Thomas Ruyant s'entraine à bord de LinkedOut pour le Vendee Globe au large de Groix, France, le 1 Juin 2020. (Photo Pierre Bouras / TR Racing
Thomas Ruyant est passé devant cette nuit favorisé par un positionnement plus à l’est mais surtout après avoir avalé 511 milles en 24h. Le record jusqu’à maintenant sur ce Vendée Globe.
« On se tire la bourre ! C’est stimulant mais à la fois on se met une belle pression tous les trois. Je suis content d’être là où je suis, dans le trio de tête, il fallait être là en ce moment, c’est important de ne pas avoir de retard maintenant » confiait entre deux bâillements Thomas Ruyant (LinkedOut) ce matin à la vacation de 5h sans savoir encore qu’il venait de prendre la tête du classement. Une nuit de récupération profitable et un réveil programmé bien à l’heure pour répondre à la vacation : la classe quand même ! Le sympathique marin du Nord avait pour autant le cerveau bien en place pour expliquer la stratégie à venir : « La situation est à la fois classique mais pas simple à négocier. Le couloir de vent sous l’anticyclone de Sainte-Hélène n’est pas large pour passer. Ce qui est sûr c’est qu’il faut aller s’engouffrer là-dedans, essayer de tricoter le mieux possible. A partir de demain fin de journée, il y a aura pas mal de manœuvres, on va rentrer dans le dur de ce sujet ! ».
Derrière, le long des côtes brésiliennes, une course-poursuite est lancée et les bizuths de ce long marathon qu’est le Vendée Globe sont pris de vertige. Treize jours de course déjà dans les bottes et encore 20 000 milles à parcourir ! Depuis leur passage de l’équateur, les IMOCA naviguent bâbord amures dans les alizés de Sud-Est sans changements de voiles donc et sans manœuvres particulières. Un côté monotone presque pour Maxime Sorel (V and B – Mayenne) : « Je n’ai pas l’habitude, on va être sur le même bord pendant plusieurs jours. C’est la première fois que ça m’arrive d’être aussi longtemps sur le même bord. Je pense que c’est une étape à franchir sur le Vendée Globe, je me rends bien compte maintenant de la durée de l’épreuve. »
Le petit gars de l’île d’Yeu qui rêvait de tour du monde depuis sa tendre enfance est dans le même état d’esprit et profite un maximum de sa position de 11e dans la flotte au coude à coude avec Damien Seguin sur Groupe Apicil. Benjamin Dutreux (OMIA- Water Family) vit un rêve éveillé, lui qui n’est jamais descendu plus bas que Salvador de Bahia : « La côte sud-américaine est immense ! C’est sûr qu’on va rester longtemps sur le même bord, mais j’ai Damien qui m’agrippe bien la culotte, le match est sympa, pourvu que ça dure ! » racontait-il à 5 heures entre deux bouchées de muesli au chocolat et prêt à faire cuir son dernier œuf.
On notera la progression toujours soutenue de Sébastien Simon sur Arkea Paprec qui continue cravacher.
Jean Le Cam lors du convoyage en direction des Sables d'Olonne, pour le départ du Vendée Globe 2020 (Photo Chris ASKOLL).
Jean Le Cam continue de nous régaler et lui aussi : “Je ne peux pas rêver mieux, non ?!” Il tient tête, ce n’est pas une surprise pour ce skipper de cette trempe. Bateau sans foils, à dérive droite oui, mais aussi ultra expérimenté et régatier dans l’âme. Le skipper finistérien a beau faire rire au travers de ses vidéos cash et sans détours et être le doyen de la course, il reste dans le Top cinq au large du Brésil, 13 jours après le départ du Vendée Globe. Un triple vainqueur de la Solitaire du Figaro qui prend le départ de son cinquième Vendée Globe ne se laisse pas abattre face à des concurrents affamés.
