Kito de Pavant est en sécurité à bord du navire Marion Dufresne II. Il a pu être récupéré à 2h du matin.
Par chance le Marion Dufresne II était à 110 milles de la position de Kito au moment où celui-ci à lancer son appel. Le navire de ravitaillement des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) a alors accéléré pour rallier au plus vite le monocoque dont la quille risquait à tout moment de se désolidariser totalement, mettant en danger la vie du skipper. Alors que la nuit tombait sur zone, le navire a rejoint Bastide-Otio vers 17h30 (heure française) et est entré en contact radio avec Kito de Pavant qui a pu décrire la situation alors que le vent soufflait encore à une trentaine de nœuds sur une mer très agitée.
Commandant Duduit (Marion Dufresne II) : « Nous avons récupéré Kito de Pavant avec notre semi-rigide ce matin malgré une météo qui était encore assez agitée avec force 6-7 et de gros creux. Nous avons pu mettre notre pneumatique à l’eau et nous l’avons récupéré sur son bateau. Nous sommes arrivés sur zone vers 16h30 TU et la nuit tombait.
Nous étions en contact visuel et par radio VHF avec Kito de Pavant mais avec la nuit tombante et du gros temps, il était impossible d’intervenir tout de suite sachant que le skipper maîtrisait encore la situation à bord de son bateau. D’un commun accord, nous avons décidé d’attendre le lever du jour pour mettre notre semi-rigide à l’eau et venir le chercher. Il nous a décrit sa situation : il avait une voie d’eau maîtrisée et nous étions d’accord que si son bateau chavirait suite à la perte de sa quille, nous allions le chercher dans son radeau de survie. Nous avions des contacts réguliers avec lui, ce qui lui a permis de dormir un peu. Ce matin, la situation a commencé à s’aggraver car le niveau de l’eau est monté. Kito de Pavant a donc été récupéré directement par notre semi-rigide et embarqué à bord du Marion Dufresne II : il est fatigué et surtout très déçu d’avoir dû quitter la course et son navire… Un médecin l’a pris en charge. »
Kito de Pavant (Bastide-Otio) : « J’ai eu de la chance dans mon malheur ! Le Marion Dufresne était sur zone et il n’y est que quatre fois par an… Les conditions étaient mauvaises et en fin de nuit, je n’arrivais plus à étaler la voie d’eau. Les planchers flottaient : ça a été dur de quitter mon bateau et de l’abandonner au milieu de nulle part, ça me fait mal au cœur de perdre le bateau. Mais c’était la seule solution parce que je n’avais quasiment plus d’énergie pour les pompes et je ne pouvais pas recharger les batteries puisque le moteur était sous l’eau… Une bonne partie de la coque est très endommagée puisque le fond de coque est parti avec le palier arrière de la quille. Et le vérin de quille a déchiré la coque sur plus d’un mètre : c’était sinistre de voir le bateau dans cet état-là. Ça devenait trop dangereux pour moi… Je suis donc sur le Marion Dufresne II qui est en route vers les îles Crozet, puis les Kerguelen, Amsterdam : je suis pour trois semaines sur le navire de ravitaillement des TAAF. Ce sont des régions que je ne connais pas et je vais donc faire le tour de ces îles désolées. Le choc a été très net, très fort : je marchais entre 15 et 20 nœuds avec 25-30 nœuds et une mer formée. J’étais prudent, pas trop rapide, très abattu pour être en phase avec le vent. J’ai tapé quelque chose, je ne sais pas quoi, mais j’ai entendu un gros bruit sec et j’ai tout de suite pensé à quelque chose de dur. Mais en regardant à l’arrière du bateau, je n’ai rien vu ressortir. Peut-être que ce que j’ai entendu était le crash sur le bateau… Le choc a cassé la partie arrière de la quille et de la coque à ce niveau-là et le palier arrière est parti. Quand je suis allé voir, la quille était encore accrochée, mais après avoir enroulé la trinquette (J-3) pour ralentir le bateau, la quille est descendue d’une dizaine de centimètres. Cela n’a fait que s’aggraver : je ne pouvais pas intervenir. J’ai viré de bord pour changer de cap afin de remonter vers le Nord, mais rapidement, j’ai compris que le bateau ne pouvait plus avancer. J’ai affalé la grand-voile et j’ai appelé la Direction de Course… Le Marion Dufresne était heureusement à 110 milles dans mon Nord car l’autre alternative, c’était Louis Burton qui était à deux jours de ma position ! Il serait arrivé demain matin… C’est terrible de laisser le bateau sur place parce que je perds beaucoup et les conséquences seront lourdes : c’est la première fois que je perds un bateau… Moralement, je suis assez marqué, physiquement, je n’ai rien. »
Kito de Pavant faisait le point sur la situation hier soir :
« – vers 8h TU, j’ai percuté un OFNI, dur, car le choc a été très sec et brutal
– Le bateau s’est arrêté net puis a repris sa route
– les safrans n’ont rien touché et sont intacts
– un craquement au niveau de la quille m’a tout de suite alerté
– le palier arrière de la quille a subi de gros dégâts
– je roule la voile d’avant pour ralentir le bateau
– quand je retourne voir l’état de la quille, elle ne tient plus que par son palier avant. Le palier arrière a disparu avec un bon morceau de fond de coque
– puis, elle finit par glisser de son palier avant pour ne tenir quelques dizaines de centimètres plus bas que par la tige de vérin
– avarie donc très grave, impossible à réparer et potentiellement dangereuse pour ma sécurité…
– en effet, petit a petit, la tige de vérin déchire la coque vers tribord jusqu’à ce que la tige soit à la verticale
– le puits de quille lui-même est gravement endommagé occasionnant une voie d’eau, heureusement contenue dans le compartiment du moteur
– le puits de vérin est également ouvert aux abysses et l’eau menaçait de remplir les autres compartiments à l’arrière, notamment celui des batteries
– c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de changer de cap
– le bateau dérive à sec de toile vers le Sud-Ouest à 3 noeuds environ
– il y a sur zone 30 noeuds de vent et 5/6 m de creux. L’eau est à 5°C.
– la situation ne me permet pas d’envisager une autre solution que d’évacuer le bateau
– le risque de chavirage est trop important
– et surtout, je ne peux déplacer le bateau au risque de détériorer encore la situation
Vous imaginez sans doute mon désarroi, ma déception sur cette course, décidément maudite.
Je suis sincèrement navré pour toutes les personnes qui ont cru dans ce projet ; Bastide Médical, Otio-Groupe HBF, tous les partenaires Made in Midi, Elteans, Quadran et la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, tous les amis, les fans de plus en plus nombreux, la famille, l’équipe Sixteam, etc.
Je ne vous explique pas à quel point c’est dur d’imaginer qu’il va falloir que je quitte le bateau, avec toute l’énergie que cela a demandé depuis 2 ans et demi.
Mais bon, d’abord la vie, ensuite le reste… »