24 heures chrono

Frédéric Duthil - Solitaire du Figaro
DR

Finalement, Albion n’a pas été aussi perfide et la deuxième nuit en mer pas si compliquée que cela. Le vent n’a pas joué l’arlésienne et les 52 Figaro Bénéteau ont poursuivi leur course de vitesse sous les côtes anglaises, avec spi ou génois selon l’angle du vent. Le jeu des placements au vent ou sous le vent des petits camarades n’apporte pour l’instant pas de grande révolution au classement. Les gains et les pertes restent ténus, même si Michel Desjoyeaux (3e à 1,1 milles) se mord déjà les doigts d’avoir approché de trop près la baie de Lyme et ses vents tourbillonnants et qu’à l’opposé, Armel Le Cléac’h (4e à 1,9 milles) croit en sa bonne étoile au large du plan d’eau.
En tête depuis 36 heures, Frédéric Duthil (Bbox Bouygues Telecom), réputé comme un des coureurs les plus rapides du plateau, maintient la cadence sous la pression persistante de Charles Caudrelier Benac (Bostik), calé à 200 mètres de son tableau arrière. Plus loin, tous les pisteurs, dont le leader du classement général Nicolas Lunven (CGPI), à 2,4 milles, sont aux aguets.

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Derniers 112 milles sous haute tension

Mais pour l’instant, donc, le peloton se toise, dans l’expectative. « J’espère que le jeu va s’ouvrir et qu’on va pouvoir commencer à attaquer » souhaitait Yann Eliès à la vacation. Les vœux du skipper de Generali, 5e au dernier pointage, devraient être exhaussés dans quelques heures, quand la flotte mettra le clignotant à droite à la marque Fairway (à l’entrée du chenal des Needles). Ce grand tournant vers les rivages français pourrait aussi être celui de cette quatrième étape. Car les derniers 112 milles de traversée de la Manche seront ceux de tous les dangers. Un petit anticyclone va d’abord croiser la route des marins et provoquer un ralentissement général au sud de l’île de Wight. Avec pas ou très peu de vent et un courant contraire de 3 nœuds, le pire scénario se profile à l’horizon : celui de devoir mouiller pour ne pas reculer. S’ils échappent à l’obligation de jeter l’ancre, les solitaires ne couperont probablement pas à l’épisode de pétole et comme d’habitude, il s’agira d’en ressortir le premier. La suite se jouera au près dans un vent d’est faible à modéré qui basculera progressivement de 180 degrés vers… l’ouest. Pas simple à négocier !

Du suspense jusqu’au bout pour une photo finish ?

Au final, sur la ligne d’arrivée à Dieppe, il faudra sans doute sortir les calculettes. Car les 15 à 20 premiers du classement général provisoire sont aussi les 15 premiers de cette quatrième étape, mais rangés dans le désordre ! A ce stade de la course, ce serait même chaud-brûlant entre Frédéric Duthil, en tête, et Nicolas Lunven, actuel 8e. Ce dernier accuse 2,4 milles de retard sur Bbox Bouygues Telecom, soit une vingtaine de minutes : le temps qui les sépare au classement général ! Si les écarts restaient tels qu’ils le sont au pointage de 16 heures, le vainqueur de cette 40e Solitaire serait célébré pour quelques minutes ou quelques secondes d’éternité !
Mais ce petit exercice d’additions et de soustractions est à la fois vain et prématuré. Les 20 dernières heures de mer seront décisives. Et la gestion de course en amont cruciale. Gare aux stakhanovistes de la barre et à ceux qui auraient raté l’heure de la sieste. Dans ce final très tactique, la lucidité sera le meilleur ami des marins.

En attendant le verdict de cette Solitaire passionnante, l’atmosphère est estivale à Dieppe. Sous les hautes falaises de craie, un soleil radieux devrait fêter l’arrivée des valeureux coureurs. Ils sont attendus dans le port normand demain mercredi à l’heure du café…
C.El

Ils ont dit :

Erwan Tabarly (Athema) : « c’est loin d’être fini »

« La flotte est de nouveau assez groupée, à vue les uns des autres. On a des bonnes conditions : entre 10 et 13 noeuds de vent de sud, à la limite entre spi et génois. En tous cas il fait beau et c’est agréable. Après mon départ de Dingle un peu catastrophique j’ai mis du temps à revenir. Mais, aux alentours de la 10e place, ça devient très dur de pouvoir remonter. J’essaie de revenir, mais ce n’est pas facile ! Je pense qu’il devrait y avoir des coups à jouer car entre Fairway et l’arrivée on devrait avoir du près, des bords à tirer sur plus de 100 milles. Généralement dans ce cas-là il y a du jeu et ça fait des écarts… mais au niveau des pronostics je me suis pas mal trompé depuis le début, donc on va arrêter ! C’est loin d’être fini, même si j’aurais aimé être un peu plus devant. »

