Les skippers s´expriment sur l´important nombre d´avaries

Camper Pacifique Sud
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Chris Nicholson, skipper de Camper, est en train de remonter en course le long des côtes de l’Argentine pour prendre les 15 points de la quatrième place. Nicholson décrit les bateaux de la dernière génération (sur cette édition, ils y appartiennent tous à l’exception de Team Sanya) comme aussi difficiles à construire qu’à naviguer, mais précise que ce défi fait partie intégrante de la Volvo Ocean Race. Selon lui, ce fait est parfaitement intégré par les marins professionnels qui mènent ces bateaux. « On ne peut pas construire des voiliers plus rapides, qui offrent une expérience aussi passionnante au large et dans les régates In-Port. On ne peut pas obtenir la vitesse et des sensations fortes sans qu’il y ait un peu de casse. Tous ceux qui naviguent à bord de ces Volvo Open 70 savent très exactement de quoi ils sont capables. Nous pourrions faire cette course sur des bateaux avec des coques en acier en avançant à 12 nœuds maxi et ne rien casser. Ce serait la meilleure façon de faire fuir le public. »

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Iker Martínez, skipper de Telefónica, est l’actuel leader du classement général provisoire après 10 manches. Selon l’Espagnol, dans une course autour du monde, de tels dommages sont pratiquement inévitables. « C’est une donnée que les skippers et leurs équipages doivent prendre en considération dans leurs stratégies de course. Les bateaux subissent des avaries car ils sont très rapides. Ils peuvent facilement atteindre 40 nœuds. Pour ne subir aucun dommage à cette vitesse, le bateau devrait être très solide, et donc pas idéal pour gagner une course autour du monde. La meilleure façon de gagner cette course est d’avoir un bateau très rapide et de lever le pied quand il faut. »

Qu’en pense Mike Sanderson, le skipper de Team Sanya ? L’équipage a dû rebrousser chemin quelques jours après le départ d’Auckland. Le bateau du team chinois est le seul qui ne soit pas de la nouvelle génération puisqu’il a disputé la course en 2008-09. « La casse est absolument inévitable étant donné le niveau de performance des Volvo Open 70, notamment ceux de la dernière génération. Quand ils vont vite, ils tapent très durement sur l’eau. Il suffit de prendre une seconde et regarder ce que ces gars-là font encaisser à leurs bateaux. Parfois, ils essaient de ralentir le bateau mais ils n’y arrivent pas. »

Ian Walker est le skipper d’Abu Dhabi Ocean Racing. Son bateau vient d’être chargé au Chili sur un cargo pour rejoindre Itajaí, où le team procédera à la réparation d’un délaminage de coque. Walker souligne que la casse n’est pas un phénomène nouveau et relativise en rappelant les avaries de la précédente édition. « En 2008-09, nous n’avions eu qu’une étape difficile, celle qui menait la flotte vers la Chine au départ de Singapour. Il ne faut pas oublier que trois bateaux se sont brisés sur cette étape et que les autres se sont arrêtés. »  Walker déclare cependant que le fait que seul Puma soit arrivé indemne au Brésil est un signal fort. Quelque chose ne va pas. « Nous – pas seulement nous, mais toutes les équipes – ne semblons pas être en mesure de passer au travers des conditions difficiles de cette course. Quand vous regardez cette étape, il faut bien se dire qu’on ne peut pas continuer comme ça. Je ne pense pas que vous puissiez reprocher les règles de course et je pense que ces bateaux sont tous très bien construits. Je pense juste que nous les poussons tellement fort, et que les bateaux sont si raides et si légers, que la rupture est inévitable avec les matériaux utilisés. »

Franck Cammas, le skipper de Groupama sailing team, est arrivé troisième à Itajaí sous gréement de fortune suite au démâtage du VO70 français. « À chaque nouvelle génération de Volvo Open 70,  les équipes essayent de faire des bateaux de plus en plus fiables et apprennent des erreurs passées. Nous le savons tous et les experts le savent également : la perte de fiabilité se traduit, à la fin de la journée, par une perte d’argent et de temps. La fiabilité est la chose la plus importante et chaque règle est poussée dans ses derniers retranchements dans cet objectif. Les gens ne doivent pas dire que les bateaux sont moins fiables que par le passé, car ce n’est pas le cas. Certes, le niveau nous incite à pousser les bateaux plus fort que jamais. Ces Volvo Open 70 vont plus vite que jamais parce qu’ils sont mieux conçus. Tout cela fait partie du sport. En Formule 1, s’il n’y avait jamais d’accident, ce ne serait pas la Formule 1. Avec la Volvo Ocean Race, s’il n’y avait pas de casse comme nous en connaissons, nous ne serions pas la course de l’extrême de référence. »

Ken Read est le skipper vainqueur de la cinquième étape sur Puma. « Les bateaux modernes sont sans doute trop rapides et les conditions de navigation dans les mers australes ont été telles que les barreurs ont passé la plupart du temps à essayer de ralentir pour éviter d’endommager le bateau. Dans ces moments-là, l’élément humain doit prendre la main et dire : ‘Écoutez, il y a une limite à ne pas dépasser pour mener ces bateaux à ce rythme avant que les choses ne tournent au vinaigre.’ Atteindre les 40 nœuds est la chose la plus stupide que vous pourriez faire, parce que vous seriez hors de contrôle. Mais parfois vous n’avez pas le choix, un couple de grosses vagues vient vous chercher et tout à coup vous êtes à la rue. Vous devez faire tout votre possible pour empêcher le bateau de décrocher. Il y a une énorme quantité de chance impliquée. C’est comme un accident de voiture – si j’avais quitté la maison une dizaine de secondes plus tard, ma voiture n’aurait pas été dans cette position et rien ne serait arrivé. Si vous n’étiez pas sur cette vague à ce moment-là, le bateau ne se serait pas envolé, vous ne vous seriez pas écrasé sur l’eau, et vous n’auriez pas cassé le bateau en deux. Pour gagner, vous devez être sur le fil en permanence. Se retenir signifie s’enlever les 10 %, qui font que vous êtes passé du ‘complètement hors de contrôle’ à ‘un petit peu hors contrôle.’  Vous devez conserver votre instinct de survie qui vous murmure à l’oreille ‘fais une pause maintenant car c’est comme ça que tu vas perdre la course.’ »