Jean Le Cam caracole dans le trio de tête jusqu’à prendre le leadership trois jours durant, dans les dépressions qu’a du traverser la flotte du Vendée Globe. Il adopte une trajectoire parfaite en passant au plus près du centre de la dépression Thêta. Poursuivi de très près par Benjamin Dutreux (Omia – Water Family), 3è, il contrôle les foilers jusqu’à naviguer dans le régime d’alizés. Au bon plein sur une mer apaisée, YesWeCam! avance “comme une balle” mais ne peut pas rivaliser avec le foiler Hugo Boss d’Alex Thomson qui grignote les milles jusqu’à lui ravir la première place. Pour Jean le Cam, ce n’est de toute façon que du bonheur. Il fait cap plein sud, le bateau va bien, il met de la distance avec ses poursuivants non foilers. Il franchit l’archipel du Cap Vert quelques heures après le leader, lundi 16 novembre, alors que Corum L’Epargne de Nicolas Troussel démâte. Situé le plus à l’Est de la flotte, Jean se débat dans des champs de sargasses, ces algues envahissantes. Si le Pot au noir, cette zone de convergence entre les hémisphères nord et sud, s’annonce assez simple à franchir, il n’en est pas moins imprévisible. Le skipper de YesWeCam! annonce des conditions de navigation délicates, sous des grains chargés. Jean Le Cam entre dans l’hémisphère sud 10 jours, 10 heures et 12 minutes après le départ des Sables d’Olonne, un temps qui ne lui est pas étranger… Lors de son précédent Vendée Globe, en 2016, YesWeCam! effectuait le même parcours dans le même temps, à 5 minutes près, en 10 jours 10h 17′. Il accusait alors un retard de 1 jour et 3 heures sur le leader de la flotte en 9è position. Quatre ans plus tard, en 4è position, son retard n’est que de 10h 13′. La preuve s’il en faut que Jean Le Cam et sa monture sont plus compétitifs que jamais.
Les jours à venir ne seront pas simples à la bordure d’une bulle anticyclonique, avant de plonger vers le Cap de Bonne Espérance. Bien qu’il ait perdu du terrain sur les trois premiers, il avoue “Je ne peux être que satisfait, dans une situation parfaite”. Et quand on lui dit qu’il est très populaire, que son équipe reçoit des messages par centaines rien que pour lui, il ne cache pas son plaisir !
Les mots de Jean Le Cam : “Il fait chaud, c’est sympa, ça va durer encore 3 à 4 jours, avec du vent. La mer est parfaite en bordure d’anticyclone. Dommage que l’on ne fasse pas de portant avec du vent arrière, mais on ne peut pas tout avoir ! Je ne peux pas rêver mieux, je suis super content ! C’est parfait d’arriver au large du Brésil après 12 jours de course, en 4è position parmi 33 bateaux dont 18 foils. Actuellement, les conditions sont parfaites pour eux, à 90/110 degrés du vent. Ca va encore être une course de vitesse pendant 2 à 3 jours, on va se faire distancer. Quand on marche à 16 nds, les foilers avancent à 20 nds, et encore, ils annonçaient des vitesses supérieures avant le départ de la course. En fait ils ne sont que 3 foilers devant moi… Mais finalement ma course se situe avec les non foilers. Mes gros clients sont Omia-Water Family (Benjamin Dutreux) et Apicil (Damien Seguin) à plus de 200 milles derrière moi. L’anticyclone est très bas, la bulle anticyclonique est importante. Il va y avoir un peu de mistoufle à un moment ; on va voir comment ça se passe…”
Premier abandon de ce Vendée Globe sur démâtage, Nicolas Troussel et son IMOCA Corum L’Epargne ont rejoint le Cap-Vert au moteur. Arrivé à Mindelo, Cap-Vert, jeudi après-midi, après 3 jours de navigation au moteur, Nicolas y a été rejoint dès vendredi par une partie de la CORUM Sailing Team aux côtés de Frédéric Puzin, fondateur de CORUM L’Épargne.
