“C’est arrivé hier, en plein milieu d’une de ces journées où il le se passe rien. Celle-ci en plus d’être ennuyeuse, était inconfortable. Mais franchement, on aurait préféré s’embêter un peu plus. Je ne sais même plus qui s’en est aperçu. Mais peu importe, le résultat est le même. Notre rail de mat se décolle. Pour le moment sur 70 cm environ. Il ne va pas s’arracher tout de suite, mais étant donné qu’il reste quand même 3500 miles jusqu’à Abu Dhabi, on ne peut pas rester à rien faire en attendant que ça empire.
Alors Kevin est monté dans le mat. Il y a posé deux sangles pour stopper l‘hémorragie. C’est bien. Ca ne bougera plus. Le seul problème c’est qu’avec deux sangles en travers de la piste, impossible d’affaler la grand-voile et surtout de prendre des ris… Et ça, jusqu’à Abu Dhabi, ça va pas le faire. Alors in faut trouver une solution. « Monter, poncer le carbone, poncer le rail, et recoller » (Kevin). Quand ? Dès que les conditions le permettront. C’est à dire pas ce matin.
Pas ce matin car depuis quelques heures, il y a grosse bagarre. Bagarre contre les concurrents – on en a cinq à vue – et contre les éléments : grains, risées, molles, nuages, rotations, et les changements de voiles qui vont avec… ça n’arrête pas. Pas un temps à monter bricoler dans le mât en tous cas. Alors on continue. Comme si tout allait bien. On continue à matosser les petites cuillères en essayant d’oublier qu’on a deux grosses sangles d’un bon kilo chacune au milieu du mât. On continue à tout régler aux petits oignons pour tenter de grappiller mètre après mètre, en oubliant qu’il faudra envoyer quelqu’un faire de la colle dans le mât, et que ça pourra durer un moment. On continue, grand voile haute, sans trop penser à la dépression tropicale qu’on va bientôt trouver sur notre route. On continue, en oubliant qu’on y est pour rien.”



















