Il y aura eu un avant et un après l’escale technique de Wellington. C’est ici que Mapfre aura profité de l’occasion pour s’échapper définitivement et consolider sa deuxième place. C’est aussi pendant ces quarante-huit heures qu’Estrella Damm passera de la troisième à la septième place. Mais Alex Pella et Pepe Ribes se seront battus jusqu’au bout prouvant que leur ambition de pouvoir accéder au podium n’avait rien de déraisonnable. Il faut parfois un peu de réussite pour faire un résultat, elle n’était pas du côté des garçons d’Estrella Damm.
Dès le départ, la sortie de Méditerranée annonce la couleur d’un tour du monde qui va toujours exiger plus de ses équipages. Sans vent, contre un fort courant contraire, le bateau vainqueur de la première édition de la Barcelona World Race, recule pendant plusieurs heures. Devant Virbac-Paprec 3 et Foncia s’échappent quand Mirabaud, parti le long des côtes d’Afrique du Nord, complète le podium provisoire. Une semaine après le départ, les deux compères d’Estrella Damm récupèrent la troisième place, mais à bonne distance des deux leaders. Il faudra l’escale imprévue et simultanée de Virbac-Paprec 3 et Foncia à Recife pour que, pour la première fois dans un tour du monde du circuit IMOCA, un équipage espagnol se trouve en position de leader. C’est une première ; Alex et Pepe vont faire honneur à ce nouveau rang en tenant tête à la flotte pendant six jours du 14 au 20 janvier.
Paradoxalement, cette position de leader intervient au plus mauvais moment. Devant leur étrave, le choix est cornélien : contourner l’anticyclone de Sainte Hélène au prix d’un détour significatif le long des côtes de l’Amérique du Sud ou tenter une option proche de la route directe. Certaines prévisions météorologiques évoquant une possible division du centre de hautes pressions, Estrella Damm prend le chemin le plus court vers le Cap de Bonne-Espérance, comme d’ailleurs la presque totalité de la flotte, excepté Mapfre qui choisit de son côté une option intermédiaire. Seuls Virbac-Paprec 3 et Foncia, à l’issue de leur escale brésilienne, longent les côtes sud-américaines, bien leur en prend puisque les deux bateaux reprennent la tête de la flotte le 21 janvier.
Coup de Trafalgar à Wellington
La casse du mât de Foncia propulse Estrella Damm en troisième position, qu’Alex et Pepe partageront à plusieurs reprises avec le Groupe Bel de Kito de Pavant et Sébastien Audigane, tout au long de l’océan Indien. Au sud de l’Australie, Estrella Damm réduit significativement l’écart avec MAPFRE. C’est alors que les équipages vivent une tempête, qu’ils pensent être la pire de toute la course, accompagnée de vents jusqu’à 50 nœuds et de vagues démesurées.
La traversée de la mer de Tasmanie est un véritable supplice. L’objectif clairement annoncé est de tout faire pour ménager le bateau et ne pas s’arrêter à Wellington. Mais tous ces efforts sont réduits à néant quand le 20 février, à quelques milles des côtes néo-zélandaises, leur étai cède. Une pièce irremplaçable avec les moyens disponibles à bord du bateau. Leur rêve de réaliser un tour du monde sans escale est anéanti : ils doivent faire escale technique. Et par là même, voir le podium s’envoler. Car avec les 48 heures d’escale obligatoires, Alex et Pepe ne peuvent que regarder passer Renault Z.E., Mirabaud et Neutrogena qui, de plus, profitent de vents portants pour allonger la foulée. Pella et Ribes repartiront de Wellington avec 500 milles perdus sur Pachi Rivero et Toño Piris.
Comme si la coupe n’était déjà pas assez pleine, la tempête tropicale Atu s’interpose sur la route d’Estrella Damm et Groupe Bel alors qu’ils quittent la Nouvelle Zélande. « «Nous sommes passés dans l’œil du cyclone. Une expérience que je ne recommande à personne ! Vingt-quatre heures de vent entre 40 et 50 nœuds, une mer avec des vagues plus hautes que des montagnes », résume alors Pepe Ribes dans un message. Lors d’une chute Pepe se blesse le genou, l’handicapant pendant de longues semaines et lors d’unemanœuvreà l’avant, Alex se casse une côte.
Entre Wellington et le Cap Horn, qu’ils doublent le 9 mars en septième position, Estrella Damm récupère une centaine de milles sur Renault Z.E. Mais c’est surtout lors de la remontée de l’Atlantique qu’ils donneront leur pleine mesure, revenant à 76 milles seulement du troisième. A cette heure, Alex et Pepe restent, d’ailleurs, toujours détenteurs de la meilleure moyenne de la flotte entre le cap Horn et Gibraltar, qu’ils atteignent après plus de trois mois de mer. A 500 milles du but, leur chemin de croix n’est pas terminé. En mer d’Alboran, les deux navigateurs doivent affronter des vents contraires, des rafales à 65 nœuds et une mer démontée où les vagues pyramidales atteignent parfois plus de six mètres. Après cette dernière épreuve, Alex et Pepe terminent leur tour du monde, non sans être passé devant Calpe, où Pepe a ses attaches.