Un retour en France est prévu en début de semaine suivante pour le skipper, tandis que l’équipe technique va s’occuper du bateau. Il va être chargé sur un cargo dans les prochains jours, avant d’être rapatrié en Bretagne d’ici un mois.
« Sport mécanique », « risque de casse », « part de chance ou de malchance ». Autant de qualificatifs de la course au large qui viennent rappeler le côté pas toujours cartésien de la discipline, lui-même amplifié par tout ce qui distingue les terriens de ces héros des océans. Aux trente-trois hommes et femmes présents sur la ligne de départ de ce Vendée Globe 2020, nul besoin de le rappeler : ils et elles connaissent mieux que quiconque les règles du jeu.
Parmi eux cette année, Nicolas Troussel a pris le départ de son premier tour du monde à bord du monocoque CORUM L’Épargne, un bateau dernière génération mis à l’eau en mai dernier et expérimenté au large de la Bretagne six mois durant.
Depuis sa première victoire sur la Solitaire du Figaro en 2006 et son coup d’éclat final – gravé parmi les expressions du dictionnaire maritime comme « faire une Troussel » – Nicolas ne rêve que d’une seule chose… Quatorze longues années avant de réaliser ce rêve ultime et de s’aligner sur le Vendée Globe aux commandes d’une machine entièrement conçue et taillée pour lui, pour cette course.
Auteur d’une superbe première semaine sur l’eau, à l’issue de laquelle il négocie parfaitement le passage d’un front suivi d’une dépression tropicale nommée Thêta, Nicolas tient le rythme soutenu de la tête de course alors emmenée par le britannique Alex Thomson. Sept premiers jours intenses dans la cour des grands, avec des conditions à la hauteur du challenge puisque particulièrement difficiles. Pour corser ce début de tour du monde, un problème de génératrice – élément indispensable à la charge des batteries du bateau – va (pré)occuper le skipper pendant 48 longues heures. Il faut comprendre que sans énergie, un tel bateau de course ne peut fonctionner, puisque sa gestion par un marin solitaire nécessite l’utilisation permanente d’une multitude d’éléments électroniques, à commencer par le pilote automatique.
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La résolution de cette panne coïncide avec l’entrée de CORUM L’Épargne dans les alizés, ces vents de nord-ouest réguliers qui mènent jusqu’au Pot au Noir. Nicolas prend quelques heures de répit avant de se recentrer sur sa navigation. Le premier pointage lundi matin en témoigne : il file à plus de 20 nœuds de moyenne sur les 4 dernières heures de course (37 km/h), une vitesse équivalente à celle des bateaux leaders. En ligne avec l’équipe éditoriale du Vendée Globe à 5 heures, Nicolas confie avoir eu des bonnes conditions toute la nuit pour aller vite : « Là, c’est une course de vitesse jusqu’au Pot au Noir. LinkedOut et Apivia vont très vite depuis quelques jours. J’ai maintenant pu accélérer aussi mais il faudra faire attention car ça sollicite beaucoup le bateau. Il y a une vingtaine de nœuds, ce sont des conditions agréables. »
Une heure et demie plus tard, le mât du bateau CORUM L’Épargne se brise aussi vite que le rêve commun à Nicolas et son équipe de terminer ce tour du monde en solitaire. Paradoxe pour un projet exigeant n’ayant jamais rien laissé au hasard, mais dont la casse matérielle a eu raison.
C’est alors qu’il faut se référer à une annexe communément appelée « gestion de crise ». En mer, bien que sous le choc, Nicolas doit sécuriser le bateau au plus vite. À terre, dans un état similaire, l’équipe technique se rassemble à Lorient. À peine l’annonce du démâtage transmise, il faut organiser la logistique pour indiquer la marche à suivre à notre skipper.
