Halvard Mabire dans « l´après-monde » brésilien

    Merron et Mabire Campagne de France
    Merron et Mabire Campagne de France

    Halvard Mabire et Miranda Merron espèrent arriver à Itajai à  bord de Campagne de France ce lundi matin. Hier ils ont doublé le cap Frio et ont dû traverser des champs pétrolifères, ce qui inspire le skipper normand à reprendre sa plume.

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    « C’est tout de même quelque chose. D’abord, c’est compliqué. En effet, la réglementation maritime nous interdit de passer à moins de 500 mètres d’une plateforme pétrolière et une distance de 2 milles minimum est recommandée. Etant donné, la densité des installations offshore, il fallait viser juste pour respecter ces impératifs réglementaires. Les bords devaient être bien ajustés et les angles de navigation se jouaient au degré près.

    Sinon, comme c’est quelque chose qu’il n’est pas donné à tout le monde de voir de ses propres yeux, cela mérite tout de même une petite description, car la réalité est assez loin de ce que l’on peut imaginer en voyant une plateforme pétrolière offshore bien proprette en image photo ou film. D’abord, il n’y a pas que les plateformes. Il y a aussi des espèces de cargos transformés à cet usage d’exploitation pétrolifère en mer. Il y a aussi les tankers, qui viennent chercher le précieux produit, tant attendu de tous les consommateurs. Pour aider tout cela à se mettre en place, il faut une armée de remorqueurs ou supply divers qui sont en permanence sur zone. S’ajoutent à cela quelques gros hélicoptères qui font la navette d’une installation l’autre, probablement pour les relèves de personnel, la livraison du courrier et des films pornos, la dépose de quelque pièce de rechange ou d’experts qui viennent expertiser.

    Aucune plateforme n’est vraiment pareille. Mais elles ont toutes en point commun d’avoir l’air bien complexes et bien compliquées. Même si l’extraction concerne le pétrole, c’est tout à fait l’image que peut se faire le commun des mortels de ce que peut être une “usine à gaz”. Pour les espèces de cargos transformés, c’est encore pire. On reconnaît bien, vaguement, une forme de coque mais pour tout ce qui est au-dessus, ce ne sont qu’enchevêtrement de tuyaux, structures diverses et variées et autres bizarreries que nous avons bien du mal à visualiser, surtout que maintenant tout le monde veut travailler dans le “tertiaire”, ou en tous cas exercer un métier où on est propre sur soi, et qu’il y a une certaine forme d’aversion générale pour tout ce qui touche l’Industrie. Depuis certaines de ces structures émane de temps à autre une torchère, sorte de briquet géant, tendu en l’air comme pour allumer un cigare au Bon Dieu. Heureusement nous avons traversé tout cela de jour. Je pense que de nuit, cela doit être compliqué de s’y retrouver, même si chaque plateforme dispose d’un AIS. Mais les AIS des plateformes ne sont pas différents de ceux des bateaux qu’il y a tout autour et en tous cas la densité des signaux AIS est si serrée sur l’écran qu’il faut zoomer sévère pour essayer de discerner vraiment qu’est ce qui est quoi et qui va où au milieu des grappes compactes de petits bateaux verts, qui matérialisent un signal AIS sur notre écran d’ordinateur.

    En termes d’esthétique, on ne peut pas dire que ce soit bien beau. Le tout est baigné dans une teinte rouille et bien qu’il y ait certainement des hommes pour s’occuper de tout ce bazar, il n’y a rien d’humain ni de naturel dans ce paysage. Le décor fait plutôt penser à un monde du futur, comme on en voit au cinéma dans les films qui racontent notre “après monde”, c’est à dire quand l’homme aura tout détruit de sa planète et qu’il ne restera sur Terre que quelques bandes éparses qui passent leur temps à s’entretuer au milieu de friches industrielles. Mais sans cela, pas de carburant dans nos petites totos, donc il vaut mieux ne pas trop penser à tout ça au moment où on se sert à la pompe à essence.

    En tous cas, c’était intéressant de voir cela de près. C’est très impressionnant aussi. La taille du, ou plutôt des sites est gigantesques. Cela s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres carrés. Le nombre d’installations offshore est énorme. Et le fait que le tout soit en pleine Mer, et puisse résister à l’assaut des Océans (ou tout du moins on l’espère…) est à la limite du concevable. On se dit qu’il y a décidément bien peu de barrières à l’entreprise humaine et on comprend mieux l’intérêt d’impérativement sanctuariser les quelques parties du monde où la Nature est encore vierge. »