La position de leader d’ABN AMRO ONE est donc relativement inconfortable, mais aux dires de Sidney Gavignet « pas pire que pour les autres arrivées ». En temps « normal », les 700 milles qu’il reste à parcourir auraient pu être réglés en moins de deux jours, mais, si on se base sur les cartes météo actuelles, il faudra ajouter deux à trois jour aux prévisions les plus optimistes (c’est à dire le 10 mars) pour arriver au pied du Pain de Sucre.
Ce matin, Sidney a adressé à l’organisation un mail sur la vie à bord d’ABN AMRO ONE.
"Mon Capitaine (Mike Sanderson) m’a demandé d’écrire le rapport du jour.… Ok, je vais dire la vérité, toute la vérité…Dire ce qui se passe sur notre petite planète.
Je viens de faire mon quart de 4 heures et d’ingurgiter de nombreuses barres énergétiques complètement fermentées. La première avait un goût atroce, la seconde cela allait mieux et puis je n’ai pas pu m’arrêter… Les albatros deviennent de moins en moins nombreux et de plus en plus petits. Ce sont les poissons volants qui ont pris le relais. Je viens de redescendre à l’intérieur car nous étions tous sur le pont il y a quelques instants pour assurer la manœuvre d’empannage. Tony cherche toujours son poisson (il est persuadé qu’il y a un qui se cache dans le cockpit), Brad a des champignons qui lui poussent sur la figure (je recommanderais à sa femme Marleen d’éloigner leurs enfants de tout ordinateur afin d’éviter les chocs psychologiques à la vue de leur père), Dave (Endean) cultive ses oreilles à la Docteur Spok. Bob (Greenhalg), notre champion du monde, vient de changer de chaussettes pour la première fois depuis le départ, (comme je viens de le faire avec mes sous-vêtements). Nous envisageons la vie sous un jour nouveau désormais ! C’est génial !
Jan (Dekker) vient de faire quelque chose de tout à fait inhabituel : il a parlé. Quelqu’un demandait quelque chose et il a répondu : « Yes ». S’il n’est pas notre meilleur orateur, il est sans aucun doute l’un de nos meilleurs écrivains. Chaque jour, il reçoit plus de 10 mails dans sa boîte aux letrtes, en provenance de sa famille, mais aussi de toutes sortes d’animaux très étranges et autres Muppets. Bizarre ! En parlant d’animaux, j’ai l’impression d’élever des grenouilles dans le fond de mes bottes…
Alors que je vous écris depuis notre petit poste de navigation, je suis assis à côté de Stan The Man (Honey), notre navigateur. J’ai du mal à voir l’écran de l’ordinateur tellement la fumée qui sort de ses oreilles est dense. Il faut dire que la situation météo est très complexe.Pendant ce temps, les autres dorment. Je peux entendre Justin (Slatery) et vous assurer que tout à l’air d’aller bien pour lui.
Comme vous pouvez le voir, le déroulement de la vie à bord de ABN AMRO ONE est assez standard après plus de deux semaines de navigation dans les mers du Sud, et alors que nous retrouvons des eaux plus chaudes. Le grand maître de cet équilibre est notre skipper Moose (Mike Sanderson) qui règne sur ses troupes comme un Royal Cheese sur ses frites. Mais comme nous venons de perdre près de 25 milles sur nos poursuivants, Mousse est davantage comme un Royal Cheese sans Cheese. Bon allez, j’arrête de dire des bêtises. Et retournons à la course et à sa vie à de l’extrême.
La nuit dernière, nous avons vu une étoile filante extraordinaire. Le ciel tout entier s’est embrasé pendant près de 3 secondes. C’était tellement impressionnant que ceux qui étaient sur le pont en ont eu presque peur. Parfois, je dois avouer que je me sens très privilégié de passer de telles nuits en mer. Voilà, il nous reste encore un peu plus de 800 milles à parcourir jusqu’à Rio dans des airs très faibles. Ce n’est pas le cas de figure le plus facile pour nous. Nous avons la pression, mais nous avons l’habitude car toutes les arrivées d’étapes depuis notre départ de Vigo ont été disputées selon un scénario identique. Donc nous devrions survivre…Au revoir! »
Sidney Gavignet



