Arrivé à Mindelo, Cap-Vert, jeudi après-midi, après 3 jours de navigation au moteur, Nicolas y est rejoint dès vendredi par une partie de la CORUM Sailing Team aux côtés de Frédéric Puzin, fondateur de CORUM L’Épargne. Un retour en France est prévu en début de semaine suivante pour le skipper, tandis que l’équipe technique va s’occuper du bateau. Il va être chargé sur un cargo dans les prochains jours, avant d’être rapatrié en Bretagne d’ici un mois.
Au nom de Nicolas et de toute l’équipe, nous souhaitons remercier chacun d’entre vous pour les messages de soutien qui affluent ces derniers jours, et qui nous motivent une fois de plus à faire vivre le projet voile CORUM L’Épargne.
Par Hugo Chartier, membre de la CORUM Sailing Team
Le directeur de la performance d’Alex Thomson s’est confié à l’IMOCA sur la course d’Alex Thomson et la manière dont il la suit. Une interview passionnante à l’humour très british.
” Tout ce que vous pouvez faire à ce stade, c’est vous asseoir chez vous et surveiller les mises à jour sur l’ordinateur en espérant que tout va bien à bord pour le skipper britannique” qui continue à mener le Vendée Globe après 12 jours de course. Neal McDonald travaille avec Thomson, par intermittence, depuis environ cinq ans. Agé de 57 ans et originaire de Brighton, Neil a participé à sept campagnes Whitbread et Volvo Ocean Race, ainsi qu’à des compétitions olympiques et à l’America’s Cup. Il trouve aujourd’hui difficile de ne pas être en mer avec Alex pour l’aider à mener la fusée noire, signée VPLP.
“Pour être honnête“, confie-t-il à la Classe IMOCA, depuis chez lui, à la Ciotat, dans le sud de la France, “c’est beaucoup plus stressant d’être chez soi. Pour tout vous dire, je me lève au beau milieu de la nuit, en faisant semblant d’aller aux toilettes, mais en fait, je regarde mon téléphone. Ce n’est pas relaxant du tout, même si évidemment ce n’est pas physique, mais j’ai l’avantage de comprendre ce qu’ils vivent… et dans ces cas-là, on vit la course avec eux. »
Le Britannique est plus que satisfait du déroulement de la course d’Alex. Le skipper a traversé une météo complexe et violente, et il en est sorti indemne et en tête d’une flotte qu’il mène alors que la cavalerie charge le long du Brésil.
Selon lui, le sentiment qui prédomine chez Alex Thomson en ce moment est le soulagement, car tous les espoirs de l’équipe en matière de performance semblent comblés. « Je pense qu’il apprécie le côté compétitif de la chose, » poursuit Neal. « Alex apprécie de voir le bateau là où nous voulions qu’il soit et c’est une immense satisfaction pour lui. Ce n’est pas seulement les quatre dernières années qui comptent mais le travail de toute une vie dans le monde de la course au large qui l’a amené là où il est maintenant. Je pense qu’il y a beaucoup de plaisir à voir qu’il a pris le bon chemin et qu’il a produit quelque chose qui est comme nous l’attendions. Et c’est vrai que jusqu’à ce que vous vous engagiez en course, vous ne savez jamais vraiment où vous en êtes. »
Selon Neal McDonald, si HUGO BOSS s’est révélé jusqu’ici compétitif dans la plupart des configurations rencontrées, il n’a pas encore montré ses capacités dans les conditions où le responsable performance pense que le bateau pourra vraiment faire parler tout son potentiel.
« Je ne pense pas que, à ce jour, le bateau ait été testé dans les conditions où nous allons avoir les plus gros gains, » dit-il. « C’est ce qui est excitant de mon point de vue. »
Nous n’avons pas encore vu de VMG continu, au vent arrière et dans des vents moyens, ce qui, je pense, est le ‘range’ où nous verrons quelques différences. Et je croise les doigts pour que ce soit le cas.
