1295 miles d’avance pour Thomas

Thomas Coville entame son 28è jour de course en solitaire. Le voilà au pays de la Grande Solitude. Ses positionneurs lui disent qu’il a déjà couvert la première moitié de l’Océan Pacifique. Ses routeurs l’informent qu’il en est aux deux tiers de son impossible voyage. Mais la mappemonde donne d’autres sortes d’informations. Perdu dans son immensité, ce solitaire est bien plus éloigné de la première âme humaine que les spationautes de la Station Spatiale Internationale.

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Les occupants de l’ISS sillonnent l’espace à 400 kilomètres de la surface terrestre. Et ils naviguent en équipage. Thomas Coville n’a d’autre compagnie que lui-même. Il est beaucoup plus isolé. Les premières terres habitées émergent à 2 500 kilomètres en arrière sur sa gauche, ce sont des poussières d’îles baptisées Australes. Pitcairn, l’île des descendants du Bounty, se trouve à 3 000 kilomètres sur son avant gauche. Wellington, la capitale de la Nouvelle Zélande, est à 3 500 kilomètres dans son dos. L’Ile de Pâques à 3 700 kilomètres en haut à gauche. Et la côte chilienne à 4 500 kilomètres devant lui, soit en gros la distance de Paris à Terre Neuve. Les premiers du Vendée Globe ? Ils luttent, 9 500 kilomètres derrière lui…

C’est comme s’il était seul sur Mars. On a beau chercher, se tourner vers l’inaccessible Antarctique, tout en bas, il n’y a pas âme qui vive à l’horizon. Pour simplement apercevoir une silhouette humaine, depuis l’endroit où il se trouve, il faut couvrir des distances si grandes qu’elles ressemblent à des trajets dans la galaxie. Heureusement, il va si vite que l’endroit où il se trouve n’a pas vocation à le rester. Son immense trimaran taille sa route, imperturbable, à travers les infinis d’une planète liquide si lointaine qu’aucun Etat, n’a encore réussi à la revendiquer. Sodebo Ultim’ ne fait qu’y passer, vif comme un météore, étirant derrière lui un triple sillage qui dit seulement : « Je reviens de là-bas. »