Avec 247 milles d’avance sur leur plus proche rival, à 90 milles de l’arrivée, les deux skippers de Virbac-Paprec 3 peuvent voir venir. Bien sûr, il va falloir rester vigilant, surveiller le trafic dans cette zone de Méditerranée sillonnée de nombreux navires de commerce, de même que de nombreuses barques de pêche. Mais cette dernière nuit de mer devrait être surtout l’occasion pour les deux navigateurs de savourer le travail accompli. Du bon boulot d’artisan, une copie propre rendue, tel est le sentiment qui doit dominer à bord du dernier né de l’écurie de Jean-Pierre Dick qui est apparu singulièrement détendu à la vacation du jour. Le navigateur niçois reconnaissait d’ailleurs, in petto, qu’il lui avait fallu attendre d’être à vingt-quatre heures de l’arrivée pour commencer à lâcher la pression. Ces dernières heures n’appartiennent qu’à eux, mais on imagine combien les deux compères vont pouvoir goûter une entente, heureux mélange de partage de compétences et de respect mutuel, entre deux hommes qui ont su trouver cet équilibre fragile entre complicité et égards nécessaires.
Dans le sillage des vainqueurs, la Catalogne s’apprête à fêter le retour d’Iker Martinez et Xabi Fernandez (MAPFRE) qui pourraient en finir mardi soir ou mercredi matin suivant les humeurs de la Méditerranée. Brillants deuxièmes, les deux navigateurs basques pourront aussi s’enorgueillir d’avoir accompli leur tour sans escale technique et d’avoir respecté ainsi le plan de charge qu’ils s’étaient fixés. A 400 milles de Gibraltar, Pachi Rivero et Antonio Piris (Renault ZE) devraient pouvoir rejoindre l’entrée du détroit quasiment sur un bord. Leurs concurrents immédiats Estrella Damm et Neutrogena devraient, quant à eux, subir une nouvelle rotation des vents à l’est nord-est qui risque de les obliger à tirer des bords le long des côtes marocaines. La punition la plus sévère sera pour Ryan Breimayer et Boris Hermann qui, contraints par leur quille de serrer le vent davantage que leurs adversaires, se retrouvent dans la situation la plus défavorable : ils vont être les premiers à subir l’influence d’une petite dépression thermique qui se forme sur le Maroc et qui va générer des vents de nord-est, pile sur leur route.
Dilemme pour Dee et Anna
Il en est d’autres qui peuvent avoir des raisons de se plaindre : ainsi Gerard Marin et Ludovic Aglaor, à bord de Forum Maritim Catala, n’en finissent pas de rencontrer des vents contraires et s’inquiètent de leur gréement qui donne quelques signes de faiblesses. Pour eux, c’est encore au minimum vingt jours de mer avant d’espérer rallier Barcelone. Et ces jours-là, quand on sait que le premier a touché terre, paraissent forcément plus longs car ils concrétisent les milles de retard accumulés tout au long de la course. Et que dire de We Are Water relégué encore à 2500 milles de leur tableau arrière ou Central Lechera Asturiana qui pointe à plus de 10 000 milles de l’arrivée en plein cœur du Pacifique, alors que l’automne austral se profile plus nettement chaque jour ?
A l’aune de ce constat, les positions de Hugo Boss, en pleine traversée d’un Pot au Noir relativement peu actif et de GAES Centros Auditivos, bien calé au sixième rang sont plutôt confortables. Malgré tout, Dee Caffari et Anna Corbella vont avoir à faire un choix crucial pour remonter vers la porte de la Méditerranée. L’anticyclone qui gonfle devant leur étrave leur offre la possibilité, soit de piquer dans l’est et se condamner à des heures et des heures de près, soit de basculer sur la face ouest des hautes pressions pour les contourner, avec le risque de devoir remonter jusqu’à la latitude de Lisbonne.
Ils ont dit:
Jean-Pierre Dick, Virbac-Paprec 3 : « La victoire est à portée de main. Il nous reste une nuit difficile à passer la pétole ce soir et un peu de près demain. Il faut faire attention au matériel. Nous touchons du doigt cette arrivée. Nous restons fidèles à notre méthode depuis le début. Nous regardons dehors toutes les dix ou quinze minutes. Tout est fait pour ne pas avoir de mauvaises surprises, mais il reste les filets, les animaux dans l’eau. Il existe toujours des risques inhérents à la navigation. Nous avons de la réussite depuis trois mois. La mer devrait encore nous laisse passer ! J’ai revécu en mer cette nuit le premier passage de Gibraltar. Nous étions passés devant Foncia. Une petite erreur tactique à Madère, probablement la seule de notre parcours. Cela paraît assez lointain. Beaucoup de choses se sont passées depuis. Deux arrêts techniques, dont un pour la barre d’écoute qui casse. Nous pensions que tout était fini pour nous, qu’il faille rentrer à la maison. »
Anna Corbella (ESP) GAES Centros Auditivos : « Cela fait une semaine que nous sommes au près et cela tape beaucoup. Nous sommes un peu fatiguées et nous attendons avec impatience la rotation du vent. Une fois que le vent aura tourné au Sud il y aura une petite zone de transition et après nous ferons cap sur Gibraltar. Cela ne devrait pas être très difficile. Il devrait y avoir des vents du Nord et cela devrait faciliter le passage du détroit. Mais c’est encore dans une semaine. Nous n’allons pas crier victoire trop vite car tout peut se passer même si, pour l’heure, nous sommes heureuses de ces prévisions. Nous avons fait pratiquement une semaine de près avec une mer de face assez dure et très courte. Le bateau n’est pas très agréable dans ces conditions, il tape beaucoup. Cela aura été les pires conditions pour notre réparation sur le ballast qui semble bien tenir. »
Boris Herrmann, Neutrogena : « Nous devons continuer à régler le bateau en permanence pour pouvoir rester dans nos vitesses cibles. Nous avons aussi un problème de pilote et nous avons dû travailler six à sept heures sur l’un d’eux. Il y a un circuit hydraulique qui s’est ouvert et le moteur électrique a cessé de fonctionner. Nous avons dû tout démonter et cela a été très difficile d’intervenir dessus et de nettoyer toute l’huile. Mais nous y sommes venus à bout et cela a été un vrai plaisir de le voir fonctionner de nouveau. Maintenant j’ai les mains pleines d’huile. Je suis très content d’avoir réalisé cette réparation avec Ryan. Quand l’un barrait le bateau, l’autre réparait le pilote. Tout seul j’imagine difficilement comment j’aurai pu le faire. »
Classement de 16 heures
1 VIRBAC-PAPREC 3 à 89 milles de l’arrivée
2 MAPFRE à 247,3 milles du leader
3 RENAULT Z.E à 799,7 milles
4 ESTRELLA DAMM Sailing Team à 1004,2 milles
5 NEUTROGENA à 1305,6 milles
6 GAES CENTROS AUDITIVOS à 1952,3 milles
7 HUGO BOSS à 3037,7 milles
8 FORUM MARITIM CATALA à 3882,6 milles
9 WE ARE WATER à 6352,1 milles
10 CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 10389 milles