Il y a eu beaucoup de commentaires sur la stratégie employée par Thomson pour faire face à la tempête tropicale Thêta. Jean Le Cam mis à part, Alex s’est rapproché du centre du système et a creusé l’écart sur ses poursuivants. McDonald dit que ce n’était pas seulement la bonne approche pour négocier une cellule orageuse relativement petite, mais surtout quelque chose que Thomson a déjà vécu.
« Ce n’est pas comme dans le Grand Sud où vous avancez dans un système, à des ‘millions’ de kilomètres de la terre, pendant des jours et des jours, » complète-t-il. « Alex a navigué dans la zone délicate pendant cinq ou six heures et il était tout à fait prêt pour cela. Il est resté particulièrement conservateur. Je lui en ai parlé par la suite et il m’a décrit son plan de voilure qui était très, très conservateur. »
« Et il y est allé en sachant qu’il avait déjà vu ces conditions auparavant. S’il avait été téméraire dans sa configuration de voiles et si l’endroit avait été différent, j’aurais vu les choses différemment. Mais je pense qu’il l’a fait en connaissance de cause. »
McDonald ajoute : « Certains disent que c’était courageux, mais ce n’était pas courageux, c’était un gain avec un risque calculé, comme la plupart des décisions qu’il doit prendre et il est clair qu’il a pris la bonne décision. »
Avant le départ, Alex Thomson a lui-même évoqué la pression qu’il ressent pour gagner le Vendée Globe. Au cours d’une longue carrière dans la Classe IMOCA qui ne l’a pas encore vu monter sur la plus haute marche du podium, il a connu toutes sortes de revers et d’accidents. McDonald affirme que la pression pour gagner est bien présente mais que le skipper ne devient pas extrême pour autant. L’objectif est plutôt de s’assurer qu’il donne le meilleur de lui-même sur l’ensemble de la course.
« La pression est évidemment présente mais il a toujours dit – et je pense que beaucoup de bons marins ressentiraient la même chose – que tant qu’il terminera la course avec le sentiment d’avoir fait ce qu’il pouvait et de n’avoir laissé aucune pierre non retournée, il sera satisfait. »
En ce qui concerne les rivaux de Thomson, Neal affirme que Thomas Ruyant sur LinkedOut et Charlie Dalin sur APIVIA se sont avérés aussi rapides que l’équipe de HUGO BOSS l’avait prévu. Il affirme que le seul plan Juan Kouyoumdjian encore en course, ARKEA PAPREC de Sébastien Simon (actuellement 10e), « pourrait encore avoir son heure de gloire. »
Bien qu’il y ait eu des conditions variées sur ce début de course, McDonald pense qu’il est encore trop tôt pour savoir comment la concurrence va évoluer.
« Nous avons vu toute une série de conditions mais nous n’avons pas vu toutes ces conditions sur une longue période, alors je vais attendre de voir comment tout le monde tient dans le temps, » dit-t-il. « C’est génial en tout cas de pouvoir suivre une course comme celle-ci parce que, de mon point de vue, c’est merveilleux de voir toutes les données s’enrichir et de comprendre vraiment comment fonctionne chaque bateau. »
Clarisse Crémer a franchi l’Equateur et se trouve bord à bord avec Romain Attanasio en 17e position. « L’équipe m’a mis une bouteille de bière à bord pour fêter ça, comme le veut la tradition », confie la navigatrice, sourire aux lèvres.
