Dernières heures de mer pour Maud Fontenoy

Maud Fontenoy
DR

Dans quel état d’esprit êtes -vous à l’approche de l’arrivée ?
" Depuis lundi,  j’ai été pas mal secouée et stressée car la météo était compliquée. J’étais sur le qui vive. La  nuit passée ( de lundi à mardi ) j’ai eu des rafales à 40 noeuds et je craignais pour mon gréement de fortune.  Là cela va mieux je commence à être un peu soulagée. Et bien sûr, je suis heureuse d’appprocher du but et impatiente de toucher terre. "
 
 
Vous attendez ce moment de l’arrivée  avec impatience mais peut- être aussi avec un brin d’appréhension ?
" Pour  dire la vérité je suis  partagée. Cinq mois en mer c’est très long et en plus il y a eu une grosse tension nerveuse tout  le temps. Je me sens  décalée et j’ai un peu d’appréhension par rapport au bain de foule qui m’attend . Cela va être un choc. J’espère arriver à  bien le vivre."
 
Maud , vous  qui aimez le contact avec les gens , comment avez -vous supporté la solitude pendant ces quatre mois et demie ?
" C’est vrai que j’aime bien les gens. Cela  a été un vrai choix de partir seule. Je voulais me retrouver , me confronter à moi- même, assumer mes défauts et mes qualités face à cette mer qui est neutre. J’avais envie de régler des comptes avec moi. Et tout cela avait un sens parce que j’étais seule . J’ai vraiment tiré ce que je souhaitais de cette expérience et aujourd’hui, je me sens prête à me diriger encore plus vers les autres et à donner après cette aventure intérieure et personnelle."
 
Il y a eu beaucoup de moments difficiles dans votre périple.  Il y a sans doute eu des joies, des émotions très fortes. Quels seront les plus jolis souvenirs que vous garderez de ces cinq mois de mer ?
"  Les soleils couchants , les heures à rêver sous les étoiles , le vol majestueux des albatros vont me manquer. On part ,  non pas parce qu’on aime souffrir. On appareille parce qu’on va chercher autre chose , une plénitude. . Dans ce voyage, il y a une quête intérieure , un besoin d’harmonie avec la nature ,une émotivité qu’on peut trouver que lorsque on est si longtemps isolé face à la mer. Elle m’en a fait baver mais par certains côtés elle m’a protégée. Il y a eu des satisfactions techniques comme les passages des caps,  Le Horn bien sûr  qui a été un moment émouvant. "
 
 Il y a eu des galères  et ce coup du sort du démâtage tout près du but. Avez- vous été tentée de jeter l’éponge  ?
" Le scénario final  a été très dur.  Je m’attendais  à que ça se calme sur la fin,  ce qui n’a pas été du tout été le cas car après l’épisode du démâtage , il y a  eu la menace du cyclone.   En ce qui concerne le mât , il m’a fait très peur parce que déjà il et tombé juste à côté et le choc  a été traumatisant. Après , il a fallu que je me mette des coups de pied aux fesses pour aller dehors et passer  à côté des ces haubans tendus comme des arcs au dessus du pont. J’en frissonnais en me disant si ça lâche, je les reçois en pleine figure.  J’étais inquiète, désarmée face à cette situation dans une mer encore forte. avec un bateau à la dérive,  le mât qui cognait contre la coque et la nuit qui tombait.  Ces derniers mois  j’avais  travaillé sur moi,  sur les façons d’ assumer mon stress et mettre de côté la peur. Cela m’a grandement  servi à ce moment.  Il a fallu agir de façon pragmatique, disciplinée , et être un peu robot. "
 
Vous n’êtes pas forcément une bricoleuse née.  Monter ce gréement de fortune après le démâtage de Loréal c’était un challenge  ardu ?
" C’est sûr  je ne suis pas du tout bricoleuse. ( elle en  rit  ) Je suis une vraie" fifille." C’est mon frère qui m’a aidé à préparer le bateau.  Là,  je me suis retrouvée seule avec la caisse à outils sur le pont. L’important c’est de mettre un peu d’inteligence dans chaque chose, que l’on fasse la tarte au citron ou qu’on essaie de se dépatouiller d’une situation extrème.  J’ai fait comme d’habitude, morceau  de la montagne  par morceau. Et petit bout par petit bout,  j’ai réussi à m’en sortir."

Est ce que vous avez senti des réserves du milieu nautique sur votre projet quant à  la performance pure ? Et  verra t’on  Maud Fontenoy en compétition face à d’autres marins ?
" Pour dire la vérité , je suis éloignée du monde de la course que j’admire énormément . Je n’en fais pas partie.  Chacune de mes aventures a été portée par une envie de véhiculer des valeurs , de travailler avec des écoles , de faire rêver des enfants en cancérologie de partager une aventure. Me confronter aux autres, être meilleur par rapport  à mon voisin n’est pas mon objectif premier… "
 
Gilbert Dréan

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