Michel Desjoyeaux (Foncia) : « j’ai tenté un peu le diable »

« J’ai tenté un peu le diable en essayant de faire une route sous le vent pour éviter le courant principal. Malheureusement, il y a une rotation du vent que je n‘avais pas prévue. Autant au milieu du bord je pense avoir gagné du terrain sur Bostik et Bbox Bouygues Telecom, autant au final je pense que je vais en perdre un peu. Vu qu’il n’y a pas d’écarts, il faut bien tenter des choses. D’un coté tu gagnes, d’un coté tu perds et c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. Il y a une petite ‘moumougnette’ sur les cartes météo pour commencer la traversée de la Manche et on peut s’attendre à des petites surprises pendant la nuit. Côté sommeil, ça devrait aller pour tenir la dernière ligne droite. Je n’ai pas le classement général comme ça je ne m’en préoccupe pas. J’essaie de faire de mon mieux en n’hésitant pas à prendre quelques risques, comme j’ai fait dans la baie. »

Yann Eliès, (Generali) : « j’espère que le jeu va s’ouvrir »

« Le problème est qu’il n’y a pas beaucoup de coups à jouer. Les places sont un peu figées. J’ai tenté ma chance cette nuit à terre mais j’ai été un peu extrême et j’ai perdu cent mètres. Ça se joue à de tous petits coups de détail, j’aimerais bien que le jeu se relance pour pouvoir tenter un peu la gagne parce que pour l’instant je suis derrière. J’espère aussi qu’il n’y aura pas de passage à niveau à Fairway, parce qu’on va y arriver à la renverse. Pour l’instant on taille la route, on avance et on verra bien au bout. On y croit… ça va se jouer à la minute, cette histoire ! »

Nicolas Bérenger (Koné Elevators) : « je dois cavaler pour revenir »

« Ca va beaucoup mieux qu’hier soir et même qu’il y a 24 heures. Sur cette Solitaire, à chaque fois j’ai fait de très mauvais départs et ensuite je dois cavaler pour revenir. Là, j’ai fait une bonne nuit, je me suis bien recalé mais dès que c’est tout droit je me fais déposer, je me suis fait doubler par Bernard Paoli… j’ai un vrai souci de vitesse cet été. Dans la traversée de la Manche, une belle bascule de vent est prévue au programme, il y aura plusieurs virements à faire aux bons endroits. J’espère que je vais être plus malin que les autres à ce moment là mais ce n’est pas gagné ! J’ai réussi à dormir, donc je suis assez frais finalement. »

Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « il faut attaquer un peu »

« Cette nuit je suis resté plutôt au large. Je me suis donc un peu écarté du paquet vu que la flotte est allée chercher les effets de pointes, plus proche de la côte. Moi, je fais ma course.. j’essaie de trouver les meilleures options pour aller le plus vite possible vers Dieppe. (…) Il faut attaquer un peu si on sent bien les choses, ne pas rester à la queue-leu leu les uns derrière les autres, sinon il ne se passera pas grand chose ! Sur le long bord de plus de 100 milles pour traverser la Manche, on aura peut-être du vent de face, donc il y aura encore des choses à faire d’ici l’arrivée. Je viens de passer de petit spi à grand spi et je suis en forme pour les derniers 130 milles avant l’arrivée.»

Nicolas Lunven (CGPI) : « il peut encore se passer des choses »

« Déjà, je suis content d’être revenu sur les petits copains, partis sans moi de Dingle, et qui m’avaient laissé à la traine. La flotte est très étalée en latéral. On verra ce que ça donne aux Needles et après, il peut encore se passer des petites choses. C’est sous spi un peu ouvert, c’est sympa, ça va vite et tant mieux, car ça nous aidera à passer le jus au niveau de Portland Bill où le courant est fort. Il faut rester prudent, car il peut y avoir des grosses différences d’angle sous spi et donc de vitesse. Armel Le Cléac’h par exemple peu accélérer… sinon, ça fait du bien de voir le soleil qu’on n’avait pas beaucoup vu sur cette Solitaire ! »