A 500 milles de l’antéméridien à la mi-journée, Franck Cammas et ses neuf équipiers ont préféré se recadrer vers le Nord-Est pour ne pas subir une mer trop dure au large de la Nouvelle-Zélande. Avec plus de 35 nœuds de vent et six à sept mètres de creux, l’objectif est avant tout de contourner cette zone de basses pressions générant des vents très forts en se décalant vers le Nord. Certes, le chemin est plus long pour atteindre le cap Horn, mais il est surtout plus sûr et plus sécurisant pour le bateau qui doit encore parcourir plus de 10 000 milles avant Ouessant !
« Nous repartons un peu vers le Nord-Est parce que la dépression nous impose de nous écarter du centre de la perturbation où il y a cinquante nœuds. Nous devons rester dans des mers maniables, car là en ce moment, nous sommes au plus fort du vent… La mer et la houle commencent à s’organiser mais c’est la première fois que nous rencontrons ce type de vagues. Groupama 3 a un comportement exceptionnel dans ces conditions, il ne plante jamais dans la mer même s’il y a des phénomènes vibratoires dans les flotteurs et les bras qui nous demandent de faire attention » précisait Franck Proffit à la vacation du jour.
Rupture de latte
Car sur un tour du monde qui dure plus d’un mois et demi, le but est primordialement de composer avec la mer et le vent pour ne pas fatiguer le matériel et ne pas trop solliciter l’équipage. Groupama 3 a démontré qu’il possédait un potentiel exceptionnel même avec des conditions météorologiques peu coopératives, mais les hommes de Franck Cammas savent aussi que pour aller vite, il faut avoir totalement confiance dans son bateau et qu’il ne sert à rien de le faire « souffrir ». Il suffit d’attendre que la situation devienne favorable pour lâcher les chevaux, ce qui ne devrait pas tarder au vu des prévisions. Le Pacifique en une huitaine de jours, voilà un challenge que le trimaran géant va désormais relever dans des vents qui seront certes encore soutenus de secteur Sud-Ouest, mais qui vont repasser au Nord-Ouest prochainement avec l’arrivée d’une nouvelle dépression dès lundi.
« Nous venons de faire un empannage il y a une demi-heure dans trente cinq nœuds de vent : on a cassé une latte… Nous pouvons faire ce type de manœuvre à sept équipiers pour que les gars qui sont en repos, puissent continuer à dormir. Il n’y a que les manœuvres de gennaker qui demandent plus de monde sur le pont et on essaye d’enclencher cette manœuvre lors d’un changement de quart où tout le monde est réveillé. Ce n’est que la latte « une » qui s’est rompue (en haut de la grand voile, sur la corne) et on a eu un peu de chance mais ce n’est pas très important : nous avons des lattes de rechange… Nous allons attendre un peu pour affaler la grand voile parce que nous avons encore six à sept mètres de creux. »
Ce recadrage vers l’île Stewart devrait ainsi permettre à Groupama 3 de tirer ensuite un grand trait vers le cap Horn sans se soucier des icebergs venus de la mer de Ross grâce à sa trajectoire plutôt Nord, sur le 48° Sud. La grande glissade vers la pointe de l’Amérique du Sud est donc encore au programme pour les jours à venir et il faut s’attendre à des moyennes époustouflantes en ce début de semaine… Car si Orange II avait été plutôt véloce dans le Pacifique, il est désormais acquis que Groupama 3 peut « monter dans les tours » sans effort et gagner encore du terrain dès que la grande houle d’Ouest va le pousser. Et dans une semaine, ce sera déjà le cap Dur !
Franck Proffit, chef de quart et barreur de Groupama 3 :
« Nous n’avons pas énormément de temps libre, essentiellement lorsque nous sommes en quart de veille. Nous avions 1,5 kg d’affaires personnelles et certains ont pris des livres, d’autres des DVD, de la musique. Cela permet de se sortir la tête du bateau : c’est important pour garder du jus… Mais on privilégie le sommeil. Nous sommes un peu coupés du monde mais c’est aussi ce que nous cherchons en venant ici : ça ne nous manque pas ! Comme la terre… On n’en a pas vu depuis Ouessant ! Mais ici, dans le Pacifique, la mer est très belle, d’un bleu turquoise. C’est superbe : à la différence de l’Indien, les mers sont plus longues et moins chaotiques. C’est de meilleur augure ! »



















