
La deuxième étape de la Solitaire partie hier de Cowes a été longuement animée par Gildas Morvan tout au long des côtes anglaises. Yoan Richomme n’a pas lâché le bateau vert et les deux hommes sont restés longtemps devant. La flotte ne va pas tarder à enrouler la première marque avant de repartir vers la France. A son approche plusieurs groupes ont pris des options différentes; proche des côtes ou au large. Le résultat de ces paris sera connue en fin de soirée.
Pour Gildas Morvan, le soufflet d’une première étape ratée ne semble être qu’un vieux souvenir. Parti en trombe dans les eaux du Solent au départ de cette deuxième étape Cowes-Paimpol/Lézardrieux, tous les indicateurs sont passés au vert pour le skipper aux vingt participations qui a repris du poil de la bête. A croire que ce solitaire, toujours très jovial à terre, a mangé du lion pour se refaire une santé sur cette deuxième étape de La Solitaire Bompard Le Figaro.
Au coude-à-coude avec Yoann Richomme (Skipper Macif 2014), les deux solitaires donnent le tempo le long des côtes anglaises. « On a réussi à s’échapper un peu tous les deux , à toucher l’ouest-nord-ouest à terre avant tout le monde pour partir un peu », explique-t-il après le passage de Start Point, qui marque le début de cette échappée belle au pas de deux. Même son de cloche de la part de son partenaire de cordée qui renchérit : « Avec Gildas, on a eu un peu le même type de navigation, on a pris des risques en allant plus loin que les autres dans la baie, cela a payé ! Ce n’est que le début, mais mieux vaut être devant en ce moment. »
Un lundi au soleil.
Sur l’eau, si le soleil est de la partie, les caprices du vent qui a fait la girouette dans tous les sens cette nuit, obligeant à une veille de tous les instants, continue de déjouer les prévisions et de semer le trouble dans les esprits. « Je m’applique à aller vite. On n’a pas la météo qui était prévue avant de partir. Je sais qu’on doit avoir une bascule à venir. Après Wolf Rock, on sera de nouveau au près, peut-être un peu débridé, le vent va monter progressivement à 25-30 nœuds, on verra comme ça se passe », raconte Erwan Tabarly (Armor-Lux). Bien qu’il concède un peu de retard, le leader au classement général reste dans le coup sur ce début de deuxième round. Tout comme les Charlie Dalin (Skipper Macif 2015), Nicolas Lunven (Generali) et autre Thierry Chabagny (Gedimat), qui s’accrochent aux avant-postes sur ce début de parcours technique et tactique où la moindre erreur se paye cash.
Le jeune bizuth, Pierre Quiroga (Skipper Espoir CEM) en sait quelque chose. Légèrement décalé au sud, plus au large du relief escarpé des côtes du Devon, il n’a jamais pu se recaler. « Je ne voulais pas me faire piéger dans les dévents de Start Point et un petit décalage se transforme malgré moi en une grande option », concède-t-il. Dans le top Ten ce matin, le classement de ce début d’après-midi est sans appel : le voilà relégué en 27e position à près des dix milles des premiers.
Un mardi dans la brise
Il lui faudra cravacher pour rallier la bouée de Carn Base et le phare de Wolf Rock, les prochaines marques jalonnant le parcours jusqu’à l’entame de la traversée de la Manche. Après le phare qui balise le sud-ouest de Land’s End, où la tête de flotte est attendue vers 1h du matin la nuit prochaine, la course promet de changer progressivement de visage avec l’arrivée d’un coup de vent. Ce système dépressionnaire apportera son cortège de bruine, de pluie et de vents forcissant : 25 à 30 nœuds d’ouest, sud-ouest, 35 dans les rafales dans l’après-midi. Des conditions, qui augurent une deuxième partie de traversée de la Manche tonique et sportive au près débridé, mais qui devraient néanmoins faire le bonheur des gros bras de la brise.
La guerre sur l’eau.
Mais d’ici là, les 39 solitaires ne devront pas baisser la garde, autant pour déjouer les pièges et les embûches de ce parcours complet et complexe, que les imprévus qui jalonnent la route pour rejoindre les côtes bretonnes. Cet après-midi, à une petite vingtaine de milles du cap Lizard, la tête de flotte a croisé un navire de guerre de la Royal Navy en poste pour des essais de tirs que les deux premiers ont croisé au plus près avec la consigne de le laisser à tribord. Compréhensif, ce bâtiment a rapidement mis fin à son exercice militaire pour laisser la flotte de La Solitaire Bompard Le Figaro poursuivre sa route et sa course au gré des pointes et des bascules ponctuant la route. La guerre sur l’eau en mode compétition pouvait repartir de plus belle.
