« Ceux qui disent que ce sera un long bord de près tout droit et qu’il ne s’y passera rien se trompent. En tous cas je ne suis pas de cet avis. En voile il se passe toujours quelque chose.» Gildas Mahé (Banque Populaire) donne la note : si de prime abord la météo apparaît moins passionnante qu’à l’aller, ce serait mal connaître le couple infernal Neptune-Eole que croire à un retour pépère, sans histoire. Que dit la météo, donc ? En substance que ce ne sera pas bien violent côté vent, avec 10 noeuds de secteur nord maximum sur toute l’étape. Mais elle dit aussi qu’au départ de La Corogne, un front pourrait bien perturber la donne : en clair, « on part sous une influence de sud-ouest, mais selon l’évolution de ce front, la bascule vers le nord-ouest puis le nord sera plus ou moins proche du départ. Et un moment de pétole n’est pas à exclure », préviennent en chœur Richard Silvani de Météo France et Jacques Caraës, le directeur de course.
Attention à la première nuit
Côté parcours, il n’y a pas de difficultés majeures : c’est une remontée classique du golfe de Gascogne, à cette nuance près que les 52 solitaires devront d’abord aller virer la bouée SN1 devant Saint-Nazaire, puis revenir vers Saint Gilles Croix de Vie en passant entre « La Sablaire » et Yeu, soit une véritable petite porte toute proche de la côte sous le vent de l’île vendéenne. Ces derniers milles sous spi, probablement dans un jeu d’empannages, pourraient bien se révéler très importants. Mais pas seulement eux. « En fait, la première nuit déjà sera décisive, pour s’extraire de la molle et trouver le bon couloir de vent » explique encore Jacques Caraës. Ensuite, si dans les grandes lignes il s’agit d’un long bord de près bâbord amures, « il y aura forcément de petites choses à jouer pour être en phase avec les oscillations du vent ».
Avec le podium en trente minutes et les vingt premiers en une heure, cette deuxième étape risque fort en tous cas de ne pas être neutre côté suspense. L’histoire récente a prouvé que ce parcours pouvait réserver de belles surprises, n’est-ce pas Messieurs Nicolas Troussel (Financo) et Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) qui collèrent « un caramel », comme ils disent à toute la flotte en 2006, « tuant » implacablement tout suspense pour le reste de l’épreuve. Les conditions ne semblent pas réunies pour pareil exploit, mais on sait bien que dans cette course il ne faut jamais jurer de rien par avance. Il y a assez de matière grise et de talent chez ces 52 marins-là pour s’attendre à autre chose qu’une remontée mollassonne vers la Vendée. « Une des difficultés sera la capacité à faire marcher le bateau de façon régulière dans le petit temps » assure Jacques Caraës, « et pour cela il faudra être à la barre et aux réglages de manière très assidue ». Ceci est a priori dans les cordes du leader Yann Eliès (Generali) et de ses dauphins Nicolas Lunven (CGPI) et Armel Le Cléac’h (Brit Air). Mais ils sont quelques autres – pour ne pas dire toute la flotte ! – à ne pas être particulièrement manchots non plus de ce côté-là. Et tous se disent « ça repart de là », l’expression consacrée dans le milieu pour se remotiver, ou bien après une déception sur l’eau, ou bien entre deux manches comme c’est le cas aujourd’hui. La Solitaire ce n’est pas une course, c’est quatre courses et on n’est après tout qu’au départ de la deuxième. Les hommes de tête savent que leur relative avance est tout sauf une assurance tous risques. Il faudra être fort, bien dans sa tête et son corps, en phase avec la météo et le bateau, le tout en ayant le soupçon de réussite qui transforme les belles trajectoires en victoires éclatantes. La routine, en somme.
BM
Echos des pontons :
Yann Eliès (Generali) : « dans une bonne spirale »
« J’ai eu un coup de fièvre cette nuit, mais ça devrait aller pour le départ. Je n’ai pas encore regardé toute la météo de cette 2e étape, mais ça a l’air assez mou et pas si simple. A priori, il va y avoir une première phase complexe pour quitter les côtes espagnoles. Ce n’est jamais évident avec les reliefs, surtout s’il n’y a pas beaucoup de vent. De mon côté, c’est mission accomplie pour l’instant : je devais être au départ, j’y étais et je gagne une étape. Ce n’est pas le moment de se mettre de la pression malsaine, de commencer à stresser. Il faut que je continue comme ça… et puis (en riant) gagner les 4 étapes. Je me sens dans une bonne spirale »
Gildas Morvan (Cercle Vert) : « ça va être les chevaux de bois »
«C’est du sud-ouest pour partir avec une petite transition dans la molle. Ensuite, ce sera assez les chevaux de bois. Il ne va pas se passer grand-chose. Il n’y aura pas forcément beaucoup d’écart à l’arrivée à Saint Gilles Croix de Vie. »
Gildas Mahé (Banque Populaire) : « se méfier des bords tout droit »
«Il y a encore un passage de front à négocier mais dans l’autre sens. On part a priori avec du sud-ouest mais qui tourne à droite jusqu’au nord. En espérant que je puisse me refaire la cerise. Ce sera d’abord sur un bord, mais il y a toujours des coups à jouer. Rappelez-vous en 2007, c’était un bord tout droit jusqu’aux Sables d’Olonne, mais à l’arrivée, il y avait plusieurs heures d’écart entre le premier et le 10e ou le 15e. Avec le front, il suffit qu’il y en ait un qui parte avec le vent, même sans grande manœuvre ou sans grande stratégie, ça peut faire des écarts sérieux… »
Thomas Rouxel (Défi Mousquetaires) : « une étape assez tranquille »
« J’ai cumulé toutes les erreurs possibles sur la première étape. J’ai déchiré mon spi dès le départ, après, j’ai raté une manœuvre. J’étais un peu déçu même si au final je ne termine pas si loin que ça des premiers. Donc ce n’est pas si grave. Pour la deuxième étape, je vais essayer de me rattraper, de me venger un peu. Elle ne sera pas très violente au niveau du vent notamment au départ. Ça va être une étape assez tranquille je pense. »
Alexis Loison (All Mer Ineo GDF Suez) : « rien n’est joué »
« Si on part derrière, c’est un coup à ne jamais remonter. Il faudra donc quitter La Corogne bien placé. Le bateau est bien en vitesse, il reste trois étapes et rien n’est joué. L’année dernière, à ce stade, j’avais 10 heures de retard sur Nicolas Troussel. Là, je n’ai qu’ 1h50, c’est mieux ! Sinon, je suis en forme. J’ai une super équipe qui s’occupe bien de moi et du bateau, j’ai pu me reposer tout le temps, il me tarde maintenant de repartir.»
Armel Tripon (Gedimat) : « un reset et on repart »
« Dans La Solitaire, à chaque étape, tu fais un « reset » et tu repars à zéro, avec la meilleure forme physique et psychologique possible. Je suis content de ma première étape avec un peu de frustration sur la fin, mais c’était un sac plastique pris dans les appendices, donc c’est plutôt rassurant, je n’ai pas de problème de vitesse. Du coup, ça met en confiance. C’est un peu nouveau aussi pour moi. D’habitude, j’avais toujours un peu de mal à garder le contact du groupe, ça me travaillait beaucoup. Du coup, j’ai bien bossé là-dessus. J’ai travaillé sur moi avec un coach et on fait du bon boulot tous les deux sur la manière d’aborder la compétition et sur moi, ce que je viens y chercher. »