Franck Cammas et son équipage ont payé leur écot à l’Indien et peuvent désormais investir dans la durée… Pendant que Orange II montait et descendait comme les cours de la Bourse autour du 45° il y a trois ans, Groupama 3 entame une belle parabole vers les sommets écumants des ondes maritimes. Le temps de l’oreiller s’achève, voici venir l’édredon… d’avance ! Car dans les heures qui suivent la vacation radio de samedi midi, le taux de croissance du trimaran géant va s’envoler alors que l’équipage de Bruno Peyron avait perduré dans des fluctuations incertaines jusqu’aux Kerguelen… Patience est mère de sûreté et les navigateurs vont enfin pouvoir doper leurs actions et ne plus économiser leur peine pour aligner des chiffres avec plusieurs zéros à la fin… Car Franck Cammas et ses neufs équipiers vont emprunter une voie plus productive au bénéfice d’un CAC 24 (calcul anticipé de célérité sur 24 heures) qui culminera à près de 600 milles quotidiens pendant toute la semaine…
Clignotant à droite
Après avoir encaissé les attaques d’une mer peu fraternelle sur la hanche, après avoir souffert dans ce vaste shaker dû à la combinaison d’une très forte houle venue du Sud et d’une brise anticyclonique très variable, les choses se sont stabilisées depuis ce début de week-end : la brise prend lentement de la droite et Groupama 3 peut enfin glisser plus vite, plus loin et plus bas vers les Kerguelen. Une dépression va en effet venir apporter son lot de pluie, de nuages, de baisse de température, mais surtout de vent, une brise passant d’abord au Sud-Ouest 20-25 nœuds, puis à l’Ouest 25-30 nœuds dimanche matin, revenant au Sud-Ouest 35-40 nœuds en fin de week-end… Accrochez vos cirés, ça va mouiller et sérieusement monter dans les tours !
La route sur le 40° Sud que Groupama 3 a dû subir depuis son passage devant le cap de Bonne Espérance, va donc s’incurver lentement vers le 50° Sud afin de raccourcir sa distance à parcourir autour de l’Antarctique. Mais d’ores et déjà, Franck Cammas et ses hommes ont franchi la barre du premier tiers avec plus de 8 000 milles au compteur, alors que les conditions météorologiques n’ont pas été particulièrement favorables. Mais combien donc font trois fois seize jours ?
Interview de Sébastien Audigane, deuxième barreur
« L’océan Indien est fidèle à sa réputation : cela fait trois jours qu’on joue à saute-mouton. En ce moment, il y a une mer très dure, de face, et on a du mal à avancer. Mais on arrive tout de même à somnoler et à se reposer durant les quarts de stand by. Donc l’un dans l’autre on récupère, mais c’est certain qu’il est difficile de bien dormir … Normalement, d’ici une dizaine d’heures, on devrait toucher des vents d’Ouest. On essaye à la barre de freiner le bateau qui a tendance à accélérer à la moindre risée afin de ne pas bondir sur les vagues : c’est assez difficile et ça ressemble un peu à un rodéo ! Yves a réussi à réparer la cloison centrale du bras arrière mais il reste quelques finitions et les vagues n’arrangent pas les choses. L’état de la mer complique la vie à bord (manger, se déplacer, se reposer, rester en veille…) et ce n’est pas une sinécure. On reste très solidaires malgré ces conditions dures. C’est la deuxième fois que je passe dans l’Indien et ce n’est jamais innocent ! On est confrontés à des mers très difficiles et il faut lever le pied pour préserver les hommes et le bateau. Mais voir un albatros d’aussi près comme hier, met un peu de plaisir et d’émotion dans ces journées un peu viriles… Cela fait un moment que je n’ai pas regardé la position de Orange II : notre préoccupation principale est de sortir de cette zone de houle de Sud et de retrouver des vents portants pour regagner tout le potentiel de Groupama 3 ! Le bilan médical est plutôt positif : il n’y a que quelques irritations de la peau…Mais il faut faire attention en ce moment avec les conditions de mer que nous avons.»