« Il fait 30 degrés à bord même si je pense que le bateau en rajoute un peu, explique-t-elle en rigolant. Progressivement, je commence à m’habituer au rythme et aux exigences d’un tour du monde. Le moral va de mieux en mieux. » « Son début de course a été difficile à cause des conditions mais aussi parce qu’il fallait prendre la mesure du défi qu’elle s’est lancée, ajoute Erwan Steff, responsable logistique du Team Banque Populaire. Désormais, elle s’est mise en mode course et file vers le sud. »
Banque Populaire X continue ainsi sa progression au cœur de l’Atlantique et les conditions au passage du Pot au Noir, toujours très redoutées, se sont avérées plutôt malléables. Certes, elle a dû faire face à un grain à 30 nœuds jeudi au petit matin. « Même si c’est plutôt calme, ça demande du boulot, certifie Clarisse. On n’est pas sauvé tant qu’on n’est pas sorti de la zone et c’est toujours difficile d’anticiper ce qu’il va se passer. » Mais l’épisode météo était relativement court. « La traversée du Pot au noir n’a rien à voir avec le manque de vent que l’on avait connu pendant la Transat Jacques Vabre l’an dernier ». Résultat : « j’ai moins de manœuvres, moins de changements de voile et le bateau est donc moins sollicité. Je suis actuellement sur un long bord tout droit qui va durer durant les cinq prochains jours. »
Ces derniers jours à bord que Clarisse qualifie « d’assez tranquilles » lui ont également permis de gagner en confiance et de prendre du plaisir, aussi. « J’ai pu constater qu’on peut aussi profiter et que cela contribue à être plus lucide sur la gestion du bateau ». Banque Populaire X navigue désormais à proximité de trois autres concurrents (Isabelle Joschke, Romain Attanasio et Alan Roura). « J’ai échangé avec Alan par WhatsApp. Je suis contente d’avoir des bateaux autour. C’est stimulant et rassurant ». Elle ne perd pas son tempérament de compétitrice pour autant : « On essaie de rattraper le groupe devant nous mais ça paraît difficile. Et c’est parfois rageant de voir que ça a toujours l’air d’aller plus vite à l’avant de la course. »
Désormais, c’est l’ anticyclone de Sainte-Hélène qui se profile en ligne de mire. « Normalement, je vais devoir le contourner par l’ouest, ce qui obligera à faire un grand tour, ajoute Clarisse. Mais il faut encore que les modèles météorologiques s’affinent dans les prochains jours ».
La navigatrice profite aussi des conditions plus agréables pour dormir davantage et pour se ressourcer. Au programme ces derniers jours : visionnage de documentaires, notamment sur Michelle Obama et Kamala Harris, la nouvelle vice-présidente américaine. Deux destinées de femmes fortes qui ont su se battre, ne jamais renoncer et continuer coûte que coûte à tracer leurs sillons, comme d’autres le feraient au milieu de l’Atlantique.
Alex Thomson fait mieux que résister à la pression de Thomas Ruyant et de Charlie Dalin. Son positionnement à l’ouest lui a permis de toucher finalement plus de vent aujourd’hui. L’heure des choix arrive pour viser la meilleure trajectoire pour contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène.
Le trio de tête ne devrait pas se quitter de sitôt et l’écart latéral entre eux devrait se réduire. L’anticyclone de Sainte-Hélène est scindé en deux parties par un axe dépressionnaire qui s’étend de la côte brésilienne vers le milieu de l’Atlantique. C’est une situation assez classique à cette période de l’année. Les dépressions qui se forment sur le Brésil circulent le long de cet axe, vers le Sud-Est.
Pour Christian Dumard, la route idéale consiste à venir se glisser entre cet axe et la cellule anticyclonique qui est dans l’Est. La dépression qui circule actuellement sur cet axe n’est malheureusement pas très active et le couloir de vent est assez étroit. Ce n’est donc pas une autoroute vers les Quarantièmes, mais plutôt une route de campagne bien cabossée qui se présente devant les premiers concurrents avec une partie de la descente plein vent arrière dans des vents faibles et beaucoup de manœuvres.
