C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de Patrice de Colmont, l’homme du mythique Club 55, qui s’est éteint à 77 ans. Figure emblématique de Saint-Tropez et créateur de l’esprit du Club 55 — lieu où tout avait (presque) commencé pour Brigitte Bardot et les Voiles de St-Tropez avec la Nioulargue.
Véritable « vice-maire de Saint-Tropez », il a contribué à écrire certaines des plus belles pages de la légende de ce petit port devenu mondialement célèbre. Fondé en 1955, le Club 55 était une véritable affaire de famille. Les parents de Patrice avaient acquis ce petit coin de paradis en bord de mer — un trésor préservé des lois littorales. Tandis que les concessions voisines changeaient de mains, le 55 demeurait. Patrice, bourru mais affable, recevait les convives avec une convivialité naturelle ; son épouse gérait la boutique, et sa sœur Véronique la comptabilité. Ces dernières années, il avait transmis le flambeau à sa fille Camille, préférant se consacrer à son domaine agricole du château de La Môle.
Écologiste convaincu, il cultivait fleurs et légumes bio qu’il vendait lors de journées portes ouvertes où se pressaient les habitués de la presqu’île tropézienne. Avec le temps, sa silhouette était devenue aussi mythique que la plage elle-même.
Mais le Club 55 ne suffisait pas à sa légende. En 1981, Patrice de Colmont eut l’idée de créer La Nioulargue, une régate amicale entre deux skippers, jugée face au restaurant. Le perdant devait offrir un déjeuner au Club 55. Très vite, les plus grands noms de la voile – Ted Turner, Herbert von Karajan, Éric Tabarly – s’y affrontèrent. L’événement devint Les Voiles de Saint-Tropez dont la dernière édition s’est tenue la semaine dernière et dont la journée des Défis le jeudi perpétue encore la tradition.
Patrice de Colmont, créateur de la Nioulargue en 1981
« Quand on arrive aux Voiles, on retrouve immédiatement le plaisir de voir les marins, de renouer avec l’atmosphère. Cela fait déjà 40 ans, mais la vue des bateaux produit toujours cet effet. Je n’avais pas l’impression d’avoir initié un monument. Nous étions des bricoleurs, nous étions des farceurs, des passionnés de la farce. Le 1er octobre sonnait la fin de la saison estivale, et c’était pour nous l’occasion de “reprendre le pouvoir” à Saint-Tropez. Nous étions, des dires mêmes du Maire de l’époque Jean Michel Couve, les mutins de la place Forbin, petite place sur les hauteurs de Saint-Tropez. C’était bon enfant, sans méchanceté. Des farces d’étudiants attardés. Mais l’esprit des Voiles est né ainsi, et Dick Jayson et Jean Laurain en étaient la personnalisation, chacun à leur manière. Ils ne se prenaient au sérieux que sur des lignes de départ! »
À 77 ans, cet esprit libre et visionnaire s’en est allé. Avec lui, Saint-Tropez et le monde de la voile perd l’un de ses meilleurs amis.