Les hommes de Cammas vont être secoués dans l’Indien

A bord de Groupama 3
DR

Bonne Espérance est pour mercredi après-midi, soit après treize jours et demi de mer depuis le départ de Ouessant. Voilà le temps annoncé par Franck Cammas ce lundi midi pour atteindre la longitude de Cape Town. Avec toujours plus de 600 milles de marge sur le temps de référence d’Orange 2 et même si le skipper estime qu’il risque de perdre quelques heures avant ce « deuxième point de passage », son avance devrait se maintenir autour d’une vingtaine d’heures. Pour les « mers indiennes », Eole et Neptune semblent moins coopératifs en raison d’une perturbation qui circule assez Nord et qui présente un gros gabarit !
« Après Bonne Espérance, nous allons être bloqués sur le 40° Sud pour laisser passer une grosse dépression. Nous devrons rester sur sa bordure Nord pendant pas mal de temps sans pouvoir glisser plus au Sud. Mais même sur ces latitudes, nous aurons de la mer forte avec jusqu’à sept mètres de houle ! La situation est assez compliquée mais les routages nous obligent à suivre cette voie plus longue autour de l’Antarctique» annonçait Franck Cammas à la vacation de la mi-journée.

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Un Indien musclé !

Ainsi le vent va générer une mer dure pour le trimaran géant qui ne pourra donc pas gagner dans le Sud afin de raccourcir sa route. En effet, plus le bateau se rapproche de l’Antarctique, moins il parcourt de milles pour atteindre le cap Horn. Certes, il y a une limite, celle de la banquise, et un risque, les icebergs, mais en règle générale, les navigateurs du Grand Sud passent entre l’archipel des Kerguelen (49° Sud) et l’île Heard (53° Sud) puis essayent de rester le plus longtemps possible entre le 50° et le 55° Sud jusqu’aux îles Macquarie. Le gain en distance par rapport à une route sur le 40° atteint alors plusieurs centaines de milles !
« Nous allons franchir la longitude du cap de Bonne Espérance mercredi après-midi avec une entrée dans l’Indien assez musclée. Nous allons choisir notre zone de navigation pour éviter le gros de la mer, mais on va quand même se faire secouer pendant 24 heures… Pour bien passer dans une mer de trois-quarts arrière, il faudra peut-être partir un peu plus dans le Nord. C’est un peu frustrant car ce ne sont pas des conditions habituelles pour traverser l’Indien ! Mais il faut faire avec. Depuis le départ, nous n’avons pas eu de situations météo très favorables à part les alizés d’Est au large du Brésil… Il a fallu beaucoup batailler et là, se faire rejeter au Nord du 40ème Sud, cela va beaucoup rallonger notre route… Espérons que nous aurons de bonnes périodes météo par la suite… » concluait le skipper de Groupama 3, qui restait toutefois confiant dans les capacités du bateau et de l’équipage à ne pas perdre trop de temps dans ce début d’Indien viril…

Ils ont dit :

Jacques Caraës, équipier d’avant (n°1) : « Nous sommes toujours sous gennaker lourd avec un ris dans la grand voile : ça glisse très bien avec 25-30 nœuds de vitesse sur une mer agréable… Beaucoup de plaisir pour les barreurs ! Il y a eu pas mal de manœuvres parce que la route n’était pas simple depuis Ouessant. Cette nuit, par exemple, on a changé de gennaker avec tout le monde sur le pont… Par rapport à Orange 2, Groupama 3 est plus raide, donc plus fatiguant : on le ressent dans les jambes. Le franc bord de Orange 2 était plus sécurisant, plus confort, mais le trimaran démarre plus vite : c’est une autre génération de bateau. Du coup, dans les phases de transition, Groupama 3 est beaucoup plus évolutif et nous pouvons adapter la voilure beaucoup plus vite. C’est un gain important.
Le bruit à bord est assez prenant, mais on s’habitue à tout, comme un pêcheur se fait au bruit de son moteur… On vit avec l’environnement du bruit… qui nous fait dormir quand tout va bien ! Côté intimité, ça va mais on était jusqu’à présent dans la phase la plus facile : on va rentrer maintenant dans un nouveau monde. On revoit des oiseaux du Sud, avec une température douce encore, mais le ciel se couvre… Cela annonce un changement de temps ! Nous rentrons dans le vif du sujet en bordure des 40ème rugissants. Pour l’instant, nous avons une mer plutôt favorable avec une belle houle qui nous pousse bien. Le froid va petit à petit envahir l’atmosphère. Nous maintenons notre avance de 24 heures sur Orange II et l’Atlantique nous a bien rodé avant de naviguer dans l’océan Indien.
La manœuvre la plus dure et la plus compliquée reste le changement de gennaker, le médium pour le lourd, comme nous avons dû le faire cette nuit : cela prend du temps et demande des bras, et nous essayons de la faire lors d’une rotation de quart puisque tout le monde est réveillé à ce moment là. Il faut être prudent parce que le bateau va vite et les barreurs cherchent à ralentir un peu pour sécuriser la plage avant. Mais ça reste impressionnant, surtout la nuit quand on ne voit pas grand-chose et qu’on file à plus de 25 nœuds… Nous sommes toujours harnachés avec des longes de sécurité et nous n’avons pas eu de mers trop fortes depuis le départ. Mais il va falloir être plus prudent encore dans les jours à venir. D’autant plus que le froid n’aide pas à la manœuvre !
Nous communiquons bien à bord et Yves Parlier, notre navigateur, nous fait un petit point tous les jours avec une météo à court terme pour que nous sachions l’évolution à venir afin de nous préparer à la manoeuvre. Cela permet de bien entrer dans le rythme et d’anticiper sur les heures à suivre. »

Repères : Trophée Jules Verne

Temps à battre : 50 jours 16 heures 20 minutes et 4 secondes – Vitesse moyenne : 17,89 noeuds
Record détenu par Bruno Peyron, à bord du maxi catamaran Orange II, depuis mars 2005.

Les chiffres du jour

Jour 11 à 8h 00′ TU
*Distance parcourue sur l’eau en 24 heures : 601,2 milles
*Distance parcourue depuis le départ : 5 819 milles
*Distance par rapport à l’arrivée : 18 711milles
*Moyenne du jour 11 : 25,1 noeuds
*Moyenne depuis le départ : 22,04 nœuds
*Avance par rapport à Orange II : 616,2 milles