On peut aujourd’hui penser qu’un premier groupe arrivera à prendre ce flux. Les poursuivants auront plus de difficultés à accrocher l’arrière de cette dépression. Ils pourraient dans ce cas être amenés à repartir vers le Sud en début de semaine pour aller contourner la deuxième cellule anticyclonique située dans le Sud-Ouest. Heureusement, cette dernière se déplacera rapidement vers l’Est, ce qui facilitera son contournement.
L’alizé est encore bien en place jusqu’à ce week-end pour tous les concurrents qui sont au Nord de la latitude du Cap Vert. Il devrait mollir à partir de samedi. Idem pour le pot au noir où les vents seront très faibles samedi, avant de se renforcer à nouveau à partir de dimanche.
Thomas Ruyant, LinkedOut, s'entraine pour le Vendee Globe au large de Groix, France, le 5 Juin 2020. (Photo Pierre Bouras / TR Racing)
Thomas Ruyant à bord de son LinkOut continue d’accélérer pour tenter de dépasser Alex Thomson (Hugo Boss). De pointages en pointages, il tutoie la première place du classement général provisoire, affichant des performances sur 24 heures sensiblement égales, voire supérieures, à celles du Britannique. Très rapide depuis son franchissement express du pot au Noir mercredi après-midi, le navigateur Nordiste, au bénéfice d’une route moins abattue, plus proche du lit du vent de Sud Est que celle de son adversaire direct, pourrait dans la journée s’adjuger la première place d’un très provisoire classement calculé depuis une route optimale vers le but. La route météorologique n’est, elle, pas prise en ligne de compte et il convient de regarder avec précision la trajectoire au plus près des côtes Brésiliennes suivie par le skipper Britannique d’Hugo Boss, qui semble avoir déjà une idée très précise de la manière d’entrer au plus vite, à défaut d’au plus court, dans les grands systèmes perturbés du Sud.
Le contournement de l’anticyclone de Sainte Hélène est la difficulté majeure proposée à toute circumnavigation. Il offre cette année, semble-t’il, deux options radicales, une route relativement directe au plus près de l’énorme front froid qui scinde l’anticyclone d’Itajai à Capetown, et un « tour de la paroisse », au plus près des côtes d’Amérique Latine, plus long mais moins sujet aux arrêts au stand et à l’inconnue des micro dépressions qui jalonnent le front froid évoqué plus haut. La route très abattue suivie par Alex Thomson, qui ouvre la porte à ses deux poursuivants décalés de plus de 120 milles en longitude, laisse à penser que le skipper d’Hugo Boss entame déjà sa stratégie de route vers la porte des 40ème rugissants. Avec un Charlie Dalin en position intermédiaire et bien à l’affût, c’est une journée certainement fondamentale qui s’avance, quand ces trois leaders désormais bien détachés du peloton (Le Cam, 4ème, est à 190 milles) vont abattre leurs cartes et dévoiler leur plan de route pour rejoindre la pointe australe de l’Afrique du Sud.
Ami, complice, co-skipper, architecte naval, Antoine Koch suit d’heure en heure la progression de Thomas :
« Le classement est flatteur et vient récompenser la bonne gestion de course, du bateau et du bonhomme de Thomas depuis le départ. Il convient naturellement de relativiser cette position calculée sur une route idéale. Alex Thomson toujours plus bas en latitude, et maître de ses choix de route, demeure en excellente position. Thomas a su parfaitement gérer son rythme personnel. Il a su prendre quand il le fallait le temps de récupérer après les très gros efforts des tout premiers jours de course. Il a pu récupérer sans sacrifier à la performance puisqu’il est bien revenu en vitesse pure sur Hugo Boss, avant que ce dernier ne s’écarte de la route directe. Comme on s’y attendait, les plans Verdier sont redoutables au près et au reaching, tandis qu’Hugo Boss marche fort au portant. Des choix stratégiques déterminants doivent être faits dès aujourd’hui. Il faut voir loin, à 5 ou 6 jours, et donc se déterminer par rapport à des phénomènes pas encore totalement en place. Cela fait partie du jeu. Je suis heureux de sentir Thomas bien dans sa course. »
Alex Thomson a concédé beaucoup de terrain dans la journée de jeudi hier en sortie de pot au noir perdant quasiment ses 60 milles d’avance. Il donne des explications.
