire avancer mon bateau mais désormais je suis à la barre et tout va bien. Il fait plutôt bon, c’est agréable d’être sous spi, d’aller vite et de voir tout ces feux autour de moi. J’ai dormi 5mn car je ne tenais plus, il faut faire attention à ne pas se cramer tout de suite. J’espère que le vent tiendra le plus possible en force et en direction. Sur la pointe de l’Angleterre ça va mollir et devenir très compliqué. »

Matthieu Girolet (Entreprendre (Lafont presse), 44e) : « Le passage du Fastnet était super beau, conditions idéales ! La flotte est assez étalée mais il n’y a pas l’air d’avoir beaucoup d’écart. Il ne fait pas froid, c’est presque dommage que ce soit la dernière étape ! Notre sorcier de la météo, nous a dit que cela se passerait sur la fin mais de toute façon, il faut rester dans le bon paquet »

Arnaud Godart-Philippe (Senoble, 46e) : « J’ai pris un départ correct, un premier près pas mal et ensuite sur le bord pour sortir de la baie, j’ai pris une algue et perdu du terrain. Depuis c’est statu quo, ça ne bouge pas beaucoup au classement. C’était super chouette de passer le Fastnet au coucher du soleil, c’était la première fois pour moi. Il faut barrer tout le temps mais j’essaye de me reposer un peu. Il y a quelque petites rotations de vent à exploiter, c’est une question de mètres à gagner ou perdre. »