Ils ont dit au sud de l’Angleterre :
Gildas Morvan (Cercle Vert) : « Cela s’est bien passé sur le départ devant le Royal Yacht Squadron, j’ai réussi à faire des bons virements et à prendre la tête. J’ai réussi à creuser un peu sur les adversaires, ce qui m’a permis d’aligner un peu tranquille, de tirer les bords que je voulais sans être gêné. J’ai creusé un peu devant aux Needles et ensuite ça s’est bien enchaîné, les virements ont été assez espacés. Au début de la nuit, on avait entre 15 et 20 nœuds, c’était plutôt gérable et après en deuxième partie de nuit, le vent a molli. C’était très changeant avec des passages de grains, le vent tournait dans tous les sens et c’était moins évident. Il n’y a pas eu beaucoup de repos, juste une petite sieste à la barre. Le vent devrait mollir jusqu’à Wolf Rock, il va bien falloir jouer les bascules. Là, on est à 50 milles de Lizard (10h15, ndlr) et cela reste difficile de savoir à quel moment on va arriver à Land’s End. Je vais me faire un petit déjeuner, je n’ai pas beaucoup mangé. C’est l’heure des corn flakes ! ».
Yoann Richomme (Skipper Macif 2014) : « Je suis plutôt content de cette nuit, ce n’était vraiment pas simple. On est allé chercher un front au fond d’une baie et au final, ça a tourné bizarrement. Je ne sais pas trop ce qui s’est passé, on a dû faire plein de virements de bord, j’ai même envoyé le spi tellement le vent tournait dans tous les sens. Mais je ne me suis pas trop mal sorti de ce petit pot de pus, et Gildas (Morvan) aussi. On a un peu le même type de navigation, on a pris des risques en allant plus loin que les autres dans la baie, cela a payé.
C’est clair qu’on a bien étalé la flotte et qu’on a une petite avance confortable. Ce n’est que le début, mais mieux vaut être devant en ce moment. En revanche, on n’a pas tout à fait la météo prévue, c’est un peu bizarre. On devrait avoir un bord direct sur le cap Lizard. Mais il faut multiplier les virements et on retourne à terre voir si on peut attraper une bascule de vent. Pour aller à Wolf Rock, c’est assez compliqué. On n’a pas vraiment le vent prévu, il va falloir inventer et s’adapter.
Ce matin, on profite d’un bon rayon de soleil, j’espère que cela va durer jusqu’à ce soir. Cela fait du bien, cela permet de sécher, on s’est encore pris des bonnes averses cette nuit. D’autant qu’on va retrouver du temps pour la traversée de la Manche, et probablement jusqu’à la la fin du parcours.
Je viens de faire une petite sieste de dix minutes, je commençais vraiment à piquer du nez. Mais cela n’est pas évident d’y aller, le vent bouge beaucoup. Sur ce bord là, ça va, mais en tribord, le bateau tape dans les vagues, il faut presque être à la barre tout le temps. Ce n’est pas propice au repos. »
Erwan Tabarly (Armor Lux) : « Le départ du Solent s’est bien passé pour moi. C’était super, assez tactique avec beaucoup de manœuvres. Près de 24 heures plus tard, on est toujours au près et cela va durer jusqu’à Carn Base. Le vent a molli par rapport à hier, on a 10-12 nœuds, la mer est plate, il y a du soleil, cela nous change un peu ! Là, c’est plutôt agréable. C’est la journée de répit avant demain où on attend encore du vent et de la pluie, il faut en profiter ! C’est ambiance lunettes, chapeau et crème solaire, la totale. Je suis dans un petit groupe Nicolas Lunven et Charlie Dalin. Devant nous, deux bateaux se sont un peu échappés. Ils ont un petit peu d’avance, il ne faudrait pas qu’ils en aient plus. Je m’applique à aller vite. On n’a pas la météo qui était prévue avant de partir. Je sais qu’on doit avoir une bascule à venir. Après Wolf Rock, on sera au près, peut-être un peu débridé, le vent va monter progressivement 25-30 nœuds, on verra comme ça se passe. »