Je déteste être dans une position de perdre de façon importante, ce qui peut arriver lorsque vous suivez, alors je préfère de beaucoup être devant, diriger. Je pense que je suis peut-être un peu différent dans ma façon de naviguer. Mais je suis ici pour gagner et je veux donc être le leader dès le début.
J’essaie de ne pas penser constamment à qui est derrière moi, qui me poursuit. J’étais un peu comme ça mais pas tellement plus. Quand j’ai reçu un rapport de position à 4 heures hier matin, je perdais encore des milles (je sais pourquoi – ils avaient plus de vent que moi, tout simplement). Je me suis dit “d’accord, je vais faire quelque chose à ce sujet, je vais hisser la plus grande voile, d’accord, je vais le faire.” Et puis presque aussitôt, je me suis donné un petit coup de pied et j’ai dit: «La ferme Alex. Retourne te coucher, reposes-toi pour l’amour de Dieu. Alors c’est ce que j’ai fait, je suis allé me recoucher. C’est une longue course et il s’agit de prendre les bonnes décisions tout du long, et parfois cela signifie éviter de pousser trop fort même lorsque vous le souhaitez.
Dans cette course, vous devez vous attendre à l’inattendu. Mais il y a déjà eu quelques choses d’inattendue pour moi cette fois, à savoir ce qui est arrivé à Charal. J’aurais aimé me battre avec Jérémie pour la première place. Il était vraiment le numéro un dans mon esprit pour cette course. Alors oui, c’était une grosse surprise. Je me sentais vraiment triste à ce sujet, pour être honnête. Je lui ai envoyé un petit mot disant qu’évidemment, je suis passé par là et je sais ce que ça faisait, pour qu’il se sente un peu mieux dans tout ça. Et puis l’autre nouvelle était le démâtage de CORUM. Lors d’un appel vidéo en direct, on m’a demandé ce que j’en pensais, et je ne savais même pas, donc j’étais un peu choqué. C’est terrible quand quelqu’un quitte la course, mais cela arrive malheureusement, c’est inévitable. Pour Charlie Dalin, Thomas Ruyant – ils sont juste là derrière moi. Il n’y a pas de surprises. Les gens dont nous parlons étaient des prétendants avant la course.
L’ambiance à la maison
Kate et les enfants adorent ça jusqu’à présent. Oscar (mon fils) est un peu déçu car je l’ai dépassé dans la course virtuelle. Ils sont vraiment engagés, en profitent et – comme tout le monde – ils deviennent assez accros au tracker. Je leur parle presque tous les jours et ils me manquent. Mais j’ai aussi des photos d’eux tout autour du bateau pour me tenir compagnie.
Son état d’esprit positif
Cette fois-ci, je voulais vraiment amener les gens dans le bateau et leur faire ressentir ce que c’était. Il faut présenter les choses d’une certaine manière pour pouvoir le faire, et j’adore le faire. Cela me donne une autre concentration et j’aime ça. Je suis généralement optimiste la plupart du temps. Si j’obtiens une mauvaise position, je pourrais être grognon pendant environ 10 secondes, puis je me secoue un peu et je me dis de continuer!
Mise à jour 20/11 – 12h38
Alex : Je ne ressens pas la pression des autres. Je ne fais pas ma route en fonction d’eux. Je suis assez content de ma route et de mon positionnement. Je suis bien là où je suis.
Le trimaran Ultim Sodebo 3 est parti s’entrainer au large de Lorient checker ses systèmes après quelques semaines d’arrêt suite à sa casse matériel. Les travaux de réparation sont quasiment finis et le l’équipe devrait bientôt se mettre en Stand By.