Le cap Leeuwin a finalement été franchi (longitude 115° 08 Est) ce jeudi à 10h51 (heure française) : Franck Cammas et ses neuf équipiers établissent ainsi un nouveau temps de référence entre Ouessant et la pointe Sud-Ouest de l’Australie, en 21 jours 02 heures 43 secondes. Ils améliorent de onze heures et 54 minutes le chrono détenu sur ce segment depuis 2005 par Bruno Peyron et ses hommes. Mais cette partie de l’océan Indien marque tout de même une perte sèche de près d’une demie journée sur le temps qu’avait établi Orange II entre le cap des Aiguilles et le cap australien (7j 05h 35′). Groupama 3 a en effet parcouru ces plus de 3 800 milles en 7 jours 17 heures 13 minutes. Toutefois, Franck Cammas et son équipage conservent encore douze heures d’avance sur le maxi catamaran à deux jours de la mi-parcours…
Le sud-ouest est rentré
« C’est assez long, un tour du monde ! La mer n’est pas si petite que ça… Et le Sud ne nous a pas réservé de bonnes conditions de glisse. La route est longue et c’est fabuleux de venir ici voir les paysages et les couleurs : il y a la lune qui est en train de réapparaître et cela va être plus sympa même si les nuits sont courtes. On pense souvent à la montagne… » répondait Franck Cammas à Antoine Denériaz, le skieur médaillé olympique en descente venu assister à la vacation radio de ce jeudi midi en compagnie de Paul le Guen, l’entraîneur du Paris Saint-Germain. « Le bateau va vite et on essaye de l’emmener au bon endroit, ce qui n’est pas toujours évident… Le vent de sud-ouest est rentré depuis six heures maintenant car ces dernières 24 heures nous avons butté sur l’arrière d’un front froid sans possibilité de franchir cette barrière ! En attendant qu’il se désagrège, nous en profitons pour descendre dans le Sud et une dépression arrive par derrière. Nous allons viser le Sud de la Nouvelle-Zélande. »
La plus petite journée du tour
Paradoxe de cet étonnant tour du monde qui semble inverser le temps : alors que Groupama 3 naviguait ce jeudi jusqu’à 54° Sud, la position la plus extrême du trimaran géant depuis le départ de Ouessant, il ne cumulait que 388,7 milles à 8h TU sur les dernières 24 heures… Une moyenne de seize nœuds qui ne reflète pas vraiment le potentiel du bateau ! Se retrouver dans des calmes méditerranéens en effleurant l’Antarctique est pour le moins surprenant. D’autant plus que cette situation météorologique n’est pas prête de se stabiliser ! Car après cet intermède indien, la brise va souffler violemment du Sud, imposant à Franck Cammas et à ses neuf équipiers de remonter vers la Tasmanie… Plus de route donc pour faire le tour de l’Antarctique, mais aussi plus de mer car la houle va se former et se durcir au fil des heures.
Gare à une dépression tropicale
Sylvain Mondon de Météo France était assez réservé sur la suite car une dépression tropicale s’est installée à l’Est de la Nouvelle-Zélande et pourrait bien descendre pour se combiner avec la perturbation qui pousse depuis quelques heures Groupama 3. Il en suivrait des vents de 60 à 80 nœuds, des vagues de plus de dix mètres ! Des conditions qui ne permettraient plus d’exploiter le potentiel d’un multicoque, fusse-t-il un trimaran géant. Encore une fois, cela se jouera à quelques heures près et la trajectoire du bateau qui doit déjà s’incurver sensiblement vers la mer de Tasmanie, pourrait monter encore plus au Nord après l’île Stewart. Un lieu que connaît bien le navigateur Yves Parlier puisque c’est là qu’il avait fait escale pour réparer son mât avant de boucler le Vendée Globe 2000… Ce redémarrage de Groupama 3 doit donc être pondéré par l’incertitude partielle qui règne encore sur l’évolution de la météo à trois jours, lorsque Franck Cammas et ses hommes auront effectué la moitié de ce tour du monde !
Ils ont dit
Franck Cammas : « L’eau est à 3°C mais ce n’est pas une zone réputée pour ses icebergs. Nous restons tout de même attentifs au radar. Depuis quelques jours, le froid s’installe : on ne traîne pas dans le cockpit et nous mettons des gants pour manœuvre Les déplacements sont un peu plus durs sur le pont : ce n’est pas une région agréable pour naviguer. La mi-parcours sera une barrière psychologique importante parce que nous nous rapprocherons de la maison ! Mais la remontée de l’Atlantique est toujours plus longue que sa descente… Et le Pacifique n’est pas encore stabilisé, du moins à son entrée. Rien ne nous est apporté sur un plateau dans cette tentative. Mais on se bat et on reste dans les temps.»
Les chiffres du 21e jour de record :
*De Ouessant au cap Leeuwin en 21 jours 2 heures et 43 secondes
*Avance sur le temps de référence établi par Orange II en 2005 (21j13h54mn) : 11h54′
*Distance parcourue sur l’eau en 24 heures : 388,7 milles
*Distance parcourue depuis le départ : 11 052 milles
*Distance par rapport à l’arrivée : 13 478 milles
*Moyenne du jour 21 : 16,19 noeuds
*Moyenne depuis le départ : 21,93 nœuds
*Avance par rapport à Orange II : 333,4 milles
Les temps de référence
*Trophée Jules Verne : 50j 16h 20′ (Orange II en 2005)
*Ouessant-équateur : 6j 6h 24′ (Groupama 3 en 2008)
*Ouessant-cap des Aiguilles : 13j 08h 47′ (Groupama 3-2008)
*Ouessant-cap Leeuwin : 21j 02h 00′ (Groupama 3-2008)
*Cap des Aiguilles-Tasmanie : 9j 11h 04′ (Orange II en 2005)